Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, est-il meilleur point de départ pour une réflexion préalable au prochain Conseil européen que les enseignements de la récente consultation électorale qui a permis à tous les citoyens européens de se prononcer sur leurs affaires ?
Les manœuvres électorales, trop souvent à cent lieues de l’objet de la consultation, ont quelque peu obscurci cet épisode à l’occasion duquel tous les cinq ans – tous les cinq ans seulement ! –, les Européens sont invités à se souvenir que leur communauté de destin est aussi une démocratie, la première démocratie de ce genre dans l’histoire, et qui n’a sans doute pas d’homologue dans notre monde, si ce n’est peut-être la démocratie indienne.
S’agit-il de mesurer l’audience des familles politiques nationales ? Les commentaires abondent en dépit du fait, rappelé par tous, que le très faible taux de participation signifie probablement d’abord, et c’est très bien, le refus des citoyens d’assimiler affaires européennes et affaires nationales. Le taux d’abstention record, qui peut surprendre dans un contexte particulièrement prégnant de crise économique et de mondialisation, méritait mieux que les lamentations rituelles. Je le crois, pour ma part, porteur d’un double enseignement : le premier est de nature technique, mais empreint de connotations politiques ; le second est pleinement politique.
Enseignement technique, tout d’abord : une élection qui ne comporte guère d’enjeu concret visible ne saurait intéresser la masse des citoyens. Or il n’y a pas d’enjeu visible dès lors que la plupart des candidats sont des inconnus, que l’élection ne détermine ni la dévolution du pouvoir exécutif – qui est le principal effet mobilisateur d’une élection – ni même l’action législative en l’état du processus décisionnel du Parlement européen, dont nous connaissons le caractère consensuel.
Ces caractéristiques essentielles, que je ne critique nullement, car cela ne pourrait pas être autrement sans danger, ne sont en rien mobilisatrices, reconnaissons-le.
Ce qui, en revanche, pourrait, ou aurait pu, être mobilisateur, c’est le sentiment de concourir à des processus décisionnels ayant des conséquences politiques visibles sur les conditions de vie des citoyens européens ou sur la conduite de leurs affaires communes. C’est dans cette direction qu’il faut, me semble-t-il, rechercher l’explication majeure du désintérêt de nos concitoyens.
En quoi peuvent-ils se sentir concernés par ce qui n’est pour eux qu’une énorme machine administrative d’une complexité décourageante en elle-même, s’exprimant par des textes incompréhensibles et ne produisant que des effets concrets extrêmement rares et limités ? Ceux qui se sont essayés à la lecture de certaines directives ou du traité de Lisbonne savent de quoi je parle : ce dernier vous tombe des mains avant d’atteindre la troisième page.