Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 18 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « compte de concours financiers : avance à l'audiovisuel public » - programmes « france médias monde » et « tv5 monde » - examen du rapport pour avis

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur pour avis :

Après une réorganisation nécessaire en 2012 et 2013, les deux sociétés, -France Médias Monde qui regroupe les marques RFI, France 24 et MCD, et TV5 Monde filiale commune aux radiodiffuseurs francophones dont France Télévisions est l'actionnaire principal- sont désormais dotées d'un contrat d'objectifs et de moyens (2013-2015) pour l'une, et d'un plan stratégique (2014-2016) pour l'autre, et sont entrées dans une phase de stabilisation et de consolidation qui devrait leur permettre de poursuivre leur développement de manière plus efficace.

Dans la maquette budgétaire pour 2015, la présentation des crédits du budget général alloués aux sociétés de l'audiovisuel public a été simplifiée.

L'objectif fixé à l'échéance de 2017 par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques de recourir exclusivement à la contribution publique à l'audiovisuel public (redevance) pour le financement des entreprises publiques du secteur audiovisuel est atteint dès 2015, pour FMM et TV5 Monde. Leurs dotations publiques sont ainsi inscrites respectivement aux programmes 844 et 847 de la mission « Avances à l'audiovisuel public ». Ensemble ces dotations représentent 8,6% des 3,752 milliards d'euros de crédits destinés au secteur de l'audiovisuel public.

L'audiovisuel extérieur principalement financé par le budget de l'État jusqu'en 2012 est donc désormais exclusivement financé par la contribution à l'audiovisuel public. Cette situation pourrait paraître quelque peu paradoxale puisqu'à l'inverse des autres chaînes de radio ou de télévision du service public, les programmes de l'audiovisuel extérieur n'étaient pas complètement accessibles aux personnes résidant sur le territoire national et qu'ils ne sont pas a priori conçus pour ce public. Cependant l'arrivée du numérique, la diffusion de France 24 en français en Ile-de-France sur la TNT et la diffusion grâce à l'ADSL, sur l'Internet et les réseaux sociaux, élargit aujourd'hui très sensiblement leur audience.

Ceci nous amène à formuler plusieurs observations :

Première observation : il faudra veiller à ce que ce nouveau mode de financement n'altère pas la politique de programmes de ces médias. Même si nous considérons que leur diffusion sur le territoire national enrichit l'offre et peut répondre à des besoins spécifiques aujourd'hui insatisfaits, ils restent d'abord des leviers de l'influence française à l'étranger.

Deuxième observation : Cette situation aura un avantage, si elle permet aux sociétés d'échapper aux régulations budgétaires et si elles sont assurées ainsi d'une meilleure prévisibilité de leurs ressources.

Enfin, troisième observation : même si l'apport de crédits inscrits au budget général de l'État n'est pas interdite, la redéfinition d'une trajectoire financière ne sera pas simple à obtenir dans le cadre de la répartition du produit de la contribution à l'audiovisuel public dans la mesure où les deux entreprises sont des « liliputiennes » par rapport aux autres sociétés de programmes et que leur poids en termes d'audience nationale et de budget de production ne leur donne que de faibles leviers d'influence.

Je poursuis en présentant les perspectives de France Médias Monde pour 2015, Philippe Esnol, présentera ensuite celle de TV5 Monde et nos conclusions.

Le contrat d'objectifs et de moyens de France Médias Monde sur lequel la commission a formulé en décembre dernier un avis a fixé les principaux objectifs de la société : consolider la couverture mondiale de France 24 ; continuer à adapter le programme de RFI et de MCD aux publics ciblés, notamment par les langues de diffusion, renforcer la diffusion sur tous les supports numériques ; enfin, approfondir les synergies, en interne et avec les autres acteurs de l'audiovisuel extérieur.

Nous ferons, avec Philippe Esnol, six observations.

La première : FMM voit ses crédits progresser alors que les autres sociétés de programmes connaissent une diminution ou une moindre progression. Il est proposé d'allouer à la société une dotation totale de 242 millions d'euros soit une progression de 0,9% en adéquation avec la trajectoire financière proposée par le contrat d'objectifs et de moyens.

La dotation représente 95% des ressources de la société. Sa faible progression oblige toutefois l'entreprise pour réaliser les projets consignés dans le contrat à dégager des marges de manoeuvre suffisantes soit par la progression de ses ressources propres, soit en réalisant des économies. C'était notre deuxième observation.

Or, troisième observation, le niveau des ressources propres dans le compte de résultat prévisionnel est apprécié de façon ambitieuse (+ 9,9%). Cet objectif n'est cependant pas irréaliste malgré l'atonie du marché publicitaire, compte tenu de la remobilisation de France Télévisions Publicité qui assure la régie publicitaire de France 24, de l'ouverture de la diffusion de cette chaîne sur la TNT en Ile-de-France depuis le mois de septembre dernier, enfin des efforts de la régie interne de RFI et de MCD. Il serait conforté si FMM pouvait développer la diffusion de ces programmes sur le territoire national dès 2015. Nous y reviendrons.

J'ajoute que nous avions, en 2014, constaté que les contraintes déontologiques qui s'imposent aux médias publics français d'information brident la capacité de développement des ressources publicitaires, alors que les chaînes internationales étrangères ne se privent pas de ce type de recettes commerciales. Un assouplissement permettrait d'offrir des espaces intéressants pour la promotion de productions françaises en parfaite synergie avec les objectifs de la diplomatie économique promue par le ministre des affaires étrangères. On comprend donc mal que les chaînes internationales françaises soient contraintes d'affronter la compétition internationale avec des semelles de plomb. Nous demandons qu'une évaluation soit conduite dans le cadre de la préparation du prochain contrat d'objectifs et de moyens. C'est notre quatrième observation.

Cinquième observation, s'agissant des économies susceptibles d'être réalisées : il y a peu à attendre d'une décroissance de la masse salariale qui, en 2015, avec 129,1 millions d'euros pour un effectif de 1714 ETP (permanents et non permanents), progresse un plus rapidement que les ressources. En effet, la société a connu deux plans sociaux au cours des dernières années, ce qui a, en grande partie, épuisé la capacité à trouver dans une réduction des emplois permanents une source d'économies. La tendance aujourd'hui est d'ailleurs à la réduction de l'emploi précaire. En outre, l'harmonisation des statuts, conséquence de la fusion juridique des sociétés, fait l'objet d'une négociation qui devrait aboutir au premier semestre 2015 et risque d'avoir un impact sur la masse salariale.

Des économies sont attendues de la rationalisation du mode d'exploitation des régies de télévision, de l'optimisation de la planification des personnels, de la poursuite de la baisse des frais de fonctionnement. Les résultats obtenus sont encourageants, mais l'entreprise risque d'atteindre rapidement les limites de l'exercice. Elle a déjà sacrifié une part conséquente de ses dépenses de marketing et de communication, ce qui ne lui donne guère les moyens d'accroître sa notoriété et donc ses audiences. Le réinvestissement dans ce domaine sera stratégique dans le prochain COM.

L'arbitrage risque de se faire au niveau des programmes, ce qui n'est pas un tabou, mais pourrait fragiliser l'entreprise à terme s'il n'est pas réalisé avec discernement. On l'a vu en 2014, avec le décalage du projet de diffusion de RFI en bambara.

Notre sixième observation est relative à la diffusion, sur le territoire national, de programmes de service public en langue arabe, porteurs des valeurs républicaines et laïques que votre commission estimait utile d'envisager dans son avis sur le contrat d'objectifs et de moyens. Nous avons été suivis puisque le cahier des charges de FMM a été modifié le 27 janvier 2014 et le rend désormais possible. L'accroissement des risques de radicalisation et les actions fortes d'embrigadement et d'endoctrinement de groupes extrémistes confortent notre conviction. La question de la préemption de fréquences par l'État, en cas de disponibilité ou de l'utilisation de fréquences sous-utilisées par Radio France devrait systématiquement être mise à l'étude.

Je terminerai par une septième observation sur le passage en HD de l'outil de production, Entrepris en 2014, cet investissement de l'ordre de 14 millions d'euros a été financé par la trésorerie de la société, l'amortissement est couvert en partie par les économies réalisées grâce à l'automatisation du processus de fabrication.

Le COM ne prévoit pas la diffusion en HD avant 2016. Toutefois, les demandes croissantes des opérateurs partout dans le monde risquent de conduire FMM à devoir mobiliser des ressources supplémentaires importantes afin de maintenir l'étendue de la diffusion de France 24. Il y aura lieu de les prévoir dans le prochain COM à un niveau suffisant et dès 2016.

En conclusion, mieux dirigée, France Medias Monde est en mesure de réaliser les objectifs qui lui sont assignés. Cependant, les aléas annoncent un exercice difficile en exécution. Il est donc indispensable que les ressources publiques de la société soient sanctuarisées et qu'elles ne servent pas de variables d'ajustement comme en 2014. À défaut, le gouvernement risque de démotiver dirigeants et personnels de l'entreprise et de faire douter la représentation nationale de la valeur et de l'intérêt de la procédure des contrats d'objectifs et de moyens qui doit reposer sur le respect des engagements réciproques des parties.

Nous rappelons enfin le souhait de la commission que le projet de nouveau contrat d'objectifs et de moyens puisse lui être soumis avant le début du premier exercice comptable de la période visée et si possible, s'agissant d'une entreprise financée à 95% par des ressources publiques, avant les arbitrages budgétaires qui procèdent à la détermination de sa dotation. En l'espèce, il devrait lui être soumis pour avis avant la fin du premier semestre de 2015. Je ne suis pas certaine que nous serons entendus, mais « il n'est point besoin d'espérer pour entreprendre.... »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion