Je vous remercie, Monsieur le Président, de votre invitation à venir présenter, devant les membres de votre commission, la mission budgétaire « Égalité des territoires et logement » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015.
Je souhaite tout d'abord saluer les nouveaux membres de la commission des affaires économiques renouvelée depuis les dernières élections sénatoriales.
Cette audition marque le début du travail de la Haute assemblée sur le projet de loi de finances pour 2015 qui a été adopté hier par l'Assemblée nationale. Je me réjouis donc de cette nouvelle étape qui s'ouvre aujourd'hui et qui devrait permettre, j'en suis certaine, de conforter les mesures ambitieuses et volontaristes que le Gouvernement a souhaité porter au sein de ce budget pour 2015.
J'ai confiance dans le travail que nous allons accomplir dans les prochaines semaines car je sais que la politique du logement, qui est une priorité du Gouvernement, rassemble largement les élus autour de deux grands enjeux : répondre aux besoins de nos concitoyens qui peinent à se loger selon leurs moyens et relancer le secteur de la construction et ainsi soutenir une filière pourvoyeuse d'emplois sur nos territoires.
Ce sont ces objectifs que nous nous sommes fixés, avec le Premier Ministre, lors de la présentation des deux plans de relance de la construction de logements en juin et en août derniers dont la majorité des mesures sont portées dans le projet de loi de finances pour 2015.
Une première série de dispositions doit permettre d'activer la mobilisation du foncier privé, car c'est l'une des clefs de réussite pour la production de logement. Ces mesures s'articuleront avec celles déjà prises pour renforcer la mobilisation du foncier public.
Il s'agit ainsi tout d'abord de l'alignement du régime d'imposition des plus-values immobilières résultant de la cession de terrains à bâtir sur la fiscalité applicable aux immeubles bâtis.
Il s'agit également de la mise en place d'un abattement exceptionnel de 30% de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux sur les plus-values immobilières réalisées en cas de cession de terrain à bâtir, ou bien encore d'opérations de démolition-reconstruction.
L'examen à l'Assemblée nationale a également permis l'extension de l'exonération de plus-value pour la construction de logements sociaux acquis en VEFA et la prolongation de trois ans de l'exonération de plus-value sur les droits de surélévation des bâtiments.
En application des engagements contractés entre l'État et le mouvement HLM lors de la signature de l'agenda HLM 2015-2018 en septembre dernier, le texte initial a été complété par la prorogation de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant 25 ans pour la construction de logements sociaux jusqu'au 31 décembre 2018 ainsi que l'extension de l'abattement de 30% de la taxe foncière sur les logements sociaux dans les 1 300 quartiers prioritaires de la politique de la ville.
La dernière disposition de mobilisation du foncier privé est la création d'un abattement exceptionnel de 100 000 euros pour les donations de terrains réalisées jusqu'à la fin 2015, à condition qu'ils soient ultérieurement construits.
D'autres mesures viennent soutenir la production de logements de manière directe. L'objectif de construction de 150 000 logements sociaux, dont 8 000 au titre de la rénovation urbaine, est maintenu. Ils seront financés grâce aux 400 millions d'euros de crédits d'aide à la pierre, complétés par un apport d'Action Logement de plus d'1,2 milliard en 2015, par un taux de TVA réduit à 5,5 % et par la mobilisation du fonds d'épargne (près de 11 milliards d'euros de prêts accordés en 2013).
Nous avons également trouvé un accord avec les bailleurs sociaux en septembre dernier pour créer, dans les trois prochaines années, 15 000 logements très sociaux aussi appelés « super PLAI-HLM » qui seront financés grâce à la mutualisation de 300 millions d'euros par le mouvement HLM.
Cette production s'ajoutera au programme de PLAI adaptés dont le deuxième appel à projets a été lancé en mars dernier et qui vise à créer 2 000 super-PLAI en 2014, et 3 000 en 2015.
En ce qui concerne l'investissement locatif, nous avons souhaité mettre en place un dispositif plus flexible, en permettant à l'investisseur de choisir sa durée d'engagement : 6, 9, ou 12 ans. Cette modification du dispositif était nécessaire pour développer l'offre de logements intermédiaires permettant à de nombreux ménages qui ne peuvent pas bénéficier d'un logement social et qui peinent à se loger dans un parc privé devenu trop cher, de trouver un logement. Cette nouvelle offre permettra également de fluidifier les parcours résidentiels de nos concitoyens et de leur offrir une offre plus adaptée à leur situation.
La première lecture à l'Assemblée nationale a étendu ce dispositif dans les territoires ultra-marins et a permis son intégration dans le plafond des avantages fiscaux Outre-mer fixé à 18 000 €, conformément aux demandes des parlementaires de ces territoires.
Pour permettre aux locataires qui le souhaitent de devenir propriétaires, nous proposons de prolonger le prêt à taux zéro jusqu'en 2017 avec un niveau d'aide pour l'ensemble des prêts signés en 2015 d'un milliard d'euros. Grâce à un rééquilibrage entre les territoires et à un ciblage plus fin des bénéficiaires, nous visons la signature de 80 000 prêts par an contre environ 38 000 aujourd'hui. Cette mesure, qui s'adresse aux classes moyennes et modestes, devient ainsi le dispositif privilégié de l'aide à l'accession.
Aussi, parce que je considère comme absolument indispensable d'engager la dynamique de relance du logement dans tous nos territoires et de soutenir les projets de rénovations qui bénéficient principalement aux PME du bâtiment et aux artisans, le projet de loi de finances prévoit d'élargir le bénéfice du prêt à taux zéro à l'achat de logements anciens dans 6 000 communes rurales. Ces communes seront définies selon des critères objectifs, qui ont été précisés par voie d'amendement en première lecture : un niveau de vacance supérieur à la moyenne nationale constatée par l'INSEE et une présence minimale de 6 équipements de proximité sur les 60 recensés par l'INSEE. Cette nouvelle mesure poursuit un objectif double : relancer l'activité par les travaux de réhabilitation et préserver l'attractivité des territoires ruraux.
Une autre mesure destinée à favoriser l'accession à la propriété et la mixité sociale est portée dans ce projet de loi de finances : les 1 300 quartiers prioritaires de la politique de la ville bénéficieront du taux de TVA réduit à 5,5 % pour les opérations d'accession.
Enfin, et c'est une nouveauté de ce budget qui a été déjà largement médiatisée et qui est attendue de nos concitoyens, le Gouvernement a décidé de soutenir les démarches de solidarité intergénérationnelle qui connaissent une véritable progression depuis ces dernières années et qui constituent un soutien efficace de la relance de la construction de logements. Il s'agit de la création d'un abattement exceptionnel de 30 % qui s'appliquera aux donations de logements neufs et aux donations de terrain à construire.
Il s'agit aussi de permettre aux particuliers réalisant un investissement locatif de louer ce logement à leurs ascendants et descendants. Au-delà de l'opportunité qu'il offre pour de nombreux ménages aux revenus moyens de soutenir un parent, qu'il soit âgé ou enfant étudiant, les logements ainsi construits libéreront des places dans le parc existant.
Je tiens à préciser que toutes ces mesures, que je viens de vous détailler ici, ne prendront pleinement leur sens que si elles sont inscrites dans un ensemble qui comprend d'autres mesures, qui ne sont ni budgétaires, ni fiscales et qui ne figurent donc pas dans ce projet de loi de finances. Il s'agit, par exemple, de l'allègement et de la simplification des normes de construction. J'ai eu l'occasion de présenter en juin une première vague de 50 mesures de simplifications, qui sera prolongée d'une seconde d'ici la fin de l'année.
Ces mesures s'accompagnent également d'un important effort financier en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments. L'Agence nationale de l'habitat (Anah) apportera un soutien plus important aux publics modestes pour leurs travaux de rénovation énergétiques. Par ailleurs, le crédit d'impôt développement durable qui est transformé en crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) est élargi.
Je sais que de nombreux parlementaires s'interrogent sur le financement de l'Anah. Je dois en effet reconnaître que sa principale ressource est incertaine, car elle est très dépendante du cours d'échange de la tonne quota carbone. C'est pourquoi le Gouvernement apporte à l'agence des moyens complémentaires en 2015 pour lui permettre d'assurer dans de bonnes conditions le paiement des aides. Une hausse de 30 millions d'euros de la fraction de la taxe sur les logements vacants lui est attribuée, et Action Logement contribuera à son financement à hauteur de 50 millions d'euros. Enfin une contribution exceptionnelle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est prévue dans le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement.
Parallèlement, le Gouvernement s'engage en faveur de la prévention et du traitement des copropriétés dégradées, ainsi que dans la lutte contre l'habitat indigne. C'est le sens de la première opération de requalification des copropriétés dégradées de Clichy-sous-Bois dont je signerai le décret d'ici la fin de l'année, et de la forte mobilisation des agences de l'État, l'Anru et l'Anah, sur ces thématiques.
J'engagerai d'ici quelques semaines un tour de France de la construction pour faire connaître l'ensemble de ces mesures et mobiliser les acteurs.
Si la relance de la construction de logements est essentielle pour soutenir l'emploi et créer l'offre nécessaire, elle ne doit pas nous faire perdre de vue l'existence de nombreuses inégalités face au logement.
La persistance de la crise et les difficultés socio-économiques qui l'accompagnent fragilisent durablement certains ménages. Faire reculer ces inégalités est ainsi l'autre mission de ce budget.
C'est la raison pour laquelle l'effort de solidarité du Gouvernement progresse de 80 millions d'euros, en particulier pour permettre la revalorisation au 1er octobre des aides personnelles au logement versées à 6,5 millions de ménages.
Je souligne que, dans un souci de cohérence et d'efficacité, l'État aura désormais la charge du financement de la part des aides personnalisées au logement, actuellement financée par la sécurité sociale. Désormais, les aides au logement représenteront 11 milliards d'euros sur les 13 milliards du budget de mon ministère.
Vous le savez, une des principales évolutions de ce budget qui a été votée lors de son examen à l'Assemblée nationale est le report d'une année de l'entrée en vigueur de la réforme des aides à l'accession. Celles-ci devraient être réorientées, désormais à compter du 1er janvier 2016, vers un dispositif de sécurisation des ménages qui prendrait la forme d'une aide versée aux propriétaires accédant connaissant une diminution brutale de leurs revenus. Ce report est l'aboutissement de longues discussions avec les députés soucieux de maintenir ce coup de pouce qui, bien qu'en perte de vitesse depuis ces dernières années, aide à l'amélioration de la solvabilité de près de 30 000 ménages par an. Ce report permettra aussi de répondre à la demande de nombreux parlementaires de créer un groupe de travail sur la question du fonctionnement et du coût des aides au logement en général. Je suis certaine que les sénateurs feront des propositions sur ce sujet.
Le dernier programme budgétaire intégré à la mission « Logement et égalité des territoires » que je souhaite vous présenter ce matin, et non des moindres, concerne la politique d'hébergement. Il s'agit très certainement de la partie la plus délicate de ce budget, car il s'agit bien de gérer, dans un contexte budgétaire contraint, la progression alarmante des demandes en matière d'accès au logement et à l'hébergement due principalement à la paupérisation des ménages et à l'augmentation des flux migratoires.
Je veux rappeler ici ma conviction qu'une politique républicaine s'apprécie aussi à la manière de traiter les plus fragiles. Des moyens financiers significatifs sont ainsi dégagés pour la mise en oeuvre du principe d'accueil inconditionnel des personnes sans domicile puisque les crédits de la politique d'hébergement et du logement accompagné progressent de près de 5 % par rapport à 2014.
Toutefois, pour répondre de manière pragmatique à la pression que la demande croissante fait peser sur l'État tout en améliorant l'efficacité de notre dispositif d'hébergement, j'ai défini une feuille de route articulée autour de trois objectifs. Il s'agit tout d'abord d'améliorer l'anticipation, par exemple en renforçant la politique de prévention des ruptures et en favorisant le maintien dans le logement. Les procédures actuelles de prévention des expulsions locatives ne garantissent pas un accompagnement efficace.
Il s'agit dans un second temps de rompre avec notre gestion de l'urgence pour inscrire au contraire nos actions dans un processus continu. Je souhaite par exemple la fin de la gestion saisonnière de l'hébergement, et je soutiendrai pour cela un changement en profondeur de l'action et de l'intervention sociales. La situation particulièrement préoccupante en Ile-de-France m'a conduite à demander au préfet de région de piloter une action coordonnée qui vise non seulement à améliorer l'accompagnement des personnes hébergées à l'hôtel mais aussi et surtout à favoriser l'orientation vers des dispositifs plus adaptés aux situations personnelles et la recherche de solutions alternatives. Je pense notamment au développement des résidences sociales et au recours à l'intermédiation locative.
Enfin, je souhaite apporter des solutions pour assurer une coordination plus efficace de l'action des acteurs du secteur.
Je souhaite aussi aborder rapidement un sujet qui a suscité beaucoup de questionnements parmi les parlementaires et les élus locaux récemment. Il s'agit de la modulation de l'aide mensuelle à la place d'aire d'accueil des gens du voyage, dite « ALT2 », est versée aux collectivités. À compter de 2015 et conformément à la loi de finances pour 2014, cette aide sera désormais directement liée au taux d'occupation effective, cela pour inciter leurs gestionnaires à améliorer la qualité et le service rendu.
Dans un contexte budgétaire contraint et malgré une progression chaque année croissante, le Gouvernement affiche résolument sa volonté d'être aux côtés des ménages les plus modestes et de les soutenir dans leur accès à un logement adapté à leur situation grâce à des méthodes repensées, plus efficaces socialement et moins lourdes pour les finances publiques.
Le ministère du Logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité est doté d'un budget qui tient compte de l'ampleur et de la diversité des besoins de nos concitoyens, de leurs difficultés et de leurs aspirations légitimes. C'est un budget que je considère comme réaliste et pragmatique. Réaliste parce qu'en dépit de la grande diversité des situations, il parvient à dégager des solutions efficaces pour tous. Pragmatique parce que, dans un contexte de dépenses maîtrisées, il se concentre sur les dispositifs essentiels ayant un fort effet de levier.
Le logement est au coeur de la vie quotidienne de chacun : autonomie individuelle, vie familiale et professionnelle, relations sociales, intégration citoyenne et économique. En agissant pour la relance de la construction de logement, pour la rénovation énergétique, pour l'amélioration des conditions d'accueil des plus modestes, le Gouvernement agit au service de l'équilibre de la société toute entière. C'est la raison pour laquelle je souhaite que ce budget soit l'occasion de nous rassembler, dans le respect des convictions de chacun.