Je voudrais remercier M. Jean Tirole d'avoir accepté de répondre à l'invitation que je lui ai adressée, une fois connu le prix qui lui a été décerné. M. Tirole fait à la commission des affaires économiques un très grand honneur en étant présent parmi nous aujourd'hui.
Monsieur Tirole, vous étiez déjà hier au Sénat, où vous participiez à l'émission de M. Jean-Pierre Elkabbach, « Bibliothèque Médicis », qui sera diffusée à partir de vendredi prochain. L'émission, que j'ai vue en direct, m'a mis en appétit !
L'année 2014 aura été décidément riche pour la France, deux prix Nobel ayant été décernés à deux de nos compatriotes. Pour ce qui vous concerne, cette récompense vient consacrer votre travail d'économiste au sein de la prestigieuse Toulouse school of economics (TSE), dont vous êtes le président.
Avant de revenir sur vos travaux ainsi consacrés, j'insiste en préambule sur le succès de la formule universitaire qui se trouve de la sorte reconnue. Votre école d'économie peut être qualifiée de troisième voie, conciliant à la fois le meilleur des grandes écoles, et le meilleur de l'université. Il pourrait sans doute être intéressant d'y réfléchir pour d'autres filières - mais nous l'évoquerons certainement tout à l'heure.
Je reviens un instant sur vos travaux. Il est difficile de les résumer. Une phrase revient souvent dans les gazettes qui ont parlé du prix Nobel de l'économie. On dit que vous êtes reconnu comme le fondateur de l'économie industrielle, et que votre apport théorique est majeur s'agissant des politiques de régulation. Vous avez ainsi appliqué la théorie des jeux à la régulation et aux oligopoles, en insistant sur la nécessité d'une régulation au cas par cas, s'adaptant au secteur d'activité concerné. Vos travaux ont été particulièrement utiles dans le secteur des télécommunications et de la banque.
Aujourd'hui, il est un secteur où l'on parle beaucoup de régulation, c'est celui d'Internet, avec Google, Microsoft, Amazon. Vos recommandations nous seront fort utiles pour mettre fin aux abus de positions dominantes qui ont été constatés.
Plus généralement, et pour me référer à l'actualité, vous apparaissez comme un homme qui recommande des réformes, mais aussi des réformes d'urgence. Ce n'est pas une idée nouvelle chez vous : je me souviens de votre contribution, avec M. Olivier Blanchard, à un rapport qui remonte à plus de dix ans, concernant les contrats de travail et les effets pervers des CDD et des CDI.
Vous aviez, à l'époque, établi des recommandations. J'étais alors député, et j'avais été particulièrement intéressé par votre brillante démonstration, au terme de laquelle vous proposiez de fusionner les contrats de travail, sujet toujours d'actualité !
Vous ne le direz pas, mais j'imagine que vous devez regretter que les hommes politiques vous écoutent avec beaucoup de politesse, mais ne mettent jamais en oeuvre vos recommandations, que vous formulez pourtant avec une très grande insistance.
Cette introduction de vos travaux et de votre personnalité nous permettra d'orienter l'échange que nous allons avoir. En premier lieu, pourquoi, selon vous, avez-vous été choisi comme prix Nobel 2014 de l'économie ?