Intervention de Jean Tirole

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 novembre 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Jean Tirole prix 2014 de la banque de suède en sciences économiques en mémoire d'alfred nobel

Jean Tirole :

C'est une question très compliquée. Il existe tout d'abord des problèmes globaux. Je citais l'environnement : les gaz à effet de serre constituent un problème mondial, que ce soit en France, en Chine ou ailleurs : une tonne de CO2, c'est une tonne de CO2, point final !

Lutter contre le gaz à effet de serre n'est pas un problème économique. On sait très bien le faire ! C'est un problème politique. Les théoriciens, mais aussi les économistes appliqués, ont démontré que la meilleure façon de lutter contre les gaz à effet de serre - ou tout autre polluant -, consiste à proposer un prix du carbone, sans trop intervenir, faute d'informations, sur la façon dont on réalise les économies. En pratique, cela se fait grâce aux droits d'émission négociables... On pourra discuter de ce sujet, car il comporte des problèmes techniques intéressants. J'avais d'ailleurs écrit un rapport pour le compte du Conseil d'analyse économique (CAE) au sujet de Copenhague, où je m'étais montré assez pessimiste...

Ainsi que je le disais, on sait comment faire : les États-Unis, en 1990, sont parvenus à un accord bipartisan sur le dioxyde de soufre (SO2) pour diminuer la pollution de moitié, ce qui est énorme ! C'est effectivement ce qui s'est passé. On a mis en place, pour ce faire, un système de droits d'émission négociables, qui a limité le coût de l'opération pour les entreprises. Si l'on accorde en effet à certains le droit de ne pas réduire leurs émissions, alors que cela ne leur coûterait qu'un euro par tonne, on ne peut exiger d'autres qu'ils réduisent leurs émissions si cela leur revient à 100 euros par tonne ! On gâche des ressources, et l'on ne réduit pas la pollution, alors qu'on pourrait le faire beaucoup plus au même coût.

Tous les économistes sont à peu près d'accord sur le fait qu'il faut fixer un prix du carbone mondial. Si la France fait des efforts - ce que je souhaite -, ceux-ci n'ont qu'un impact très faible. De fait, la production polluante française se fera en Chine ou ailleurs, dans les pays où n'existera aucun prix du carbone. On ne réduit pas forcément la pollution en adoptant des attitudes vertueuses.

Il s'agit donc d'une question d'accord mondial contraignant. Jusqu'ici, chaque pays, à Kyoto ou Copenhague, promettait de réduire sa production de gaz à effet de serre d'ici 2050. C'est une promesse gratuite, qui ne coûte rien, mais qui n'engage non plus à rien ! Ce qu'il faut, ce sont des accords contraignants. On pourra entrer davantage dans le détail. J'ai pour ma part une vision assez claire de ce qu'il faut faire...

Ce n'est pas un problème économique. On sait exactement comment faire. Le directeur de la TSE, à Toulouse, a participé à de nombreuses reprises au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). La question est de savoir comment faire en sorte que tout le monde se réunisse autour de la table et décide d'arrêter ce carnage, car on risque de laisser à nos enfants un monde abominable ! Il s'agit d'une responsabilité collective, à l'échelon mondial...

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