Recevoir le prix Nobel n'autorise pas à parler de sujets sur lesquels on est totalement incompétent. Je ferai néanmoins quelques remarques, qu'il conviendra de considérer avec prudence.
À Toulouse, certaines personnes sont bien plus compétentes que moi pour répondre. Nous disposons en effet d'un important laboratoire de l'INRA en matière d'économie de l'agroalimentaire et de la concurrence dans ce domaine. Hervé Ossard en fait partie, ainsi que bien d'autres personnes.
Toutefois, en 1999, lors des Assises de la grande distribution, Lionel Jospin avait demandé, à Patrick Rey et à moi-même de rédiger un rapport en amont. Nous l'avions présenté, mais je ne suis cependant pas spécialiste de ces questions.
Les problèmes de concurrence dans la grande distribution relèvent du droit de la concurrence. Je ne les ai pas étudiés. C'est aux autorités de la concurrence de s'en mêler. Si certains groupes sont trop puissants, cela peut signifier des prix plus élevés pour le consommateur. Cela étant, la France a limité les supermarchés de façon très importante. On a donc bloqué la concurrence entre les supermarchés. C'est une longue tradition française.
D'ailleurs, la valeur boursière de la grande distribution a augmenté le jour où certaines lois ont été promulguées, et ce pour des raisons évidentes : on empêchait en effet la concurrence de nouveaux acteurs.
À l'inverse, pour ce qui est des produits agricoles, il peut exister un monopole d'un côté, et un monopsone de l'autre. Cela peut avoir des conséquences...
Je suis assez réticent vis-à-vis des solutions administratives, car il faut aussi servir le consommateur. Certes, il existe des problèmes d'aménagement du territoire et des problèmes humains vis-à-vis des agriculteurs, mais il faut se méfier de ce genre de mécanisme. Les économistes ont plutôt tendance à préconiser l'aide aux personnes plutôt que la distorsion des marchés.
Il peut cependant exister des comportements inacceptables. Je me souviens d'abus de la grande distribution et de contrats peu clairs. Nous avions remarqué, à l'époque de notre rapport, que de petits agriculteurs signaient des contrats avec la grande distribution sans en comprendre véritablement les conséquences. Ce n'est en effet pas leur métier. Nous avions donc préconisé une aide juridique en faveur de ces personnes. Je ne sais si ces recommandations ont été suivies. Une relation commerciale doit être équitable, au moins du point de vue des savoirs. Un petit producteur n'a pas forcément les compétences pour comprendre tout ce qui se passe. Nous avions constaté qu'ils se laissaient parfois bêtement abuser.
La grande distribution ne compte toutefois pas non plus que des criminels ! Je pense qu'il faut normaliser les relations. Je n'irai pas plus loin, étant incompétent sur le sujet, mais nous disposons à Toulouse d'équipes qui permettent de mieux comprendre ces phénomènes. Elles sont liées au Laboratoire d'économie des ressources naturelles (LERNA), qui relève de l'INRA, et au Groupe de recherche en économie mathématique et quantitative (GREMAC), qui dépend du CNRS.