Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Europe ne fait plus rêver, et nous en sommes tous responsables et coupables. Nous avons privilégié les égoïsmes nationaux aux dépens des grands projets mobilisateurs d’une Europe dont une politique sociale, économique et internationale spécifique aurait rassemblé les citoyens et influencé le monde. Le taux de participation extrêmement décevant de 43 % aux élections européennes le démontre cruellement.
La première puissance industrielle et commerciale, le premier marché mondial n’assume pas son rang. Dans un monde en mutation, mutation à laquelle s’ajoutent les convulsions de la crise économique, l’Europe sera-t-elle capable d’apporter une réponse à l’inquiétude profonde des citoyens qui ne croient plus en elle ?
Dans l’ordre du jour proposé à ce Conseil, la recherche, fenêtre sur le futur, n’est plus citée, le développement durable trouve enfin sa place, l’avertissement sur le dysfonctionnement des banques commence à s’estomper et la politique extérieure est traitée avec une désinvolture très préoccupante.
La recherche, au cœur de la stratégie de Lisbonne, devait renforcer la compétitivité de l’économie et l’emploi. On pouvait espérer qu’après le Conseil de Barcelone, en 2002, les objectifs seraient tenus ; or, globalement, il n’en est rien. Hélas ! en France, depuis 2002, la part du PIB consacrée à la recherche décroît, passant de 2, 23 % à 2, 08 %. On peut cependant placer dans le cadre de la recherche tous les domaines du développement durable, pour lequel le Président de la République a annoncé 1 milliard d’euros sur quatre ans. De plus, la loi sur le Grenelle de l’environnement consacre des dispositions à la recherche.
Le séisme financier, dont la responsabilité incombe pour une grande part à l’absence de garde-fous de la City et de Wall Street, a révélé les carences du système bancaire européen. Un front uni s’était constitué lors de la réunion du G20, sur l’initiative et avec la très forte implication du Président Nicolas Sarkozy. Cette unanimité a donné raison à Vaclav Havel, pour qui « le marché ne peut exister qu’à condition de s’appuyer sur une morale ».
Aujourd’hui, ce front se lézarde, et chacun joue sa propre partition. Il est indispensable que le couple franco-allemand intervienne et que les institutions européennes et internationales définissent des mesures d’encadrement et de moralisation pour réagir à la gravité de la crise financière et économique, afin d’empêcher qu’elle ne se reproduise.
La Commission européenne a mandaté Jacques de Larosière pour formuler des propositions visant à renforcer la réglementation et la surveillance du secteur financier européen. Son rapport présente une architecture inédite des structures financières, avec la création du conseil européen du risque systémique et du système européen de supervision financière, et l’attribution de la personnalité juridique aux organes européens de la surveillance qui remplacent les comités existants.
Ce rapport, qui constitue déjà un compromis avec les Britanniques, doit être mis en application intégralement. Privilégier la supervision quotidienne des établissements bancaires par les organes de contrôle nationaux serait contraire à une politique européenne. En effet, la coordination des actions, des méthodes et des définitions des superviseurs nationaux est du ressort de l’Union européenne. Quelle sera la position de la France, monsieur le secrétaire d’État ? Dans le cadre du Conseil de stabilité financière de Bâle, appuiera-t-elle la création d’un conseil européen du risque systémique ?
L’Europe, première économie mondiale, je le rappelle, a pourtant importé les normes comptables américaines, qui, en provoquant des à-coups dans l’évaluation des entreprises, ont alimenté la psychose des Bourses. Profitons de l’état de choc des ménages américains et de la méfiance ainsi engendrée pour revenir à des règles comptables antérieures et communes ! La participation du président du Conseil des normes comptables internationales, Sir David Tweedie, au dernier conseil ECOFIN serait-elle une initiative en ce sens ?
Pour en finir avec le chapitre économique et financier, le Conseil européen fera le bilan des mesures prises dans le cadre du plan de relance ; je souligne notamment la mesure de 4 milliards d’euros destinés aux infrastructures gazières, électriques et éoliennes, ainsi que les projets de piégeage et stockage du CO2, de renforcement de l’efficacité énergétique et des sources d’énergie renouvelables. Une analyse de la Commission du 2 juin dernier souligne que, si l’Union européenne tient ses objectifs de 20 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2020, ce sont 410 000 emplois qui seraient créés, et le PIB augmenterait de 0, 24 %.
L’ordre du jour ne mentionne pas la sécurité énergétique. S’il est un sujet qui doit être traité en priorité, c’est bien l’énergie, l’un des piliers de la présidence tchèque. En effet, son pays dépendant en grande partie des importations russes de pétrole et de gaz, le Premier ministre tchèque Jan Fischer avait affirmé sa très forte sensibilité à la sécurité énergétique.
La dernière crise du gaz entre la Russie et l’Ukraine, qui avait de nouveau traumatisé les États membres de l’Union en 2008, sera peu de chose face à la crise qui couve aujourd’hui entre ces deux pays. Si les tensions éclatent, elles pourraient mettre en danger l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne.
Les stockages gaziers souterrains ukrainiens jouent un rôle important dans l’approvisionnement de l’Europe de l’Ouest. Or le niveau de ces stocks est nettement inférieur au niveau habituel et nécessaire en cette période de l’année.