Intervention de Emmanuel Macron

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Audition de M. Emmanuel Macron ministre de l'économie de l'industrie et du numérique et de Mme Carole delGa secrétaire d'etat chargée du commerce de l'artisanat de la consommation et de l'économie sociale et solidaire

Emmanuel Macron, ministre :

On ne peut pas expliquer aux entreprises qu'elles doivent s'adapter à la mondialisation, et dire en même temps qu'il faut vivre sous le régime de Ventôse et appliquer la loi de 1943, avec les tarifs de 1978. Ce n'est pas satisfaisant. Préserver le coeur de notre droit ne nous empêche pas de moderniser le système.

Les 71 pôles de compétitivité reçoivent des dotations de fonctionnement qui sont passées d'un montant de 16 millions d'euros pour mon ministère (22 millions d'euros au total pour l'État) à 14 millions d'euros - et non pas 11, 5, comme c'était initialement prévu. La baisse enregistrée est donc inférieure à 5 %, conforme à la moyenne de l'ensemble des ministères. Quant aux dotations d'investissement, elles ont été préservées et renforcées via le programme d'investissements d'avenir. Le Fonds unique interministériel était évalué à 110 millions d'euros en 2014 ; il sera stabilisé sur le triennal à 100 millions par an. Il n'y a donc pas eu de désengagement. La Coface est un sujet de préoccupation important pour les entreprises. Elle représente 5 à 6 millions d'euros d'engagement chaque année pour l'État. Nous ne gérons pas le compte privé qui accompagne les entreprises exportatrices. En revanche, la BPI a renforcé notre dispositif en lançant BPI Export. Nous avons également regroupé l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) et Ubifrance en une entité unique, plus efficace à l'international. La complexité de la tâche vient de la multiplicité des acteurs dans les territoires.

Pour soutenir les ETI, il serait bon de rémunérer les entrepreneurs qui prennent des risques par des mesures fiscales avantageuses. Je proposerai des bons de souscriptions de parts créateur d'entreprise. En France, le capitalisme familial est moins développé qu'en Allemagne. La réflexion lancée sur les seuils sociaux est importante pour rattraper ce retard. Les ETI ont surtout besoin d'une politique qui leur soit plus favorable en matière de fonds propres - et non pas de dette.

Martial Bourquin, dans le développement de la culture industrielle de notre pays, nous avons raté une bataille, à la fin des années quatre-vingt, celle de la robotisation. Aujourd'hui, une autre bataille industrielle s'ouvre : le 4.0, ou comment inventer l'usine du futur, alors que s'ouvre l'ère d'une production décentralisée, grâce au nouvel outil qu'est l'imprimante 3D. L'organisation de l'outil productif change puisque la production industrielle est désormais mariée avec le numérique et les services qui lui sont attachés. Les produits que l'on vend ne sont plus seulement matériels ; s'y ajoutent de l'intelligence embarquée et des services. C'est une nouvelle opportunité qui s'offre à la France de décloisonner les secteurs. L'industrie n'est plus la soeur ennemie des services. Par conséquent, nous devons développer une vision transversale, réfléchir de manière collective, investir aux bons endroits pour créer des clusters de performance, former nos compatriotes, ne pas avoir peur du changement. Si nous n'avons pas peur, nous réussirons ce virage industriel. La nouvelle robotisation n'est pas l'ennemi de l'emploi. Preuve en est que l'Allemagne compte cinq fois plus de robots que la France et avec un taux de chômage deux fois inférieur au nôtre.

Deux directives ont réformé les marchés publics en février 2014. D'ici la fin de l'année, nous lancerons une consultation sur le contenu de l'ordonnance à prendre. Elle doit être l'occasion d'une réforme en profondeur pour soutenir les PME. La loi Économie sociale et solidaire prévoit des clauses sociales de nature à protéger ces entreprises. Nous avons également aggravé les sanctions administratives en cas de défaut. D'autres mesures sont nécessaires, comme la simplification des règles des marchés publics pour les PME. Il faut également être très vigilant sur le détachement, sur l'organisation de la chaîne de production, rendre plus favorables aux PME les possibilités d'allotissement, et renforcer les clauses sociales et environnementales. Cela s'inscrit dans la droite ligne de ce qui a été engagé en septembre dernier, avec les mesures de simplification et des approches nouvelles comme le partenariat pour l'innovation. Vous serez bien sûr associés à la réflexion.

Le délai de paiement, fixé dans la loi à soixante jours, n'est pas respecté. Disons-le avec honnêteté : un certain nombre d'administrations et de grandes entreprises publiques y dérogent. Pour assurer le respect de la loi, nous devons lancer une nouvelle dynamique : contrôles accrus de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - 2 500 contrôles en 2014 -, mise en oeuvre d'un suivi particulier par le commissaire aux comptes, ou encore mesures de stigmatisation contre ceux qui ne respectent pas les règles, particulièrement dans le secteur public. Le « name and shame » est efficace ! Un apparatus juridique et des mesures de contrôle sont en cours d'élaboration pour faire en sorte que les PME cessent d'être la première banque des grands groupes.

Notre politique doit être la plus ambitieuse possible sur l'ouverture du capital et le développement de l'actionnariat salarié. Cela passera par l'extension du dispositif de l'épargne salariale aux plus petites entreprises, par la simplification des règles, la mise en place de dispositifs plus incitatifs et surtout par la protection des salariés qui investiront dans l'entreprise. Le Conseil de l'orientation, de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié doit rendre son rapport dans quelques semaines. Ses travaux nous seront utiles pour améliorer le forfait social et le rendre plus attractif. La mise en place de bons de souscription pour les créateurs d'entreprise encouragerait l'actionnariat salarié. Les start-up ou les petites entreprises familiales sont créées par des Français qui n'hésitent pas à prendre des risques mettant en jeu leur capital et leur famille. Il serait juste de reconnaître cette mobilisation et de lui apporter un soutien. L'économie de demain est une économie de rupture. Pour réussir, nous avons besoin de Français qui prennent des risques, plus encore en France qu'à l'étranger.

Les dispositifs qui récompensent les managers en fonction de leurs performances sont à revoir. Récemment, nous avons beaucoup dégradé l'attrait fiscal des stock-options, pour des raisons politiques. Soit. Les actions de performance sont cependant un bon outil pour l'économie, à condition que leur distribution réponde à des règles d'éthique et que la performance soit évaluée. On ne peut accepter une attribution automatique, il faut donc traiter les situations de rentes. Les retraites-chapeau sont l'exemple type de la rente en économie. Il s'agit d'un terme journalistique pour désigner des retraites supplémentaires, souvent par capitalisation. Plusieurs millions de Français cotisent pour un montant généralement inférieur à 10 000 euros, veillons à ne pas les viser.

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