Intervention de Bernadette Bourzai

Réunion du 17 juin 2009 à 14h30
Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Pensez-vous que ce soit le meilleur moyen de mettre en œuvre les décisions du G20 ou allez-vous exiger du futur président de la commission, quel qu’il soit, qu’il organise une véritable action contre les paradis fiscaux ?

Il faut en effet rétablir la confiance et assainir les financements bancaires pour lever les obstacles à un véritable plan de relance à l’échelle de l’Union européenne. Êtes-vous disposé à demander un contrôle plus étroit de l’usage que les banques font de l’argent qu’elles ont obtenu ? Êtes-vous prêt à soutenir le caractère contraignant d’une véritable supervision financière ?

Un plan de relance à l’échelle européenne est aussi urgent que nécessaire, car l’Europe est loin d’être sortie de la crise et toute autosatisfaction apparaît d’autant plus déplacée que le pire est à venir. L’explosion du chômage va toucher 27 millions d’Européens en 2010, soit 10 millions de plus qu’il y a un an et 7 millions de plus qu’au début des années deux mille. En France, vous le savez bien, 200 000 emplois ont été détruits depuis le début de l’année et le Pôle emploi ne peut plus faire face à l’afflux des chômeurs. Or les plans nationaux actuels, qui mobilisent 200 milliards d’euros, soit 1, 5 % du produit intérieur brut de l’Europe, contre 6, 5 % du PIB des États-Unis, ne suffisent pas.

Dès lors, pourquoi la Commission et le Conseil européen ont-ils refusé la proposition du président de la Banque européenne d’investissement de lancer un grand emprunt ciblé sur le financement d’un plan massif d’économies d’énergie dans l’Union européenne ? Les effets positifs d’un tel plan sur la croissance et pour la lutte contre le réchauffement climatique sont évidents, d’autant que les deux aspects se rejoignent, la croissance verte représentant un gisement considérable d’emplois.

Comment pouvez-vous être crédible dans les négociations pour la conférence de Copenhague si vous renâclez à lutter contre le réchauffement climatique au niveau européen avec des moyens qui, de surcroît, seraient profitables à notre économie et rencontrent l’adhésion de nos concitoyens ?

Vous suffit-il d’avoir trouvé en décembre dernier un accord politique sur le paquet « énergie-climat » ? Considérez-vous que le financement des objectifs, tant nationaux qu’européens ou internationaux, est secondaire à six mois de la conférence de Copenhague ?

Le fait qu’aucun accord n’ait été obtenu à la dernière réunion du conseil ECOFIN sur le plan de financement chiffré de l’aide aux pays en voie de développement dans leur lutte contre les émissions de gaz à effet de serre me paraît inquiétant. Pourtant, comment inciter ces pays à réduire leurs émissions si on ne les aide pas à mettre à niveau leurs industries du point de vue tant de la qualité environnementale que de la compétitivité ?

Vous allez proposer de taxer les productions des pays tiers qui n’accepteraient pas les mêmes engagements que l’Union européenne pour lutter contre le réchauffement climatique ; cela est envisageable, mais commençons par nous demander avec quels moyens financiers précis nous allons respecter nos engagements des « trois fois vingt ». Pouvez-vous nous apporter les informations qui nous manquent encore à ce sujet ?

Dans le domaine social, il faut aussi assumer ses choix. Alors que le Conseil européen de printemps est traditionnellement dédié aux questions économiques et sociales, le débat a été reporté en mai et finalement remplacé par une simple rencontre avec les partenaires sociaux, à l’issue de laquelle dix actions prioritaires ont été identifiées.

Si certaines actions sont positives, telles les politiques de formation tout au long de la vie ou encore l’intégration des personnes défavorisées sur le marché de l’emploi, la plupart témoignent d’un réel déni quant à l’ampleur de la crise sociale actuelle et à la situation sur le marché de l’emploi, comme lorsqu’il serait question d’« encourager l’esprit d’entreprise et la création d’emplois, par exemple par une diminution des coûts salariaux indirects et par la flexisécurité », ce qui explique que ces propositions n’aient pas recueilli l’assentiment des syndicats qui ont refusé de signer la déclaration dite « conjointe ».

Ce n’est pas « l’engagement partagé sur l’emploi », publié le 3 juin, à la veille des élections européennes, par M. Barroso, et présenté comme un « plan de relance social » qui peut nous rassurer. En effet, nous sommes instruits par l’expérience : l’abandon en 2005 du pilier social de la stratégie de Lisbonne au profit d’une lecture ultralibérale de l’agenda de Lisbonne a eu comme résultats, d’après Eurostat, que le nombre d’emplois en contrat à durée déterminée et à temps partiel n’a cessé de progresser et que la précarité de l’emploi s’est accrue.

Or John Monks, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats, le rappelle : « L’absence de demande est le principal problème auquel nos économies sont confrontées. Le fait d’accorder aux entreprises une nouvelle aide financière sous la forme d’une réduction des coûts non salariaux ne permettra pas de résoudre ce problème. Au contraire, elle stimulera les stratégies compétitives de réduction des coûts tout en minant la base de revenus des systèmes de sécurité sociale dont nous avons tellement besoin en ces temps de crise ». Ce n’est pas la situation française qui pourra me démentir !

Moyennant quoi, c’est M. Barroso que vous proposez de reconduire à la tête d’une Commission affaiblie face au Conseil et impuissante face à la crise.

C’est d’ailleurs M. Barroso lui-même qui n’a cessé de théoriser l’impuissance de la Commission. Qu’a-t-il fait de marquant à la place qui est encore la sienne ? Quand M. Barroso a-t-il vraiment voulu que la Commission joue le rôle majeur d’initiative politique que les traités lui ont confié ? Alors que tout le monde se souvient du dynamisme de Jacques Delors, quelle empreinte va laisser M. Barroso ? Spontanément, on répondrait : aucune ! Aucune, dès lors que l’on n’aurait pas la cruauté de rappeler qu’il est l’initiateur du sommet des Açores par le biais duquel les gouvernements de l’Union européenne, désireux de manifester leur soutien à la guerre en Irak, se sont affichés auprès de M. Bush. C’était pour le moins inopportun de sa part !

Ou alors, c’est le vide qui tient lieu de politique sous le vocable de better regulation – politique que j’ai bien connue et qui consiste à évacuer tous les sujets d’importance – lorsque la Commission européenne refuse de proposer une directive sur les services d’intérêt général. Aussi serait-ce une grave erreur que de reconduire le président de la Commission sortante au regard des résultats du vote du 7 juin dernier, et surtout de la désaffection de nos concitoyens.

Premièrement, le choix d’une Commission faible entérinerait la volonté de certains États de retourner à une Europe intergouvernementale. Celle-ci ne serait qu’une addition et, finalement, une confrontation d’intérêts nationaux, alors qu’il faut inventer ensemble – Conseil européen, Parlement européen et Commission européenne – de nouvelles politiques à l’échelle européenne pour répondre aux défis de demain.

Deuxièmement, il est inacceptable que le Conseil européen décide, dès cette semaine, de la nomination du président de la Commission européenne. Il faut au minimum attendre que le nouveau Parlement européen soit installé. Les nouveaux eurodéputés doivent examiner la candidature de M. Barroso au regard des engagements pris devant les électeurs et de l’existence de candidatures alternatives. Sinon, ce serait un déni de démocratie et l’abstention serait encore plus élevée au prochain renouvellement du Parlement.

Par ailleurs, il me semble préférable d’attendre l’adoption du traité de Lisbonne, qui donne un pouvoir formel de nomination au Parlement européen. Cela ferait coïncider la désignation du président de la Commission avec celle du président du Conseil européen et du Haut représentant pour la PESC, la politique étrangère et de sécurité commune, ce qui contribuerait à assurer une meilleure gouvernance de l’Europe. C’est possible puisque le mandat de la Commission ne s’achève qu’à l’automne.

Monsieur le secrétaire d'État, l’Europe intergouvernementale a correspondu à un moment historique. Il faut le dépasser par le haut, c’est-à-dire raviver l’intérêt des citoyens pour la construction européenne, afin que ceux-ci se réconcilient avec l’Europe et ses institutions et reprennent le chemin des urnes. Les choix politiques doivent pouvoir se traduire dans des politiques nouvelles, dotées d’un vrai financement, donc d’un véritable budget européen. Nous serons très attentifs à cette question, car il y va de l’avenir de la démocratie.

Nous, socialistes, sommes favorables à une Europe forte et respectée, c’est-à-dire une Europe qui tient ses engagements envers ses citoyens et ses partenaires, telle la Turquie. Depuis longtemps, les Européens appellent de leurs vœux un monde multipolaire et œuvrent à sa réalisation sur le fondement de la compréhension mutuelle par-delà les frontières et les continents. Aujourd’hui, avec le président Barack Obama, les États-Unis semblent comprendre cette aspiration. C’est le moment pour l’Europe d’assumer vraiment sa volonté d’exister !

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