Intervention de Jean-Claude Boulard

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 novembre 2014 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « régimes sociaux et de retraite » et compte d'affectation spéciale « pensions » et article 65 - examen du rapport spécial

Photo de Jean-Claude BoulardJean-Claude Boulard, rapporteur spécial :

L'examen des crédits de la mission « Régime sociaux et de retraite » invite à un voyage au coeur du corporatisme français. Les régimes spéciaux ont des sources très anciennes : on peut citer en particulier la création par Colbert en 1673 de l'établissement national des invalides de la marine (ENIM). Les spécificités de ces régimes étaient alors justifiées par les circonstances économiques : c'était le temps de la vapeur et de la voile. Les circonstances ont changé, les droits ont perduré, au nom du droit acquis, principe de base du corporatisme français. Les efforts pour faire évoluer ces régimes n'ont pas toujours abouti - Alain Juppé s'en souvient... J'en appelle donc à la prudence de tous ceux qui auraient des ambitions réformatrices.

Après avoir fortement augmenté entre 2006 et 2012, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » se stabilisent en 2015 à 6,4 milliards et connaissent même une baisse de 1,5 %, grâce à l'harmonisation progressive des taux de cotisations, à une moindre inflation et à l'allongement de la durée de cotisation. Les déficits sont liés essentiellement aux règles spécifiques de calcul des pensions et à l'âge de départ à la retraite. Certes, le facteur démographique joue dans certains cas : chez les marins, le rapport entre cotisants et retraités est de 0,2 cotisant pour un retraité ; la situation est meilleure à la RATP et à la SNCF, où le nombre de cotisant par retraité se rapproche de 1. La tendance, enfin, est à la stabilisation des subventions d'équilibre versées par l'État entre 2015 et 2017 : la dérive financière semble aujourd'hui maîtrisée et les perspectives assainies grâce à ces réformes partielles.

Les crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » atteignent 56,8 milliards d'euros en 2015. Ils ont augmenté entre 1990 et 2013 de 18 à plus de 50 milliards d'euros. La progression des dépenses n'est que de 0,6 % en 2015 grâce au décalage de la date de revalorisation du 1er avril au 1er octobre, à la baisse de l'indexation et de l'inflation, à l'allongement des durées de cotisations et enfin aux départs différés. Les fonctionnaires utilisent largement la possibilité qui leur est donnée de travailler plus longtemps, à l'exemple d'un certain conseiller d'État qui, lorsque l'âge de la retraite de ce corps a été ramené de 75 à 70 ans, s'est exclamé : « On vient de briser ma carrière ! ».

Ce ralentissement de la hausse des crédits entre 2015 et 2017 permettra de dégager un fonds de roulement plus important. Fixé à 1 milliard d'euros lors de la création du CAS, il s'élèverait à 2,2 milliards d'euros fin 2015, alors même que les aléas seront certainement très réduits. Enfin, malgré l'idée reçue de la dérive du système, les projections font apparaître un excédent de l'ordre de 67 milliards d'euros en 2050. L'inscription des crédits est plus que sincère : excessive. Or on cherche 1 milliard d'euros pour étaler la baisse des dotations de l'État aux collectivités locales...

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