Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 17 juin 2009 à 14h30
Réforme du crédit à la consommation — Article additionnel après l'article 14

Christine Lagarde, ministre :

Je comprends très bien d’où vient votre proposition, monsieur Mercier : en droit commercial, la notion de soutien abusif est sous-tendue par la volonté de protéger l’intérêt collectif – celui de l’entreprise, de ses salariés et de ses actionnaires – contre des comportements fondés sur l’insuffisance de vérifications avant l’octroi de prêts à des entreprises au bord de la faillite.

Du point de vue du droit, notamment du droit international, il est parfaitement acceptable que le soutien abusif soit rigoureusement sanctionné, au nom de la protection de l’intérêt collectif.

En revanche, sanctionner l’abus de crédit, pour reprendre la terminologie de l’amendement, par la perte de tout ou partie du capital me semblerait excessif au regard de la nature de l’intérêt protégé. Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l’homme, sur la base de l’article 1er du protocole n° 1 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, considère que les créances sont protégées au même titre que les biens et n’accepte la privation de propriété que si celle-ci est justifiée par l’utilité publique. Cela peut être le cas en matière de lutte contre le soutien abusif aux entreprises, compte tenu de la nature de l’intérêt protégé, mais il n’en va pas de même, à mon sens, s’agissant d’un emprunteur, fût-il profane et peu avisé.

En outre, le Conseil constitutionnel applique le même principe. Une décision du 20 juillet 2000 a ainsi censuré une disposition législative portant atteinte au droit de propriété, au motif que « ni les termes de la disposition critiquée ni les débats parlementaires » ne précisaient les motifs d’intérêt général justifiant une telle atteinte.

Je suis toutefois très sensible à la préoccupation que vous avez exprimée, monsieur Mercier. Comme le suggérait M. le rapporteur, nous devons approfondir la réflexion sur les sanctions, mais votre proposition ne me semble pas appropriée en droit et je doute qu’elle puisse permettre d’atteindre l’objectif que vous visez.

Je suggère donc que nous poursuivions ensemble la réflexion sur la nature et la gradation des sanctions en cas de non-respect de l’obligation d’information prévue par le projet de loi, mais sans recourir à la notion d’abus de crédit, qui ne me paraît pas adéquate sur le plan juridique.

Au bénéfice de ces explications, je vous propose de retirer votre amendement, monsieur Mercier. Nous pourrons envisager ensemble un renforcement de la sanction, afin de la rendre propre à réparer véritablement le préjudice subi, sans pour autant aller jusqu’à déchoir la banque de son droit de créance, qui est protégé, je le rappelle, par le droit de propriété.

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