Monsieur Collombat, la sécurité a été considérée par la loi comme un droit fondamental en 1995, ce qui est relativement récent. Aujourd'hui on en fait même le premier droit. Le thème sécuritaire n'explique pas à lui seul la surpopulation carcérale. Les juges ont ainsi tendance à prononcer des peines de plus en plus longues tandis qu'ils multiplient les peines courtes de sorte que la surpopulation s'est accrue « par les deux bouts ».
L'évaluation de la personnalité recouvre deux réalités bien différentes, voire opposées : soit on approuve la méthode des anglo-saxons qui, à partir de questions simples, déterminent le caractère criminel des personnes condamnées par des études actuarielles, soit on examine les données actuelles : comment se comporte la personne et quel est son environnement familial, social et professionnel. Je milite, bien évidemment, pour que l'on adopte la deuxième solution car la première me parait aventureuse. Le projet de loi doit donc être plus précis lorsqu'il évoque l'évaluation de la personnalité.
Madame Tasca, les alternatives à l'emprisonnement sont la liberté conditionnelle, le placement sous surveillance électronique, la semi-liberté et le travail d'intérêt général. Les aménagements de peine restent des contraintes imposées aux personnes condamnées. Désespéré, un homme m'a écrit : il était menacé de retourner en prison car il n'avait pas remplit une obligation du fait d'une urgence médicale. Son conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation ne voulait rien entendre. Certaines contraintes sont impossibles à remplir ; l'article 132-45 du code pénal énumère les obligations, dont une résidence fixe : cette disposition est surréelle lorsqu'on connait les difficultés que rencontrent les détenus qui sortent de prison pour trouver un logement. Il faudrait passer avec ces personnes une sorte de « contrat de finalité » afin qu'elles disposent d'un certain temps pour trouver un emploi et un logement.
Madame Lipietz, au risque de choquer certains, je ne suis pas sûr que de très longues peines, de 25 ans ou perpétuelles, soient adaptées même à de grands criminels. Je souscris assez volontiers à ces pays, même de tradition pénale différente de la nôtre, qui limitent à dix ans les peines maximum, même si le débat sur un éventuel durcissement de la peine maximale a été relancé en Norvège lorsqu'il s'est agi de condamner Anders Breivik.
L'administration pénitentiaire devrait travailler avec la famille, qui est le meilleur élément d'insertion ou de réinsertion, pour obtenir des informations sur la personne incarcérée et voir comment la prendre en charge le mieux possible : c'est un travail conjoint qui doit se faire dès l'entrée en prison.
Le respect du droit à la vie privée de la personne passe par l'encellulement individuel sauf, bien sûr, pour ceux qui souhaitent vivre à plusieurs en cellule. Le Sénat a défendu ce point de vue en 2009 lors de l'examen du projet de loi pénitentiaire. Cela n'exclut pas une différenciation des régimes de détention. Aujourd'hui, le régime « portes fermées » en prison devient un succédané d'une sanction disciplinaire qui ne dit pas son nom.
Je ne suis pas persuadé que la formation du personnel pénitentiaire, qui est plutôt bonne, doive être modifiée. En revanche, il faut revoir la façon dont les gens exercent leurs fonctions, évidemment très difficiles, mais un certain nombre de ces personnes se comportent comme si elles faisaient la loi en prison. J'ai d'ailleurs dit au Président de la République qu'une révolution restait à faire dans ce pays afin que les fonctionnaires, notamment ceux chargés de la sécurité, respectent les lois.
Enfin, je donne acte à M. Lecerf de ses remarques : en effet, la loi n'est pas respectée...ce qui ne nous empêche pas d'en concevoir de nouvelles mais nous appelle à vérifier l'effectivité des lois votées. Et il y a encore beaucoup à faire !
Sur l'opacité de l'administration pénitentiaire, un texte devait permettre aux journalistes d'accompagner les parlementaires visitant les prisons, mais son examen a été repoussé. Toute la question est de savoir comment l'administration pénitentiaire va concevoir ces visites de journalistes.