Intervention de Serge Dassault

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 30 octobre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « engagements financiers de l'etat » comptes de concours financiers « accords monétaires internationaux » et « avances à divers services de l'etat ou organismes gérant des services publics » et compte d'affectation spéciale « participation de la france au désendettement de la grèce » - examen du rapport spécial

Photo de Serge DassaultSerge Dassault, rapporteur spécial :

Je vous ferai d'abord part de mes observations sur la situation des finances publiques, que je trouve alarmante, puis je développerai les solutions qui me semblent nécessaires pour retrouver des finances avec moins de déficits et moins de dettes.

Le Gouvernement prévoit pour 2015 une croissance de 1 %, alors que le président du Haut Conseil des finances publiques, Didier Migaud, indique dans son avis du 15 octobre dernier que cette prévision lui paraît optimiste. Il affirme qu'un tel niveau de croissance suppose « un redémarrage rapide et durable de l'activité que n'annoncent pas les derniers indicateurs conjoncturels ». D'une part, l'environnement international pourrait se révéler moins porteur, comme en attestent les dernières prévisions de croissance du commerce mondial de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). D'autre part, la reprise de l'investissement productif pourrait être significativement retardée.

Il est anormal que les hypothèses de croissance présentées par le Gouvernement ne tiennent aucun compte de l'avis de Didier Migaud. Cela met en cause la crédibilité de ces prévisions. Le Gouvernement n'a même pas cherché à entrer en contact avec lui pour s'en expliquer. On se demande à quoi sert ce Haut Conseil si le Gouvernement ne tient pas compte de ses avis, pas plus d'ailleurs que de ceux de la Cour des comptes.

Il y a deux façons de présenter des prévisions : la plus dangereuse consiste à faire des prévisions optimistes pour donner confiance, au risque de graves échecs dans le cas où elles ne se réalisent pas ; la moins risquée consiste à faire des prévisions pessimistes ou à tout le moins prudentes, qui peuvent être meilleures que prévu, ce qui démontre la qualité de la gestion. C'est cette dernière méthode que pratiquent les entreprises.

Didier Migaud observe que tant que la France ne respectera pas ses engagements européens en termes de réduction de déficits, sa dette publique continuera à augmenter. Alors que l'Allemagne a présenté un budget en équilibre pour 2015 et prévoit de dégager un excédent record de 16,1 milliards d'euros, ce qui lui permet de commencer à rembourser sa dette, la France s'apprête à voter un nouveau budget déficitaire et il ne sera pas le dernier. Cet état de fait d'une France qui ne respecte pas ses engagements est de plus en plus inacceptable pour nos partenaires européens car il montre la légèreté de ses prévisions.

J'en viens au budget 2015 proprement dit. Notre besoin de financement atteindra 196,6 milliards d'euros. Ce montant correspond au déficit budgétaire, soit 75,7 milliards d'euros, et au refinancement de 119,5 milliards d'euros de dette arrivant à échéance en 2015. Le besoin en financement sera couvert par un emprunt de 188 milliards d'euros. Le solde sera financé par 4,1 milliards d'euros de disponibilité du Trésor et 4 milliards d'euros de recettes de cession de participations de l'État.

Nous emprunterons en 2015 environ 188 milliards d'euros : 113 milliards pour rembourser les échéances de notre dette et 75 milliards pour combler le déficit prévisionnel. On emprunte donc pour rembourser. C'est dramatique ; cela s'appelle de la cavalerie.

Notre dette ne commencera à être remboursée qu'avec un équilibre, voire un excédent budgétaire. Ce n'est pas demain la veille ! Les dépenses totales de l'État en 2015 seront en réalité de 491 milliards d'euros, dont 119 milliards d'euros pour financer le remboursement des emprunts venant à échéance en 2015, contre des recettes de 292 milliards d'euros. Nous dépensons presque deux tiers de plus que nous ne percevons de recettes. Nous vivons nettement au-dessus de nos moyens !

Cette situation alarmante de nos finances publiques a aujourd'hui toutes les raisons de perdurer. Les faibles économies proposées, loin d'être réalisées, les augmentations de dépenses qui se multiplient, notamment celle de la masse salariale des fonctionnaires, et l'absence de croissance malgré les annonces optimiste, feront croître notre dette inexorablement, sauf si le Gouvernement se décide à prendre les décisions qui s'imposent.

Tant que la France peut emprunter à des niveaux exceptionnellement bas - c'est la réponse toute faite du Gouvernement à chacune de nos remarques - le mal n'apparaît pas. Mais cela ne durera pas éternellement. Déjà le projet de loi de finances prévoit que le taux à 10 ans passera de 1,25 % actuellement à 1,9 % fin 2014 puis 2 % fin 2015. Un choc plus violent ne peut être exclu, tant les doutes des investisseurs et des agences de notation sur la situation économique et la politique de la France commencent à apparaître, Chaque point de taux d'intérêt supplémentaire représenterait un coût de 2,4 milliards d'euros la première année ; 5,3 milliards d'euros la deuxième ; 7,4 milliards d'euros la troisième. Notre charge de la dette augmentera considérablement et diminuera d'autant nos recettes fiscales. Nous courrons à la catastrophe ! La Commission européenne, les agences de notation et nos investisseurs risquent de ne plus nous faire confiance. Ces derniers refuseront nos emprunts ou les prendront à des taux exorbitants. C'est ce qui est arrivé à l'Argentine en 2002, à la Russie en 1998 ou encore à l'Islande en 2008 et ce sera la cessation de paiement et la faillite.

Comme l'a écrit plusieurs fois le premier président de la Cour des comptes, il faut tout faire pour réduire nos dépenses et nos impôts. Mais pour le Gouvernement, ce n'est pas à la Cour des comptes de gouverner la France, et il ignore ses excellentes propositions : à quoi sert dans ces conditions la Cour des comptes ?

Voilà pourquoi c'est la réduction des déficits qui doit être la priorité absolue du Gouvernement, et non la réforme territoriale, les rythmes scolaire, ou le mariage pour tous avec lesquels il nous amuse. Je vais vous faire maintenant quelques propositions .

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