Intervention de Michelle Demessine

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 avril 2014 : 1ère réunion
Convention d'extradition entre la france et la république bolivarienne du venezuela — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine, rapporteure :

Monsieur le Président, mes chers collègues, voici une nouvelle convention d'extradition qui vient compléter les 51 traités et accords en vigueur.

La présente ratification s'inscrit donc dans une démarche globale de la France, tendant à étendre son réseau conventionnel en matière de coopération judiciaire et d'extradition. Vous avez déjà approuvé récemment le texte visant à ratifier le traité d'extradition conclu avec l'Argentine en mars 2013, la Chine en mai 2013 et le Pérou en février dernier.

L'exercice est donc récurrent mais non routinier. En effet, il nous transporte chaque fois dans un système juridique dont la spécificité laisse toujours quelques traces dans les stipulations de l'accord.

On gardera également à l'esprit, dans le cadre de cet examen, les événements actuels perturbant ce pays ainsi que la criminalité qui y sévit et qui a des racines profondes, bien au-delà des régimes politiques. C'est pourquoi, vous trouverez, dans le rapport, un extrait d'un article de M. Maurice Lemoine, publié dans le Monde diplomatique, qui est fort intéressant car au-delà de toute propagande politique trop souvent utilisée, ce spécialiste du Venezuela livre une analyse exhaustive des causes de la criminalité dans ce pays.

La présente convention, conclue le 24 novembre 2012, constitue un nouveau lien avec le Venezuela qui devrait ainsi faciliter l'arrestation et la remise des criminels en fuite sur le territoire de l'une ou l'autre Partie.

En l'absence d'un tel accord, nous devons nous en remettre à la bonne volonté du pays. Force est de constater que l'entraide en matière d'extradition a été jusqu'à présent fortement limitée. Si aucune demande n'a émané du Venezuela ces treize dernières années, la France en a formulé huit, dont six ont reçu un accueil favorable.

Afin de renforcer la coopération entre les deux pays en matière pénale, un premier effort a permis la création d'un poste de magistrat de liaison, en février 2011. Résidant à Brasilia et chargé de couvrir le Brésil, la Bolivie et le Venezuela, il a pour mission d'accélérer le traitement des demandes d'extradition. Son travail concerne plus particulièrement les dossiers relatifs au terrorisme, au trafic d'armes, et de drogue, et ceux concernant les enlèvements de ressortissants.

La conclusion de la présente convention constitue donc une nouvelle étape dans l'approfondissement de cette entraide. La lutte contre la criminalité transfrontalière exige que soit désormais mis en oeuvre un cadre juridique respectueux des contraintes constitutionnelles et internationales des deux pays.

Si les négociations ont été initiées par la partie vénézuélienne en 2007, la rédaction du texte est française. Un consensus a été trouvé entre les deux Parties, à l'issue des trois sessions de négociations en 2009. Après une période de vérification de la concordance linguistique, les autorités vénézuéliennes ont donné leur accord au mois de novembre 2012.

Le contenu du texte s'inspire de celui de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, qui constitue un modèle pour l'ensemble des instruments bilatéraux négociés par la France. Elle vise à instituer un équilibre entre protection des droits de la personne et souveraineté des Etats.

À titre d'illustration, la convention prévoit le rejet des demandes d'extradition fondées sur des infractions à caractère politique ou militaire.

De même, l'extradition ne peut être accordée si la Partie requise a des motifs sérieux de considérer qu'elle vise à punir une personne pour des considérations de race, de sexe, de religion, de nationalité, d'opinions politiques ou que cette personne sera soumise à un traitement cruel, inhumain ou dégradant.

Outre les stipulations traditionnelles, la convention comprend une clause propre au droit vénézuélien, particulièrement protectrice des personnes.

En effet, les faits qui motivent la demande ne peuvent être sanctionnés par des peines à perpétuité ou supérieures à trente ans. L'extradition ne pourrait alors être accordée que si la Partie requérante offre des garanties suffisantes de ne pas les appliquer ou de ne pas les exécuter si elles ont été infligées.

Cette clause a été insérée dans le texte afin de respecter la constitution vénézuélienne qui interdit toute sentence d'emprisonnement supérieure à 30 ans.

Cette spécificité m'a naturellement conduit à examiner le système judiciaire vénézuélien et plus particulièrement l'application des peines qui intéressent directement notre sujet car tout français dont l'extradition est refusée doit alors exécuter sa peine au Venezuela.

Or, vous constaterez, dans le rapport, que ce pays, si souvent décrié et présenté comme une dictature, dispose d'institutions et de normes démocratiques plus abouties que dans bien d'autres pays.

En effet, le dispositif vénézuelien est pourvu d'un cadre normatif complet. La peine de mort y est interdite. Nous l'avons vu, il n'y a pas de condamnations à des peines de nature perpétuelle. Toutefois, les conditions carcérales font l'objet d'une grande préoccupation, en raison d'une importante surpopulation des prisons.

C'est pourquoi, confronté à ce défi, le Venezuela a tenté de réformer le système d'application des peines ainsi que le système carcéral.

En 1993, il a augmenté les alternatives à l'incarcération avant et après jugement. Aujourd'hui, environ la moitié des prévenus, qui auraient été auparavant incarcérés et mis en attente de jugement, sont laissés en liberté. La réforme de 1997 a prévu la conclusion d'accords de plaider coupable.

Après une nouvelle réforme en 2000 du régime pénitentiaire, un décret-loi de juin 2012 a entrepris une vaste révision de la procédure pénale. En cas de non-paiement des amendes pénales, la contrainte par corps est désormais supprimée et remplacée par un travail d'intérêt général ou communautaire.

Les personnes de plus de soixante-dix ans bénéficient désormais d'un régime d'exécution des peines encore plus favorable, puisqu'elles exécuteront d'office leur fin de peine sous le régime de l'assignation à résidence, à condition d'avoir exécuté au moins quatre ans de réclusion.

Voici donc quelques exemples. Le chemin reste, cependant, long à parcourir avant que la justice et la sécurité ne soient pleinement assurées.

La protection des droits de l'homme étant au coeur de nos priorités, vous apprécierez, en conséquence, l'enjeu de cette convention. Elle permettra à la France de juger une personne et lui faire accomplir sa peine en France, si elle a commis une infraction sur notre territoire.

À titre de conclusion, je souhaite insister sur la portée de la Convention en termes de lutte contre la criminalité transfrontalière et de protection des personnes. Il nous appartient d'achever le processus de ratification car la convention a été approuvée par le Venezuela le 26 février 2013.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose :

- d'une part, d'adopter le projet de loi n° 166 (2013-2014) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela,

- et d'autre part, de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 15 avril prochain.

À l'issue de la présentation de la rapporteure, la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.

Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.

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