Intervention de Jean-Pierre Cantegrit

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 avril 2014 : 1ère réunion
Accord entre la france et la république fédérative du brésil en matière de sécurité sociale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Pierre CantegritJean-Pierre Cantegrit, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, le Sénat est saisi du projet de loi n° 408 (2013-2014) autorisant la ratification de l'accord franco-brésilien en matière de sécurité sociale. Soumis à votre examen, il a été adopté par l'Assemblée nationale le 27 février dernier.

Signé le 15 décembre 2011, l'accord a été négocié rapidement en 2010 et 2011. Un accord d'application au présent traité a été alors élaboré et signé le 22 avril 2013.

Je me suis plongé dans l'examen des deux textes, avec un intérêt tout particulier, en tant que président de la Caisse des Français à l'étranger. Parmi nos 107 700 adhérents, un peu moins de 2 300 d'entre eux résident au Brésil. Or, même si la Caisse est exclue du champ d'application du présent accord, et je le déplore, ce dernier n'en demeure pas moins primordial.

Cet accord constitue le 41ème traité conclu dans le domaine de la sécurité sociale. Il tend non seulement à étoffer le réseau des traités bilatéraux de sécurité sociale, mais également et principalement à créer un nouveau lien conventionnel avec le Brésil.

En effet, la France et le Brésil ne sont liés par aucun traité permettant la coordination des mesures de sécurité sociale des deux pays. La situation d'un travailleur relève donc uniquement du droit interne de chaque Etat. Il est affilié au régime du pays où il exerce son activité. Son passé d'assuré social dans l'autre Etat est ignoré.

Or, en l'absence d'articulation des deux législations, l'application unilatérale de ces règles ne permet pas de garantir aux ressortissants de chacun des deux pays la meilleure couverture de protection sociale. Ainsi, l'octroi de certaines prestations peut être refusé, en l'absence de prise en compte des périodes d'assurance accomplies dans l'autre pays.

En outre, ce défaut de coordination est également préjudiciable à l'employeur qui peut être amené à cotiser deux fois, au régime français et brésilien.

Je ne prendrai que deux exemples illustrant l'intérêt de l'accord pour un salarié comme pour son employeur.

Prenez un travailleur qui a été employé au Brésil pendant dix ans. S'il est victime d'un accident de la circulation, trois mois après son retour et sa reprise du travail en France, il ne pourra pas prétendre à des prestations en espèces de l'assurance maladie. En effet, un délai de carence de six mois est prévu par la législation française. La période professionnelle accomplie au Brésil n'est pas prise en compte pour l'ouverture des droits.

Ce problème sera résolu par l'accord franco-brésilien. L'institution française totalisera les périodes brésiliennes avec les périodes françaises.

Il en est de même en matière de retraite. En l'absence d'un accord franco-brésilien, le calcul des pensions en France ne tient pas compte des périodes accomplies au Brésil.

Le second exemple concerne le détachement. Prenons une entreprise française qui vient d'ouvrir un établissement au Brésil. Elle y envoie un de ses salariés pour une durée d'un an afin de mettre en place une nouvelle chaîne de production. A défaut d'accord, l'employeur doit verser en plus des cotisations françaises, des cotisations sociales au Brésil au titre de l'activité dans ce pays. L'employeur doit donc cotiser deux fois. En vertu du nouvel accord, le salarié détaché demeurera soumis à la législation française. Les cotisations continueront à être payées en France, mais aucune cotisation ne sera versée au Brésil.

Vous le constatez, l'enjeu de l'Accord dépasse donc les considérations administratives et juridiques.

Il favorise la circulation professionnelle des travailleurs ainsi que leur installation dans l'un des deux pays. En effet, ce traité garantit une continuité des droits en matière de sécurité sociale pour les travailleurs.

Plusieurs principes y contribuent :

- l'application d'une seule législation sociale, afin d'éviter tant la double-affiliation que l'absence d'affiliation à l'un ou l'autre régime des Etats ;

- cette application est coordonnée car l'ensemble des périodes d'assurance accomplies dans les deux pays sont comptabilisées ;

- cette coordination est effectuée en appliquant le principe de l'égalité de traitement entre les ressortissants des deux Etats ;

Tout ceci concourt donc au maintien des droits acquis ainsi que ceux en cours d'acquisition.

Quant à la portée effective de cet accord, je n'ai pu obtenir le nombre de Français et de Brésiliens concernés. On m'a toutefois communiqué le nombre de ressortissants de chacun des Etats permettant ainsi de saisir le nombre de personnes potentiellement impactées par l'accord. Le Brésil compte un peu plus de 20 000 inscrits au registre des Français établis hors de France. La communauté brésilienne en France est estimée à 25 000 personnes.

Enfin, cet accord qui est conclu avec un pays émergent aux atouts considérables, va donc contribuer à la dynamique des relations économiques franco-brésiliennes.

En effet, d'une part, il favorise les relations commerciales ainsi que l'implantation des entreprises françaises au Brésil. D'autre part, il participe à l'attractivité de la France pour la communauté brésilienne d'affaires.

Tout d'abord, pour les entrepreneurs français, le Brésil constitue plus qu'un simple marché. Il représente un objectif de leur stratégie globale de développement.

Un chiffre appuie cette observation : les échanges commerciaux franco-brésiliens ont plus que doublé par rapport à 2003, en s'établissant à 9 milliards d'euros en 2012.

Le Brésil représente le principal marché de la France en Amérique latine, en attirant plus du tiers des exportations françaises. L'ensemble des entreprises du CAC 40, hors BTP, y sont implantées. Elles exportent principalement vers ce pays des biens d'équipement, notamment des avions, des automobiles et leurs équipements et des préparations pharmaceutiques.

En termes d'évolution, il convient toutefois de relever que la part de marché de la France au Brésil tend à se réduire. Elle est passée de 2,6 % en 2010 à 2,4 % en 2011. Sa position dans le commerce extérieur français se maintient, toutefois, en représentant un peu moins de 1 % de nos flux commerciaux totaux.

La France figure également parmi les pays qui investissent le plus au Brésil, en se plaçant au cinquième rang. Il s'agit selon le ministère des affaires étrangères « d'investissements de conquête de marché (dans les services, avec Accor, ou la grande distribution, avec Casino) et non des délocalisations ».

Enfin, côté brésilien, en dépit d'une internationalisation des compagnies brésiliennes relativement récente, on observe qu'un tiers de leurs investissements en Europe en 2011 se sont dirigés vers la France. On dénombre aujourd'hui une quarantaine d'entreprises brésiliennes établies en France.

Pour l'ensemble de ces raisons juridiques, politiques et économiques, je vous propose d'adopter le projet de loi visant à le ratifier, et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 15 avril à 14 heures 30.

À l'issue de la présentation du rapporteur, la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.

Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.

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