Intervention de Philippe Errera

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 avril 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Errera directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense

Philippe Errera, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense :

Cela dépend desquels. La situation de ces pays en termes de défense n'est pas homogène : je relève qu'un pays comme l'Estonie respecte les 2% du PIB en dépenses de défense, qu'elle s'engage en RCA, ...

D'une manière générale, ces pays sont inquiets de l'évolution de la Russie et peut-être de la solidité de l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord aux yeux de la Russie.

Côté américain, il y a la volonté d'apparaître par rapport à la Russie comme assumant pleinement leurs responsabilités vis-à-vis des Alliés, mais aussi la claire perception que la crise ukrainienne ne se réglera pas par le recours à la force. Les outils dont nous disposons vis-à-vis de la Russie sont des outils de pression diplomatiques, économiques, financiers et ne sont pas dans la main de l'OTAN. D'où une certaine prudence dans la mise en oeuvre des moyens militaires pour ne pas alimenter la propagande russe, qui se base largement sur un sentiment d'agressivité des Occidentaux, et de protection des minorités russophones face aux « fascistes ».

Pour revenir aux Européens, je pense que le réinvestissement américain en Europe en renforçant les moyens en avions mis à disposition pour effectuer la police de l'air des pays baltes et en renforçant la présence américaine dans les exercices de l'OTAN -sur ce dernier point, c'est véritablement une nouveauté car lors de l'exercice, Stedfast Jazz en 2013, où la France était premier contributeur hors Pologne avec 1 200 hommes, les Américains n'en ont fourni que 150, alors que c'était le premier exercice « article 5 » depuis dix ans- ne veut pas dire une présence accrue dans la gestion de crises. En cas de crise nouvelle dans la périphérie sud de l'Europe, je ne suis pas certain que leur présence serait accrue. Si on faisait face à une nouvelle Libye, je ne pense pas que l'investissement américain serait différent. Peut-être serait-il moindre ? L'argument serait « on ne peut pas être à vos côtés en Europe et en dehors ». Il faut tenir compte du débat de politique intérieure aux Etats-Unis sur ce point.

Cette présence nouvelle américaine dans le cadre bien circonscrit de la crise ukrainienne pourrait aussi avoir un effet démobilisateur. Notre objectif d'ici le sommet de l'OTAN sera de dire qu'il ne faut pas tout oublier par rapport à nos ambitions et nos réalisations entre Européens. Tout l'enjeu sera là.

Sur le gaz de schiste, ce que je voulais dire, c'est qu'il n'y a pas de lien automatique de cause à effet entre les découvertes et l'exploitation du gaz sur le territoire américain et désengagement américain au Moyen-Orient. Tout d'abord, parce qu'il n'y a pas de substituabilité parfaite, ni des marchés ni des produits mais aussi parce que les Américains garderont un intérêt stratégique à la libre circulation des marchandises et la liberté d'accès de l'ensemble des produits y compris le pétrole, notamment dans le Golfe. Cela renforce leurs marges de manoeuvre, cela changera le type de dialogue qu'ils auront avec des pays qui restent dépendants des hydrocarbures du Golfe.

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