Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est aujourd'hui la reprise d'une habitude que je ne connaissais pas, puisque c'est la première fois que, dans la fonction qui est la mienne, j'ai l'honneur d'être auditionnée par votre commission. Mais certaines habitudes sont toujours bonnes à reprendre, et je vais essayer de répondre aussi précisément que possible à vos questions, qui portent à la fois sur le budget de l'État et sur l'exécution du budget des différentes branches de la sécurité sociale - ce qui est bien normal d'ailleurs quand on compare les sommes engagées de part et d'autre.
Les masses en jeu ne sont pas les mêmes. Nous parlons d'un budget d'environ 180 milliards d'euros pour l'assurance maladie, et de 220 milliards d'euros pour la branche « vieillesse », sans parler de la branche « AT-MP », plus limitée financièrement. Nous parlons d'un budget de l'État qui avoisine, pour ce ministère, 14,5 milliards d'euros tout compris.
Pour ce qui est de l'ONDAM, vous avez raison de le souligner - le Comité d'alerte vient de le confirmer - l'ONDAM 2013 sera exécuté à hauteur de 174 milliards d'euros, soit 1,4 milliard d'euros de moins que ce qui avait été voté en loi de financement de la sécurité sociale initiale, et 800 millions d'euros de moins que ce qui avait été voté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Nous avions en effet réalisé une première révision à la baisse de cet objectif.
Vous me demandez d'expliquer cette sous-exécution. En premier lieu, contrairement à une idée reçue, les établissements de santé - l'hôpital en particulier - ne restent pas à l'écart de l'effort engagé, même si les trois-quarts de la sous-exécution concernent les soins de ville, pour 1,1 milliard d'euros. Le reste - 300 à 350 millions d'euros - concerne les établissements de santé.
Les postes ont-ils augmenté moins vite que prévu ? Tout d'abord, la maîtrise des dépenses liées aux médicaments se poursuit, à la seule exception des dispositifs médicaux. Nous constatons par ailleurs une stabilité des dépenses d'indemnités journalières. Je veux m'arrêter un instant sur ce point. La faible consommation, dans le domaine des indemnités journalières, est évidemment directement liée à la faiblesse de l'activité économique de notre pays. On ne peut donc considérer que la baisse ou la stabilité de ces dépenses soit une garantie pour la suite. Néanmoins, nous nous employons à contrôler et à maîtriser ces dépenses.
Les honoraires des professionnels ont également été stabilisés, puisqu'on constate relativement peu d'augmentations, tout comme les transports sanitaires, qui font l'objet d'une poursuite de la maîtrise. On sait notamment, concernant les transports sanitaires, qu'il existe de très fortes disparités sur les territoires, ce qui nous amène à contrôler certains secteurs plus que d'autres.
L'assurance maladie fait l'objet, depuis que je suis en responsabilité, d'une attention et d'une vigilance extrêmement élevées, qui expliquent que, depuis 2012, nous ayons réorienté les dépenses, fait en sorte qu'elles soient mieux maîtrisées et ce, sans affecter les droits de nos concitoyens - j'insiste sur ce point.
La maîtrise des dépenses touche évidemment les frais de gestion, qui se sont élevés à 10,3 milliards d'euros, conformément à la prévision annoncée lors de la commission des comptes de la sécurité sociale, en septembre 2013, ce qui représente une évolution de + 1,5 % par rapport à l'exécution 2012.
Ceci renvoie à deux tendances contraires, que je veux souligner. Pour ce qui est de la COG de la CNAF, nous prévoyons un renfort provisoire à hauteur de 500 emplois en équivalents temps plein (ETP) en 2013-2014, pour permettre à la branche de retrouver un niveau satisfaisant de traitement des dossiers. Il y a eu trop de points d'alerte sur certaines caisses d'allocations familiales qui ne parvenaient plus à gérer leurs dossiers de manière satisfaisante. Ceci explique que nous ayons fait le choix d'un renfort provisoire, qui doit nous permettre de surmonter ces difficultés.
À l'inverse, les autres COG du régime général, en cours de renouvellement, vont permettre de réaliser d'importantes économies. Je dois le dire, ceci passe par des réductions d'effectifs significatives, qui doivent être réalisées notamment dans le réseau de l'assurance maladie. Je veux indiquer que ceci constitue, pour ceux qui travaillent dans ces réseaux, un effort important qu'il convient de saluer.
Pour ce qui est de la CNAV, celle-ci a été et reste soumise à des efforts de même nature. Néanmoins, je voudrais indiquer que nous prévoyons d'affecter de manière spécifique des effectifs à la mise en place du compte pénibilité. C'est une des avancées qui résultent de la loi sur les retraites du 20 janvier 2014, dont vous étiez rapporteure, madame la sénatrice, mais qui représente évidemment un travail important de mise en oeuvre à partir de la fin de l'année et surtout du début de l'année prochaine. Un renfort spécifique permettra donc de faire face à ces besoins.
Pour ce qui est du budget de l'État, vous soulignez, monsieur le sénateur, l'augmentation très forte des dépenses liées à l'aide médicale d'État. C'est incontestable, et nous avons constaté en 2013 un fort dépassement par rapport à l'objectif, puisque nous avions prévu une dépense de 588 millions d'euros et que les dépenses constatées seront à l'arrivée de 744 millions d'euros !
Oui, la hausse constatée est liée à la forte poussée du nombre de bénéficiaires de l'aide médicale d'État, et nous n'avions pas anticipé une augmentation aussi forte du nombre de bénéficiaires. Je veux dire les choses très simplement : je considère qu'il y a des débats autour de l'aide médicale d'État qui n'ont pas lieu d'être ! C'est un dispositif qui, en termes de santé publique, répond tout à fait à l'exigence que nous devons avoir, non seulement pour apporter des soins aux personnes concernées, mais également pour éviter la propagation de certaines maladies sur le territoire national.
C'est pourquoi, lorsque la majorité précédente a instauré un droit de timbre pour entrer dans ce dispositif, les professionnels de santé, les représentants des médecins, les ordres professionnels, ont marqué leur désapprobation et leur inquiétude, car nous savons qu'il est préférable que les personnes malades puissent accéder à des soins de façon rapide si nous voulons éviter la propagation des maladies.
Pour autant - et je le dis sans difficultés - nous devons évidemment, en matière d'aide médicale d'État, comme de tout dispositif social, lutter contre les abus qui pourraient être constatés ou qui pourraient exister. De ce point de vue, je souhaite que nous poursuivions les contrôles engagés, qui existent dans les différentes caisses primaires d'assurance maladie. À partir de 2015, nous allons disposer des premières statistiques qui vont permettre de comparer les taux d'acceptations ou de refus de l'aide médicale d'État caisse par caisse, ce qui permettra éventuellement d'identifier s'il existe ou non un recours excessif à ce dispositif sur certaines parties du territoire et d'homogénéiser les pratiques observées dans les différentes caisses.
Par ailleurs, je veux dire ma préoccupation face à l'existence de ce qui peut apparaître comme des filières de personnes étrangères venant se faire soigner dans certains hôpitaux français, en particulier à Paris. Ceci nécessite d'enclencher très rapidement un travail diplomatique de coopération internationale avec les pays d'origine. Nous pouvons par exemple aider ces pays à disposer des traitements nécessaires sur leur territoire, pour éviter que ne se mettent en place des filières de malades qui viennent se faire soigner chez nous.
De plus, j'ai commandé à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) un rapport sur le dispositif de soins urgents, qui est aujourd'hui une porte d'entrée dans notre système de soins pour des personnes qui ne remplissent pas les conditions pour être prises en charge dans l'AME de droit commun.
Vous m'avez également interrogée sur l'impact de l'évolution de la tarification hospitalière dans le cadre de l'AME. Jusqu'à l'année dernière, un tarif particulier était appliqué ; nous avons aligné les tarifs hospitaliers appliqués dans le champ de l'AME sur les tarifs de droit commun. Une première diminution des frais liés à l'aide médicale d'État a pu être enregistrée. Cette diminution se fait en deux étapes. La survalorisation des actes, qui était de 30 %, est passée à 15 % en 2014 et sera nulle en 2015. Nous espérons une économie de 100 millions d'euros avec la suppression de cette majoration.
Concernant la situation des opérateurs sanitaires, celle-ci est très tendue. Lorsque je suis arrivée aux responsabilités, les opérateurs sanitaires disposaient de fonds de roulement importants, ce qui a justifié que nous puissions mettre ceux-ci à contribution en 2013 pour tous les opérateurs, à l'exception de l'Institut national du cancer. Désormais, ces fonds de roulement se situent à un niveau proche des niveaux prudentiels. Fin 2014, ils se situeront entre un et quatre mois de fonctionnement. Nous ne pouvons aller beaucoup plus loin, ce qui signifie, compte tenu des critères de pré-cadrage que nous a adressés le Premier ministre sur la période triennale 2015-2017, qu'il va falloir intensifier nos efforts de rationalisation des dépenses des opérateurs. Vous avez évoqué une réforme des structures de vigilance, que j'ai moi-même abordée il y a quelques mois.
Des mesures figureront dans la future loi de santé, dont nous pourrons espérer des économies, même si l'exigence de qualité sanitaire est l'élément moteur dans la réforme que je proposerai. La réforme ne repose pas sur des critères financiers, mais sur la volonté de garantir un meilleur dispositif de vigilance, qui n'est pas optimal aujourd'hui.
Monsieur le sénateur Bocquet, le fait est que le RSA activité connaît un taux de recours trop faible. Un des enjeux est de permettre une meilleure connaissance de ce dispositif de la part des bénéficiaires potentiels. Ceci passe par la mobilisation de l'ensemble des acteurs susceptibles d'avoir un contact avec les publics concernés.
Une des façons d'avancer est de faire en sorte que ceux qui ne sont pas en charge du versement du RSA, mais qui sont, pour une raison ou une autre, en contact avec les familles ou les personnes potentiellement bénéficiaires, puissent être des vecteurs d'information. Nous réfléchissons donc à la manière de rendre l'information transversale.
Pour ce qui est du rapprochement entre le RSA de base avec la prime pour l'emploi (PPE), qui a fait l'objet d'un rapport parlementaire, le débat se poursuit. Nous avons fait le choix, pour le moment, de privilégier la baisse des cotisations salariales pour ceux qui ont un revenu compris entre 1 et 1,3 fois le SMIC. Les ressources disponibles ont donc été mobilisées pour permettre cette baisse des cotisations, ce qui se traduira par une augmentation rapide du pouvoir d'achat des salariés modestes.
Quant à l'allocation aux adultes handicapés (AAH), il est vrai qu'il existe un écart entre la prévision et la réalisation. Je ne sais si vous avez eu l'occasion d'aborder cette question avec Didier Migaud, mais le rapport de la Cour des comptes souligne que les prévisions du ministère sont désormais de plus en plus fiables. Il existait jusqu'à présent un problème d'appréciation et de remontée de l'information à partir des territoires. Nous pensons aujourd'hui disposer d'évaluations relativement fiables.