Intervention de Fleur Pellerin

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 12 novembre 2014 : 3ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Diverses dispositions d'adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel - Audition de Mme Fleur Pellerin ministre de la culture et de la communication

Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, je veux remercier votre commission pour son invitation à venir présenter devant elle le budget de la culture pour 2015. Permettez-moi, puisqu'il s'agit de ma première audition au Sénat, de vous féliciter, madame la présidente, pour votre élection à la présidence de cette commission. Nous avons travaillé ensemble par le passé sur les questions d'équité fiscale en matière de numérique, aujourd'hui une ambition majeure nous réunit à nouveau : la culture.

Venons-en à ce budget qui est l'objet de nos débats.

Après deux ans de baisse et de rationalisation en 2013 et 2014, le budget du ministère de la culture et de la communication est conforté pour les trois prochaines années. Il connaît même une légère augmentation de 0,33 % en 2015 s'agissant de l'ensemble des crédits budgétaires pour s'élever à 7,08 milliards d'euros.

Cette stabilisation est bien le signe d'une priorité donnée par le Gouvernement à la culture et aux médias, dans le contexte de finances publiques que l'on connaît.

C'est un signe fort donné à l'égard de l'ensemble des professionnels, des artistes, des hommes et des femmes qui oeuvrent au quotidien pour notre patrimoine et notre création. C'est un engagement puissant aussi vis-à-vis des collectivités locales : l'État ne se désengage pas et reste à leurs côtés pour porter les politiques culturelles sur l'ensemble des territoires C'est un enjeu essentiel pour moi puisque, comme vous le savez, la culture est un champ de responsabilité éminemment partagé entre l'État et l'ensemble des niveaux de collectivités locales. À l'heure où les débats à venir dans le cadre de la loi relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), de même que ceux qui ont eu lieu lors du vote de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM), réinterrogent les modes de partenariat entre les collectivités et l'État et, à l'heure où la contrainte sur les finances publiques locales induit des retraits ou l'abandon de certains projets, il était indispensable de montrer que l'État continuera à prendre toute sa part.

Cette stabilisation du budget demandera de poursuivre les efforts, de maintenir des équilibres délicats. Mais elle permettra, en les hiérarchisant, de financer les priorités de mon action. Ces priorités transversales, j'ai déjà eu l'occasion de les évoquer lors de mon audition devant la commission des affaires culturelles il y a quelques semaines.

Il s'agit d'abord de repenser l'accès à la culture, en partant des pratiques culturelles des Français, et particulièrement des jeunes. Je suis heureuse aujourd'hui de pouvoir vous dire que le budget 2015 poursuit résolument l'effort en faveur de l'éducation artistique et culturelle qui aura vu ses moyens spécifiquement dédiés augmenter d'un tiers entre 2015 et 2012.

Il s'agit ensuite de renforcer l'excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays : le budget 2015 prévoit ainsi les moyens nécessaires à l'ouverture de la Philharmonie. Au-delà des questions, légitimes, sur le coût et l'avancement des travaux, c'est surtout un magnifique équipement d'excellence et de rayonnement qui permettra à notre pays de trouver une place sur la carte européenne et internationale des métropoles « qui comptent » en matière musicale. Engager, après deux années d'efforts importants, le processus de consolidation de nos opérateurs muséaux et patrimoniaux, c'est aussi leur permettre de poursuivre ou accélérer leurs initiatives comme le Centre Pompidou à Málaga ou le Louvre Abou Dhabi en faveur du rayonnement de nos collections et de nos savoir-faire à l'étranger.

Je souhaite enfin encourager le renouveau créatif, celui de nos artistes, de nos auteurs, de toutes nos industries culturelles. C'est pourquoi le budget 2015 préserve les crédits dédiés à la création dans son ensemble et met aussi l'accent sur les moyens dédiés aux écoles d'enseignement supérieur qui accueillent chaque année plus de 36 000 étudiants qui sont les créateurs de demain.

Ces grandes orientations se déclinent dans l'ensemble des politiques culturelles, multiples, que porte le ministère et que je souhaite vous présenter en commençant par les crédits de la mission culture.

Priorité à la jeunesse, il me semble important de pouvoir commencer mon propos par le programme transmission des savoirs et démocratisation de la culture qui permet de concrétiser deux priorités. La première, c'est la poursuite du plan en faveur de l'éducation artistique et culturelle. Il verra ses moyens augmenter pour atteindre 40 millions d'euros afin que les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) - puisque cet argent, vous le savez, est déconcentré - puissent en particulier accompagner les collectivités locales et proposer des projets culturels de qualité sur le temps libéré par la réforme des rythmes scolaires : un tiers des activités proposées aux enfants concerne en effet une activité culturelle. C'est une véritable mobilisation de tous les acteurs de terrain, associations, bibliothèques, écoles de musiques, théâtres et compagnies, qui s'organise. Je souhaite que les DRAC soient encore plus présentes à leurs côtés. C'était un engagement : plus d'un tiers de ces crédits sont consacrés aux territoires issus de la cartographie prioritaire. C'est un choix politique que le Gouvernement assume. Car la culture joue un rôle majeur pour recréer du lien social et lutter contre les inégalités. C'est au fondement de la mission de ce ministère.

La seconde priorité est celle de l'enseignement supérieur, à commencer par les étudiants eux-mêmes, dont on connaît les conditions économiques parfois difficiles. J'augmenterai ainsi de plus de 14,5 % les bourses sur critères sociaux et les aides pour les étudiants, afin de ne pas fragiliser le recrutement des écoles parmi des populations à faible revenu. Il y va de notre responsabilité sociale. S'agissant des écoles elles-mêmes, le budget 2015 permettra de poursuivre la structuration des formations professionnalisantes. Pour mener à bien cet enjeu de structuration, j'ai dû faire le choix difficile de concentrer désormais les moyens sur les seuls conservatoires à rayonnement départemental et régional adossés à des pôles supérieurs d'enseignement du spectacle vivant, mission qui relève de la responsabilité de l'État. 2015 verra aussi, et j'en suis particulièrement heureuse, le lancement de nouveaux projets d'investissement, qu'il s'agisse de la création d'une école de la photographie à Arles ou de la modernisation nécessaire des écoles d'architecture de Marseille puis de Toulouse.

Des créateurs de demain aux créateurs d'aujourd'hui il n'y a qu'un pas. Le Premier ministre s'y était engagé dès le mois de juin dernier, les crédits du programme création sont consolidés, en 2015 mais aussi pour les trois années à venir. À l'heure où la mission tripartite de MM. Gille, Combrexelle et de Mme Archambault travaille avec l'ensemble des acteurs concernés sur des solutions viables et pérennes s'agissant du régime de l'intermittence, c'était un signe indispensable pour tous les professionnels de l'engagement de l'État en faveur de la création. Les moyens budgétaires alloués au spectacle vivant participent du reste à la structuration de l'économie de ce secteur et à l'amélioration des conditions d'emplois des artistes. On l'oublie trop souvent, mais ces moyens budgétaires représentent avant tout de l'emploi : l'aide aux compagnies, c'est la garantie de leur activité et de leur capacité à salarier les artistes. La commande publique est une source de revenus pour les auteurs et les plasticiens. Les subventions aux labels nationaux comme les centres dramatiques incluent des moyens de production qui, tout simplement, permettent de payer des artistes et des techniciens !

Je le disais en introduction, le budget de 2015 permet l'ouverture de la Philharmonie, un nouvel équipement de référence pour la diffusion musicale mais aussi pour la sensibilisation de nouveaux publics grâce à son programme éducatif ambitieux. Au-delà des vicissitudes de la fin du chantier, ce que marque ce budget 2015 est bien l'ouverture de l'établissement. Les crédits de l'État sont bien prévus, en matière de fonctionnement, la Philharmonie étant appelée à travailler, et c'est bien normal, dans un souci de synergie avec la Cité de la Musique et les structures musicales qu'elle accueillera.

D'un mot, j'évoquerai les arts plastiques, avec la rénovation des hôtels de Montfaucon et de Caumont qui accueilleront à Avignon la collection Lambert, plus grande donation faite depuis 20 ans en France, dont l'ouverture est prévue en juillet 2015.

Voilà, à grands traits, les points saillants des crédits budgétaires alloués au secteur de la création. Mes propos ne seraient pas complets si je n'évoquais pas avec vous la richesse des secteurs des patrimoines.

En matière d'archéologie, une subvention pour charge de service public de 5 millions d'euros sera mise en oeuvre pour l'Institut de recherches en archéologie préventive (INRAP). Il ne s'agit pas de modifier le régime de financement de cet opérateur dont nous aurons peut-être l'occasion de reparler - le ralentissement de l'économie, associé à la fin des difficultés dans les circuits de recouvrement, rend toujours l'équilibre financier de l'établissement fragile, mais bien de reconnaître pleinement l'existence des missions de service public qui lui sont confiées en matière scientifique comme territoriale.

Mais, plus généralement, en matière de patrimoines, l'État répondra aussi présent avec un maintien des crédits déconcentrés, soit plus de 224 millions d'euros s'agissant des monuments historiques, dont on sait l'importance pour les monuments, mais aussi pour l'emploi et l'activité économique de nos territoires. Du reste, et c'est un point saillant du budget 2015, grâce aux marges dégagées par la fin de grands chantiers décidée dès 2012, l'effort d'investissement peut aujourd'hui reprendre tout en s'accompagnant d'une vision plus structurée et plus rationnelle. Et ce grâce à l'élaboration de schémas directeurs d'entretien et de restauration qui se substituent progressivement à une logique d'opérations au coup par coup : l'État joue ainsi plus pleinement son rôle de contrôle scientifique et technique en se dotant d'outils plus efficaces et plus rationnels. Le schéma directeur de Versailles se poursuit, celui de Fontainebleau prend une nouvelle dimension opérationnelle alors que s'engagent les schémas du centre Pompidou et du Grand Palais.

L'amélioration de l'accueil du public sera également au coeur de nos priorités, avec la rénovation de l'accueil du musée de Cluny, la restitution au public de l'hôtel de la Marine grâce à la mobilisation des moyens et de l'expertise du Centre des monuments nationaux et de la Caisse des dépôts, le projet Pyramide du Musée du Louvre ou encore l'expérimentation de l'ouverture 7 jours sur 7, à l'horizon 2017, de trois grands musées nationaux très fréquentés que sont Versailles, le Louvre et le musée d'Orsay.

Même s'il s'agit d'un projet dématérialisé, c'est bien la meilleure accessibilité du public au patrimoine archivistique qui est aussi à l'oeuvre avec le projet interministériel de plateforme d'archivage électronique, dit VITAM. Grâce à la mobilisation des moyens des investissements d'avenir et suite à un travail de large coopération avec les ministères de la défense et des affaires étrangères, il permettra d'assurer la conservation des archives électroniques, de plus en plus importantes compte tenu de la dématérialisation croissante des décisions administratives. On aurait bien tort - c'en est un bel exemple - d'opposer patrimoine et modernité !

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