J'ai présenté au Conseil des ministres du 22 octobre 2014 un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.
Ce projet de loi transpose trois directives.
Il s'agit tout d'abord de transposer la directive du 27 septembre 2011 relative à la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins, qui devait être transposée au plus tard le 1er novembre 2013.
Élément de contexte important à avoir à l'esprit : le 10 juillet dernier, la France a reçu un avis motivé de la part de la Commission européenne et risque des amendes pécuniaires en cas de non-transposition, de l'ordre de 10 millions d'euros par an. Il est urgent de transposer cette directive, que la France n'a pas souhaitée mais qu'elle doit impérativement transposer désormais.
La durée des droits de l'ensemble des titulaires de droits - auteurs, artistes interprètes, producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes et entreprises de communication audiovisuelle - est harmonisée depuis une directive relative à la durée des droits adoptée le 29 octobre 1993. La directive que le présent projet de loi transpose allonge de cinquante à soixante-dix ans la durée de protection des droits voisins dans le secteur musical. Le législateur communautaire est parti du constat que, du fait de l'allongement de l'espérance de vie, les droits patrimoniaux des artistes-interprètes viennent dorénavant à échéance du vivant de ces artistes et à une période où ils n'ont généralement plus d'activité professionnelle. La directive a entendu leur accorder des droits pendant toute leur vie afin de leur garantir une rémunération, essentielle car ils n'ont souvent pas d'autre salaire fixe. La directive prévoit ainsi des mesures d'accompagnement permettant d'assurer que l'extension de la durée leur bénéficiera réellement. Elle a également entendu améliorer la rentabilisation des investissements économiques réalisés par les producteurs afin qu'ils disposent des revenus nécessaires pour soutenir de nouveaux talents. Il prévoit également des mesures d'accompagnement pour la période additionnelle de protection. Ce sont des dispositions techniques sur lesquelles nous pourrons revenir.
Figure également une disposition transitoire rappelant que les artistes-interprètes rémunérés de manière proportionnelle peuvent demander que le contrat les liant au producteur soit renégocié à leur bénéfice.
La seconde directive porte sur les oeuvres orphelines. Le projet de loi propose en effet de transposer la directive du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des oeuvres orphelines. L'échéance pour transposer ce texte était le 29 octobre 2014. Il y a donc là aussi nécessité de respecter le délai de transposition.
Le projet de loi transpose le dispositif qui permet, dans un but culturel et éducatif, aux bibliothèques accessibles au public de numériser et de mettre à la disposition du public, sur internet, des oeuvres considérées comme orphelines, appartenant à leurs collections, dont les titulaires de droits d'auteur ou de droits voisins n'ont pas pu être retrouvés malgré des recherches diligentes. Cette faculté est également ouverte aux musées, aux services d'archives, aux institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore, aux établissements d'enseignement et aux organismes publics de radiodiffusion.
Le projet de loi précise le champ des oeuvres, interprétations, phonogrammes ou vidéogrammes concernés : il s'agit des oeuvres publiées sous la forme de livres, revues, journaux, magazines ou autres écrits, ainsi que les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles qui font partie des collections des bibliothèques et autres organismes bénéficiaires.
Sont ainsi transposés :
- le principe de reconnaissance mutuelle du statut d'oeuvre orpheline entre États membres de l'Union européenne ;
- la nature des recherches diligentes des titulaires de droits à effectuer ;
- l'obligation de transmission du résultat des recherches au ministre de la culture afin que celui-ci le communique à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) ainsi que l'information des utilisations prévues ;
Enfin le projet de loi propose de transposer la directive relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre. C'est la seule des trois directives pour laquelle l'urgence de transposer ne peut être invoquée, puisque le délai de transposition est fixé au 18 décembre 2015.
Sur le fond, l'Union européenne a souhaité, avec ce nouveau texte, améliorer sensiblement le fonctionnement de la directive initiale, datant de 1993, et dont l'application limitée avait été constatée.
Cet instrument révisé entend garantir la restitution par un État membre de tout bien culturel considéré comme un « trésor national de valeur artistique, historique ou archéologique » ayant quitté illicitement son territoire après le 1er janvier 1993. Elle devrait conférer une plus grande protection aux biens faisant partie de l'héritage culturel d'un État membre et contribuera à la prévention du trafic illicite de biens culturels et à la lutte contre ce phénomène.
Dans cette perspective, le projet de loi procède à la transposition des principaux changements apportés par la nouvelle directive, en fixant le champ d'application dorénavant aux trésors nationaux, en allongeant le délai pour permettre aux autorités de l'État membre requérant de vérifier la nature du bien culturel trouvé dans un autre État membre ainsi que le délai pour exercer l'action en restitution et en introduisant des critères communs pour interpréter la notion de diligence requise de l'acquéreur du bien culturel en cause en cas de demande d'indemnité.
Voilà, madame la présidente, la présentation extrêmement rapide que je voulais faire de ce projet de loi et des trois directives qu'il propose de transposer.