Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances 2015, relatif à la deuxième année d'exécution de la LPM 2014-2019. Mon propos liminaire portera tout d'abord sur l'exécution de l'année 2014, qui constitue en quelque sorte la base de ce qui nous attend en 2015. Je détaillerai ensuite le projet de loi de finances 2015 pour le programme 146 ; je ne manquerai pas de dire quelques mots sur la partie du programme 144, qui intéresse la DGA, relative aux études amont. Je donnerai enfin quelques indications sur l'état de santé de la DGA au sens large.
L'année 2014 a débuté avec un report de charges, fin 2013, de 2,4 milliards d'euros pour le programme 146, sur les 3,4 milliards d'euros de report de charges que totalisait l'ensemble du budget de la défense. En ce qui concerne les études amont, ce report a été en apparence très modeste - 115 millions d'euros -, mais, par rapport au budget des études amont - 730 millions d'euros par an en moyenne -, ce n'est pas rien.
La loi de programmation a toujours été soumise à trois conditions indispensables : la maîtrise du report de charges, l'existence de recettes extrabudgétaires et la conclusion des contrats d'exportation d'un certain nombre d'équipements, principalement le Rafale.
Pour 2014, sur le programme 146, les besoins de paiement sont aujourd'hui estimés à 11,7 milliards d'euros ; les ressources en crédits de paiement, hors titre 2, s'établissent à 9,9 milliards d'euros, avec 1,6 milliard d'euros de ressources exceptionnelles, principalement situées sur le PIA en cours. Il reste un reliquat de cessions précédentes de 11 millions d'euros sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Fréquences hertziennes ».
Les ressources du PIA ont permis de financer les activités conduites par le ministère de la défense dans le nucléaire et le spatial. Ces crédits n'étant utilisables, aux termes des règles de fonctionnement du PIA, que par des opérateurs tels que le CEA et le CNES, des conventions spécifiques ont été établies avec ces organismes.
En résumé, une partie de la subvention du CEA se retrouve sur le PIA, ainsi que les paiements que le CNES effectue pour nous auprès des industriels au titre du programme MUSIS. Le PIA est donc bien utilisé à des fins de défense. Le dispositif est cependant compliqué à mettre en place, puisqu'il faut passer des conventions spécifiques avec ces opérateurs.
Compte tenu du contexte, des questions qui se posent autour du budget 2015 et de la manière dont les recettes exceptionnelles pouvaient être prises en compte, notre gestion est demeurée prudente une bonne partie de l'année 2014. Les besoins de paiement sur 2014 ont été réduits ; le report de charges, en fin d'année, devrait donc diminuer dans une légère proportion. Sous réserve que les conditions actuelles soient maintenues, et dans l'hypothèse de la levée de la réserve de précaution, de l'ordre de 500 millions d'euros, le programme 146 pourrait connaître un report de charges de 2,1 milliards d'euros sur l'exercice 2015.
Le niveau des engagements est très important pour le programme 146 : il s'élève à 12,9 milliards d'euros pour 2014. Pour le programme 144, le niveau d'engagement est estimé à 807 millions d'euros à la fin de l'année, avec un niveau de paiement estimé en fin d'année à 743 millions d'euros, 45 millions d'euros étant destinés au dispositif « RAPID » (régime d'appui pour l'innovation duale), qui consiste à proposer des financements aux PME innovantes, via un dispositif de subvention et non de contractualisation.
Je passe sur la performance des devis et des délais des programmes, qui sont conformes aux objectifs du projet annuel de performance.
Je relève, parmi les principales commandes, au titre de la coopération franco-britannique, le contrat de réalisation du missile antinavire léger (ANL) dans le cadre du traité de Lancaster House, ainsi que deux commandes majeures, l'une en juillet - le quatrième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda -, l'autre le 1er août, concernant les travaux relatifs à la nouvelle version du M51, le M51.3, dans le cadre du renouvellement continu de nos capacités de dissuasion.
La fin de l'année 2014 est également riche : le ministre en parlera cet après-midi même, en séance publique à l'Assemblée nationale. Je ne veux donc pas dévoiler ce qu'il va dire à propos de gros contrats attendus pour l'armement terrestre ou pour l'industrie aéronautique. Les choses vont dans la bonne direction.
Le dernier contrat important qu'il nous reste à mettre en oeuvre, finalisé et signé par l'industriel, est un contrat relatif au système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA) ; il concerne la commande d'un certain nombre de radars.
L'année 2014, en termes de commandes, sera donc strictement conforme à la LPM. Il en ira de même en ce qui concerne les livraisons.
Cinq A400M ont d'ores et déjà été fournis (dont 3 cette année) ; nous espérons que le sixième le sera au mois de décembre. Onze Rafale auront également été mis à disposition à la date prévue dans le contrat. Nous avons par ailleurs commencé, ainsi que la presse l'a présenté, la rénovation des dix premiers Rafale Marine. Ces Rafale Marine au standard F1 constituaient une version extrêmement limitée au plan opérationnel ; ils sont réaménagés selon un standard performant. On compte également une FREMM, 4 000 équipements Félin, des systèmes SAMP-T, des missiles Aster, etc.
Une grande partie de l'activité de cette année a également été consacrée à la modification des contrats, afin de les rendre strictement conformes aux calendriers et aux flux de paiements de la LPM. De nombreux allers-retours avec l'industrie ont eu lieu à propos des FREMM et d'autres équipements. On peut dire que toutes ces négociations sont aujourd'hui terminées ; nous sommes dans un régime réputé stable, au plan contractuel.
Quant aux études amont, la semaine prochaine sera l'occasion d'un événement majeur : la signature du contrat FCAS DP, démonstrateur de drones armés non pilotés, qui préparera le futur système de combat aérien. Il s'agit d'une coopération franco-britannique, dans le cadre du traité de Lancaster House. C'est un support fort qui réunit, pour la partie française, Dassault Aviation, Safran, Thalès, et, du côté britannique, British Aerospace, Rolls-Royce et Selex.
Les « urgences opérations », qui constituaient un sujet de débat, compte tenu des engagements en Afghanistan, sont d'un montant extrêmement faible - 3,5 millions d'euros au mois d'août, comme en 2012 et 2013. Cela signifie que les matériels sont adaptés aux conditions d'emploi sur les théâtres extérieurs ; ils offrent la versatilité voulue par nos forces, et l'état-major des armées filtre correctement les besoins exprimés à la base, qui peuvent paraître parfois impulsifs.
En matière de base industrielle et technologique, des travaux sont en cours pour rapprocher Krauss-Maffei Wegmann (KMW) et Nexter. Cela s'est traduit par un protocole d'accord, en juillet 2014, qui a permis de lancer les vérifications de « due diligence » entre les deux entreprises.
S'agissant de l'exportation, sujet majeur, le ministre de la défense a indiqué, lors des Universités d'été, que leur montant s'établissait pour 2013 à environ 7 milliards d'euros, en très forte augmentation par rapport à 2012. On connaît malheureusement le résultat des exportations extrêmement tard dans l'année, compte tenu du fait qu'il convient d'agréger beaucoup de données. Les perspectives pour 2014 ont connu quelques succès en Arabie saoudite, avec le programme LEX, pour l'entretien des bateaux, ou en Egypte, avec les Corvette. L'année n'est pas achevée, et nous sommes en train de travailler à la concrétisation de « prospects » majeurs, en Asie ou au Moyen-Orient, dans le domaine des hélicoptères, etc.
Je vous propose de réserver la question du Rafale pour le débat.
Les effectifs de la DGA sont passés cette année en dessous des 10 000 personnes. En 2007, la DGA employait 14 800 personnes ; la déflation est donc extrêmement importante. Ma préoccupation, dans ce contexte, est de maintenir les compétences nécessaires à la bonne exécution des missions de la DGA, comme la conduite des programmes d'armement, avec tout ce que cela nécessite en termes d'expertise technique, de capacités d'essais et de contradiction vis-à-vis des industriels, ou de préservation des possibilités de montée en puissance dans le domaine de la cyberdéfense, qui reste une des priorités importante qui nous a été assignée. La masse salariale de la DGA sera de 750 millions d'euros à la fin de l'exercice, en baisse, de manière assez logique, par rapport en 2013.
J'en viens au PLF 2015. Les besoins de paiement, hors titre 2, s'élèvent à 10,2 milliards d'euros ; quant aux ressources du programme 146, elles s'établissent à 9,9 milliards d'euros. Elles se répartissent en 7,8 milliards d'euros de crédits budgétaires, et 2,1 milliards d'euros de ressources exceptionnelles. La question de la vente des fréquences hertziennes a été évoquée. On compte également 83 millions d'euros de prévisions de ressources extrabudgétaires diverses - fonds de concours, attributions de produits, etc. Nous vendons par ailleurs aux industriels des prestations exécutées par nos centres d'essais, permettant ainsi à des crédits de revenir à la DGA au bout d'un certain temps.
On notera que la provenance des ressources a été aménagée par rapport aux prévisions de la LPM : on compte donc 500 millions d'euros en moins sur les crédits budgétaires, et 500 millions d'euros en plus sur les ressources exceptionnelles, d'où le montant mentionné de 2,1 milliards d'euros, qui est colossal.
Je ne reviens pas sur la question de la vente des fréquences de la TNT, que nous réserverons pour le débat. Je signale simplement que les crédits versés sur le CAS « Fréquences » ne peuvent être utilisés qu'à des fins prédéterminées, qui concernent des systèmes de communication, d'information, de cryptographie, d'électronique, acquis pour le ministère de la défense. Ce montant annuel est approximativement d'un milliard d'euros. Dépenser 2,1 milliards d'euros aurait constitué pour la DGA une grande difficulté, sauf à refacturer une année complète sur ces crédits, travail extrêmement fastidieux et peu gratifiant, mais que nous aurions toutefois réalisé si cela avait été nécessaire.
D'une manière générale, ces crédits ne sont utilisables que s'ils sont mis à notre disposition dès le mois de septembre. Or vendre les fréquences, obtenir le paiement des opérateurs de télécommunication et mettre ces crédits en place pour septembre 2015 aurait représenté un exercice compliqué. Face à ces contraintes, nous avons instruit un certain nombre de sujets sur lesquels nous reviendrons, notamment les sociétés de projet.
Les besoins d'engagement s'élèvent à 11 milliards d'euros. Concernant les études amont, les crédits de paiement sont de 739 millions d'euros, en légère diminution ; ils correspondent aux besoins 2015, hors report de charges. Les principales caractéristiques de 2015, en la matière, résident dans l'augmentation des crédits attribués au dispositif RAPID : nous allons passer à 50 millions d'euros. Je suis d'ailleurs en train d'examiner l'augmentation de ces crédits. Il faut avoir un retour d'expérience positif. Les études liées à la cybersécurité vont continuer à monter en puissance. Nous continuerons également à mener des actions dans le domaine des drones de combat (FCAS DP) et des missiles. Nous sommes très proches du niveau moyen annuel des crédits de paiement prévu par la LPM.
Toutes les commandes prévues par la LPM sont au rendez-vous. Le point clé est COMSAT NG. La réalisation de nouveaux satellites permettant de renouveler la constellation Syracuse III qui date de 2001 ; c'est moi qui l'avais commandée il y a quelques années, lorsque j'étais dans un autre service : elle date un peu, et il faut donc se presser. Nous allons par ailleurs acquérir huit MRTT supplémentaires en 2015 ; trois seront fournis ultérieurement et deux autres seront livrés, dans le cadre de la LPM, en 2018 et 2019.
Pour ce qui est des livraisons, nos forces continuent de voir arriver des Rafale, conformément à ce qui est prévu, à hauteur de onze par an. Trois mises au standard F3 supplémentaires du Rafale F1 auront lieu. On compte beaucoup d'armement air-sol modulaire (AASM), ainsi qu'un premier lot de missiles de croisière navals (MDCN).
Grâce à un tir effectué hier à Biscarosse, nous avons qualifié le missile de croisière naval qui a été tiré à une portée maximale que je ne mentionnerai pas ici. Ce missile fonctionne donc.
Parmi les livraisons prévues, on compte également une frégate multi-mission (FREMM), des hélicoptères Tigre, ainsi que les 25 derniers véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) - ce qui prouve bien l'urgence qui s'attache à trouver un avenir à Nexter, à la fois à travers des programmes d'armement nationaux et des partenariats à l'étranger. Enfin, quatre avions A400M et huit hélicoptères NH90 seront également livrés.
Nous poursuivrons la mise en oeuvre des déflations en personnels prévues pour la DGA dans le cadre de la LPM. Mon souci est le maintien des compétences de la DGA dans la durée, et la poursuite de recrutements qui permettent à la fois le maintien de ses compétences et leur développement sur des sujets nouveaux, comme la cybersécurité.
Certains ont facilement tendance à bloquer les embauches, ce que je déplore énormément. Je serai très favorable - mais c'est un rêve fou ! - au fait que l'on pratique enfin au ministère de la défense, ou au moins pour la DGA à titre d'exemple, une gestion sur la base de la masse salariale, et non sur le nombre d'agents...
En conclusion, 2014 constitue une première année de mise en oeuvre de la LPM conforme à celle-ci, avec néanmoins un certain nombre de tensions. La prévision pour 2015 est, de même, conforme à la LPM, sous réserve que les exportations de Rafale et les crédits correspondant à des recettes exceptionnelles soient bien au rendez-vous. Ce sont des conditions dont on savait qu'elles devaient être vérifiées en permanence sur la durée de la LPM.