Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 octobre 2014 : 1ère réunion
Ratification de l'accord entre la france et le gouvernement du turkménistan relatif aux services aériens — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, l'accord que je vous présente vise à donner un cadre juridique aux services de transport aérien entre la France et le Turkménistan.

Il s'agit du premier accord dans ce domaine entre nos deux Etats, qui a été signé à Achgabat le 2 mars 2013 à l'occasion de la visite au Turkménistan du ministre des Affaires étrangères. La signature de cet accord est intervenue dans la perspective de la mise en service d'une liaison aérienne directe entre Paris et Achgabat exploitée par la compagnie nationale turkmène, Turkmenistan Airlines. Cette liaison aérienne, qui était en projet depuis une dizaine d'années, est effective depuis le 20 décembre 2013.

Avant de vous présenter cet accord, je voudrais dire quelques mots du Turkménistan et des relations que la France entretient avec ce pays.

Issu de l'éclatement de l'URSS en 1991, le Turkménistan est un grand pays quasiment désertique, presque aussi vaste que la France et peuplé de seulement 5 millions d'habitants. Son régime politique a évolué ces dernières années vers davantage d'ouverture, ce qui s'est traduit par une réforme de la constitution en 2008 et l'émergence d'un parti d'opposition. Le pouvoir reste concentré dans les mains du Président, élu pour cinq ans au suffrage universel direct, et la situation du pays au regard des droits de l'homme n'est pas irréprochable. Sur le plan économique, la croissance est tirée par l'exploitation des hydrocarbures (qui représentent 50 % du PIB et 90 % des exportations), en particulier du gaz, dont le Turkménistan possède d'importantes réserves.

Les relations entre nos deux pays se sont développées depuis l'élection, en 2007, du président Berdymoukhamedov, et surtout depuis la visite en France de celui-ci en février 2010. Néanmoins, le Turkménisan n'est que le troisième partenaire commercial de la France en Asie centrale, derrière le Kazakhstan et l'Ouzbékistan. Nos relations commerciales reposent quasi exclusivement sur de grands contrats, ce qui les rend très fluctuantes.

Elles sont en outre déséquilibrées, au profit de la France. En 2013, le volume total des échanges s'est élevé à 126 millions d'euros, dont 123,5 millions d'euros pour les exportations françaises et seulement 2,5 millions d'euros pour les importations en provenance du Turkménistan. Les exportations françaises sont essentiellement composées de biens d'équipements mécaniques et électriques ainsi que de biens intermédiaires (minéraux, produits chimiques) utilisés dans l'industrie extractive.

Avec une part de marché de 3%, la présence française demeure limitée mais tend à se développer, quatorze entreprises françaises y étant implantées. Il existe depuis 2010 une commission mixte pour la coopération économique et un groupe de travail dans le domaine de l'énergie, qui servent de support aux relations économiques entre nos deux pays.

J'en reviens à l'accord sur les services aériens qui nous intéresse ici.

Comme je l'ai dit, il est étroitement lié à l'ouverture d'une liaison aérienne entre Paris et Achgabat par Turkmenistan Airlines depuis la fin de l'année 2013. Auparavant, les liaisons entre les deux capitales s'effectuaient nécessairement avec des escales, le plus souvent en Allemagne (Francfort) ou en Turquie (Istanbul).

Dans l'attente de l'entrée en vigueur du présent accord, les services aériens fournis par la société nationale turkmène sont autorisés par un procès-verbal signé en novembre 2012 à l'occasion de consultations bilatérales. L'application de ce procès-verbal repose sur la bonne coopération des parties, il n'apporte aucune garantie juridique en cas de contentieux.

Le présent accord définit, quant à lui, un cadre juridique complet applicable aux services aériens entre les deux Etats.

Ainsi, il comporte des dispositions - classiques pour ce type d'accord bilatéral - qui reprennent globalement les clauses du modèle d'accord aérien établi par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) : octroi des droits (droit de survol du territoire, droit d'y effectuer des escales techniques, droit d'embarquer et de débarquer des passagers, des bagages et du fret), désignation des entreprises de transport aérien, exploitation des services agréés, sûreté et sécurité, redevances et droits de douanes, représentation commerciale des compagnies aériennes, tarifs, transferts de recettes...

Il instaure en outre un système de règlement des différends (article 21 de l'accord), qui offre aux entreprises et aux Etats une sécurité juridique.

Les dispositions de cet accord sont également conformes au droit communautaire, de sorte que la France pourra, le cas échéant, désigner des compagnies aériennes européennes établies sur son territoire en vue d'exploiter les services aériens entre les deux pays.

Pour la France, il apporte, par ailleurs, une garantie importante, qui est le libre survol du territoire turkmène par les compagnies françaises et la possibilité d'y effectuer des escales techniques.

En effet, le Turkménistan n'a pas encore adhéré à l'Accord de Chicago du 7 décembre 1944 relatif au transit des services aériens internationaux, qui stipule que les compagnies des Etats parties ont le droit de traverser son espace aérien et d'atterrir pour des raisons non commerciales.

Ce volet est particulièrement important pour la société Air France. En 2011, la compagnie française, dont les vols quotidiens à destination de l'Asie du Sud-Est transitent au-dessus du territoire turkmène, s'était en effet vu interdire l'accès à cet espace aérien du fait d'un contentieux, ce qui a occasionné pour elle un important manque à gagner.

Il est à noter qu'à l'heure actuelle, aucune compagnie aérienne française ne dessert le Turkménistan, ni les autres pays d'Asie centrale ou ne projette de le faire.

La desserte est donc exclusivement le fait de la compagnie nationale turkmène qui effectue deux vols par semaine entre les deux capitales. Entre l'ouverture et août 2014, quelque 5 000 passagers ont emprunté la ligne.

Ainsi, le trafic passagers entre les deux pays est très faible et son potentiel de développement reste relativement limité.

En effet, si l'ouverture d'un service direct a permis de capter une partie de la clientèle qui transitait via la Turquie ou l'Allemagne, celle-ci est quantitativement modeste (environ 2 000 passagers annuellement) et, d'autre part, le principal marché européen avec le Turkménistan se situe au Royaume-Uni où la communauté Sikh utilise les services de la compagnie turkmène pour se rendre en Inde via une escale à Achgabat, ce qui rend peu probable le transfert d'une partie de ce trafic via Paris.

Le trafic passagers pourrait néanmoins être appelé à croître, à la faveur du développement des relations économiques et du tourisme entre nos deux pays.

Pour mémoire, il existe également des liaisons aériennes ponctuelles entre la France et le Turkménistan pour le trafic de fret, dont les besoins sont très irréguliers.

Pour conclure, je soulignerais que cet accord bilatéral est d'autant plus nécessaire qu'il n'y a actuellement pas d'accord aérien entre l'Union européenne et le Turkménistan.

Aussi je vous propose :

- d'adopter le projet de loi n° 370 (2013-2014) autorisant la ratification du présent accord relatif aux services aériens entre la France et le Turkménistan ;

- et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le jeudi 6 novembre prochain.

Les Français connaissent mal le Turkménistan, ce qu'on peut regretter. La présence française dans ce pays est réduite, tant en ce qui concerne les personnes que les entreprises, alors même que son potentiel est considérable. D'une manière générale, les Français s'intéressent peu à l'Asie centrale. Il est vrai que le Turkménistan garde une mauvaise image du fait d'atteintes aux droits de l'homme, illustrées notamment par l'emprisonnement de journalistes entre 2006 et 2013. La France aurait pourtant intérêt à développer sa présence au Turkménistan. A cet égard, il serait nécessaire de signer une convention fiscale avec ce pays, afin d'y sécuriser nos investissements.

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