Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons ce matin un avenant à un accord de 1967 qui a permis la construction d'un réacteur à très haut flux, à Grenoble, destiné à la recherche. Celui-ci est exploité par l'Institut Laue Langevin appelé ILL, qui a été créé à cette occasion. Ce projet est le fruit d'une initiative franco-allemande à laquelle s'est joint le Royaume-Uni en 1973.
I. De quoi s'agit-il ?
Cette convention a conduit à la création d'un centre de recherche, leader mondial dans la production de faisceaux de neutrons, produit par le réacteur exploité par l'Institut.
Étant électriquement neutres, les neutrons constituent une sonde de grande précision non-destructive car ils pénètrent aisément la plupart des matériaux.
Les neutrons se comportent comme les aiguilles d'une boussole. Ils peuvent donner des informations uniques sur les propriétés magnétiques.
Cette technologie est destinée aux scientifiques dans le cadre de leurs recherches fondamentales ou appliquées. En effet, la principale mission de l'Institut consiste à fournir du « temps de faisceau de neutrons » aux scientifiques pour leurs expériences. Le matériel adéquat est mis à leur disposition ainsi que l'expertise des techniciens sur place.
Un comité d'experts scientifiques accepte préalablement leur demande. Ce sont près de 1 500 chercheurs qui, chaque année, souhaitent ainsi disposer de la technologie neutronique de l'Institut.
L'Institut permet non seulement de répondre aux questions des chercheurs en science fondamentale, mais également de collaborer avec des départements de la recherche et du développement du secteur privé, dans le cadre d'applications concrètes. Celles-ci sont extrêmement variées. Elles peuvent porter sur la conception des moteurs ou encore la fabrication de plastiques ou de produits d'entretien.
Ce réacteur est situé à Grenoble dans le campus GIANT. Cette implantation a permis à l'Institut de rayonner et de bénéficier de synergies, notamment avec le laboratoire européen de biologie moléculaire et le synchrotron ERSF, instrument électromagnétique destiné à l'accélération de particules élémentaires.
L'Institut est financé essentiellement par les trois pays fondateurs, pour plus des deux tiers, selon une clé de répartition de 33 % respectivement pour l'Allemagne et le Royaume-Uni et 34 % pour la France. Le reste demeure à la charge de douze pays partenaires scientifiques, tels que l'Inde ou le Danemark. Le budget de l'Institut était d'un peu plus de 100 millions d'euros en 2013.
II. Venons-en au cinquième avenant à la convention
La convention a été modifiée à plusieurs reprises, en 1971, 1974, 1976, 1981, 1993, 2002 et plus récemment le 1er juillet 2013. Or, en votant le projet de loi, vous approuverez non seulement le dernier accord modificatif mais également la convention et ses amendements successifs qui n'ont pas été soumis à l'examen du Parlement. En effet, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat dite « Aggoun », la présente ratification emportera autorisation parlementaire des précédents textes.
Le dernier avenant poursuit un double objectif :
- Prolonger de dix ans le terme de la convention ;
- Mettre en conformité les stipulations de la convention avec la législation sur la gestion des déchets ainsi que sur la couverture des coûts de démantèlement.
En ce qui concerne la prorogation de la convention, le terme actuel fixé au 31 décembre 2013, est reporté jusqu'au 31 décembre 2023.
Le réacteur a, en effet, été mis en marche le 31 août 1971. Il est naturellement soumis aux contrôles de l'Autorité de sûreté nucléaire. Toutes ses structures sont régulièrement remplacées. Ainsi la cuve a été entièrement changée au début des années 1990. Le redémarrage de l'installation « neuve » a été effectué en 1995. Cette cuve a donc actuellement l'équivalent de seulement huit années de fonctionnement à pleine puissance. En outre, un montant de trente millions d'euros a été investi dans le renforcement sismique du bâtiment réacteur.
Quant à une éventuelle explosion du type « Tchernobyl », je vous rassure, elle est écartée en raison de la très petite taille du coeur du réacteur. Celui-ci est constitué de 10 kg d'uranium. Nous sommes bien loin des 190 tonnes du coeur du réacteur de Tchernobyl.
C'est pourquoi, il vous est proposé aujourd'hui d'autoriser cette prorogation qui sera toutefois la dernière. En effet, une nouvelle source de production de neutrons est en cours de construction en Suède. Il s'agit de l'ESS (European spallation source). C'est une technique différente de celle du réacteur. Les neutrons ne sont pas obtenus par fission mais par bombardements des noyaux. Cette nouvelle technologie est financée par 17 pays européens dont la France.
La fin programmée du réacteur à horizon 2023 conduit nécessairement à la question de son démantèlement. C'est aussi l'objet du cinquième avenant. Il vise à mettre en conformité les stipulations conventionnelles avec la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion des déchets radioactifs. Les trois pays fondateurs s'engagent à prendre en charge les coûts de gestion des déchets et du démantèlement, selon la clé de répartition d'origine.
Les pouvoirs publics allemands et britanniques ayant déjà accompli la procédure d'approbation, respectivement fin 2013 et début 2014, il appartient désormais à la France de ratifier cet instrument.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose :
- d'adopter projet de loi n° 570 (2013-2014) autorisant l'approbation du cinquième avenant à la convention du 19 janvier 1967, modifiée par l'avenant du 6 juillet 1971 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne sur la construction et l'exploitation d'un réacteur à très haut flux et modifiée ultérieurement par la convention du 19 juillet 1974 entre les deux Gouvernements susmentionnés et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative à l'adhésion de ce dernier Gouvernement à la convention et par l'avenant du 27 juillet 1976, le deuxième avenant du 9 décembre 1981, le troisième avenant du 25 mars 1993 et le quatrième avenant du 4 décembre 2002 entre les trois Gouvernements susmentionnés et de prévoir son examen en séance publique en forme simplifiée, le 6 novembre.
Puis la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.
Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.