Intervention de Christian Eckert

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 octobre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - Audition de M. Christian Eckert secrétaire d'etat au budget

Christian Eckert, secrétaire d'État au budget :

puisqu'elle remonte à la fin de la législature précédente. Les 21 milliards d'euros d'économies dans ce budget financent une baisse des impôts qui profitera, dans un souci de justice, aux classes moyennes et modestes, à hauteur de 3,2 milliards d'euros.

Notre trajectoire des finances publiques a été revue pour tenir compte de la dégradation macroéconomique. La situation est exceptionnelle : la croissance n'a été que de 0,3 % en 2012-2013 ; elle devrait être de 0,4 % en 2014 ; le redémarrage ne devrait avoir lieu qu'en 2015, avec 1 % de croissance. Plus surprenante est la faiblesse de l'inflation, qui a pris en défaut jusqu'aux analystes les plus aguerris : inférieure depuis trois ans à 1 % - 0,7 % en 2013, 0,5 % en 2014 - elle le sera encore en 2015 puisque la prévision est de 0,9 %. Le Gouvernement a déjà actionné plusieurs leviers, au moyen des emplois d'avenir, de la loi sur la sécurisation de l'emploi, des investissements d'avenir, du CICE, et du pacte de responsabilité et de solidarité.

Mais la conjoncture macroéconomique a un effet direct sur le solde nominal - indicateur le moins mal compris par nos concitoyens. Le retour à un déficit de 3 % du PIB est donc repoussé à 2017 ; le déficit sera de 4,4 % en 2014 et de 4,3 % en 2015. Le déficit structurel, lui, continue à diminuer : il atteint en 2014 son plus bas niveau depuis 2001, et cette tendance se poursuivra pour atteindre l'équilibre structurel, que nous n'avons pas connu depuis la fin des années soixante-dix.

La loi de programmation des finances publiques définit une trajectoire et contient des mesures de gouvernance trop peu souvent débattues. D'abord, elle crée un objectif indicatif d'évolution de la dépense locale, prévision qui servira de repère pour mieux appréhender sa dynamique. Les objectifs budgétaires que vous votez portent sur l'ensemble de la dépense publique, y compris celle des collectivités territoriales. Il est donc normal de perfectionner les outils de pilotage, dans le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Cet objectif est indicatif, j'y insiste : il n'aura pas de portée normative sur la dépense locale.

Deuxième mesure importante : la revue annuelle de certaines dépenses publiques. Entamée dès septembre, ses conclusions vous seront transmises dans un délai de six mois, c'est-à-dire avant le 1er mars 2015. Elles alimenteront, j'en suis sûr, le débat budgétaire.

Enfin, la loi de programmation fixe un taux minimum de mise en réserve des crédits de l'État et de l'objectif national des dépenses d'Assurance maladie (Ondam). Cette réserve de précaution est indispensable pour piloter les dépenses en cours d'année. Comme les années précédentes, elle sera mobilisée en 2014 pour assurer une fin de gestion de qualité. Nous prévoyons de porter ce taux de mise en réserve à 8 % en 2015, contre 7 % en 2014.

J'en viens aux mesures d'économies de 50 milliards d'euros, toutes administrations publiques confondues. Celles relatives à la protection sociale seront débattues dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; certaines, dans le champ de l'Assurance maladie ou de la politique familiale, sont structurantes. S'agissant des collectivités territoriales, la dotation globale de fonctionnement diminuera en 2015 de 3,67 milliards d'euros, et de 11 milliards d'euros d'ici 2017. J'ai déjà évoqué ces chiffres devant les associations d'élus et le Comité des finances locales. L'effort demandé ne porte que sur 1,9 % des recettes réelles de fonctionnement des collectivités territoriales, ou 1,6 % de leurs recettes totales. Les concours de l'État ne représentent en effet que 28 % de leurs recettes réelles de fonctionnement, 60 % étant issues de la fiscalité locale. Cette dernière part de leurs ressources continuera à augmenter, ne serait-ce qu'en raison du dynamisme de certaines assiettes, qui fera plus que compenser la baisse des concours de l'État.

Cette ventilation des ressources est une moyenne : je sais l'hétérogénéité des collectivités territoriales, entre catégories - la situation des communes n'est pas celle des départements ou des régions - et au sein de chacune d'entre elles. Mais la dépense locale continuera à augmenter en valeur sur le triennal à un rythme proche de l'inflation, tandis que les dépenses de l'État diminueront en valeur en 2015 : il est donc faux de dire que l'État prend une part moins importante à la baisse des dépenses que les collectivités territoriales.

La péréquation sera renforcée pour atténuer l'impact de ces décisions sur les collectivités les plus fragiles. À plus long terme, la dotation globale de fonctionnement sera réformée, en étroite concertation avec le Parlement. Cette réforme devra être proposée pour la fin de l'année 2015, afin d'être applicable dès l'année 2016. Un ralentissement de la dépense est nécessaire : la dépense locale ne peut continuer à croître de plus de 3 % par an : elle a progressé de 3,1 % en 2011, de 3 % en 2012, et de 3,2 % en 2013. Certes, cette progression est en partie la conséquence de décisions de l'État, mais la dépense locale n'en a pas moins une dynamique propre, qu'il faut ralentir.

Le Gouvernement a bien conscience des craintes suscitées par ses décisions sur l'investissement local. La baisse des dotations n'a pourtant pas d'impact direct sur celui-ci : en 2013, les dotations de l'État étaient stables, et l'investissement local a progressé de 5,1 %. Nous étions, il est vrai, en période d'élection, il faut donc s'attendre à une prochaine diminution...

Enfin, nous faisons également des économies sur les dépenses de l'État. Le Gouvernement a présenté son budget triennal et les plafonds de crédits par mission lors du débat d'orientation des finances publiques. Le projet de loi de finances a été construit sur cette base ; nous avons, depuis, réparti plus finement les crédits, rebudgétisé certaines dépenses et transféré certaines recettes notamment pour compenser à la sécurité sociale le coût du Pacte de responsabilité. Nous tenons aujourd'hui l'engagement pris lors du débat d'orientation et détaillons les principales mesures qui conduiront à diminuer de 1,8 milliard d'euros en valeur les dépenses des ministères et les ressources affectées aux opérateurs en 2015, et donc à réaliser au total 7,7 milliards d'euros d'économies par rapport à la progression tendancielle des dépenses.

Sur les charges de personnel, 1,4 milliard d'euros seront économisés grâce au maintien du gel du point d'indice, à la stabilisation des effectifs - les créations de postes dans les ministères prioritaires seront plus que compensées par une baisse dans les autres ministères, et même au-delà, puisqu'une baisse de de 1278 équivalents temps plein est prévue - et à une nouvelle réduction des enveloppes catégorielles. Au total, la progression de la masse salariale sera limitée à 0,6 % l'année prochaine, soit une augmentation plus faible que la prévision d'inflation.

En fonctionnement et en investissement, les économies représentent 2,1 milliards d'euros. Nous amplifions les efforts déjà entrepris sur le fonctionnement, par la mutualisation des fonctions support, notamment en matière d'achats, et la poursuite de la maîtrise des dépenses immobilières : plusieurs opérations de regroupement d'implantations parisiennes de ministères seront poursuivies en 2015, et les produits des cessions immobilières dépasseront 500 millions d'euros. En outre, les progrès de l'administration numérique, notables dans les champs fiscal et douanier, seront encouragés et étendus à d'autres domaines.

L'investissement sera préservé autant que le permettent nos objectifs d'économie. Certains projets sont en baisse ; nous assumons une certaine sélectivité, et nous mobilisons les ressources nécessaires au financement des investissements prioritaires. Ce sera le cas en matière de transport, avec l'affectation à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) du péage de transit poids lourds, mais aussi d'une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). L'exécution du programme des investissements d'avenir sera poursuivie, selon un rythme de décaissement identique à celui de 2014, le Gouvernement restant exigeant dans le choix des projets soutenus. Enfin, 2015 sera la première année d'exécution de la nouvelle génération de contrats de plan État-région en cours de discussion.

S'agissant des interventions de l'État, l'exposé général des motifs mentionne une économie de 2,4 milliards d'euros en 2015. Les économies que nous proposons, ministère par ministère, suppriment l'accumulation de dispositifs : les aides à l'agriculture seront mieux articulées avec celles de la politique agricole commune ; les dépenses en faveur de l'outre-mer - qui bénéficie déjà de dépenses fiscales importantes - seront rationalisées ; les exonérations de cotisations sociales dans les zones franches urbaines seront progressivement éteintes ; les aides aux entreprises réformées ; l'accession à la propriété ciblée sur le neuf ; les concours à l'audiovisuel public stabilisés en valeur. Certaines de ces mesures suscitent déjà des réactions, mais c'est la première fois qu'un plan d'économies aussi ambitieux est réalisé sur les dépenses d'intervention de l'État.

Les opérateurs et agences de l'État seront mis à contribution, pour un montant de 1,9 milliard d'euros, dont 1,1 milliard de réductions des taxes affectées. La plupart des agences sont capables de dégager des marges dans leur fonctionnement et leurs interventions. Certaines ont accumulé des trésoreries excédentaires, sur la base des recettes fiscales perçues : ce type de situation ne saurait perdurer. Nombre d'opérateurs seront donc mis à contribution : les chambres de commerce et d'industrie, les chambres d'agriculture, les agences de l'eau, le Centre national pour le développement du sport (CNDS), et certaines autorités administratives indépendantes.

Au total, les dépenses des ministères et les affectations de recettes plafonnées diminueront en 2015 de 1,8 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, ce qui correspond à une baisse en valeur et devrait modérer certaines critiques récurrentes... En tenant compte du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne, qui augmente, la baisse est de 1 milliard d'euros, alors que ces charges auraient progressé spontanément de 6,2 milliards. En incluant la révision du rythme d'exécution des programmes d'investissement d'avenir, les économies atteignent 7,7 milliards d'euros en 2015. Comme le Gouvernement s'y est engagé par souci de transparence, le détail du calcul du tendanciel de la dépense est fourni dans le rapport annexé à la loi de programmation. Très prudent, il est largement partagé par la Cour des comptes.

Ces mesures ambitieuses financeront nos priorités : en faveur de la jeunesse - création de postes dans l'Éducation nationale et à l'université, développement du service civique ; mais aussi de la transition énergétique : le taux du crédit d'impôt en faveur de la transition énergétique passe à 30 % et ses conditions de recours sont assouplies, ce qui représente un effort de près de 700 millions d'euros.

Ces économies nous permettent également de baisser le taux des prélèvements obligatoires, pour la première fois depuis cinq ans. L'article 2 du projet de loi de finances pour 2015 modifie le bas du barème de l'impôt sur le revenu en supprimant sa première tranche. Avec la réforme de l'été dernier, 9 millions de foyers sont concernés, dont 3 millions qui cesseront d'être imposables ou éviteront de le devenir. Pour un célibataire gagnant 1,2 SMIC, l'économie s'élève à 222 euros, soit une baisse d'impôt de 44 %. Un couple de retraités percevant deux fois 1,2 SMIC économisera, lui, 330 euros, soit 22 % d'impôt en moins. Enfin, un couple d'actifs avec deux enfants percevant 3 160 euros par mois verra son impôt sur le revenu passer de 744 euros en 2014 à zéro en 2015.

Nous soutenons également la construction, secteur en crise profonde, en injectant 1,3 milliard d'euros d'aides supplémentaires jusqu'en 2017. Le dispositif d'incitation à l'investissement locatif sera amélioré grâce au mécanisme introduit par Sylvia Pinel, et la cession des terrains à bâtir encouragée par un abattement de 30 % sur les plus-values réalisées, pour un coût de 160 millions d'euros en 2015 et 280 millions d'euros en 2016. Le crédit d'impôt pour la transition énergétique soutiendra quant à lui l'activité de rénovation.

Le déficit de l'État s'établit à 75,7 milliards d'euros en 2015, en diminution de 11,4 milliards d'euros par rapport à la prévision révisée de 87 milliards d'euros pour 2014. La dépense de l'État est tenue. Elle est revue à la baisse en 2014 du fait d'une moindre charge de la dette. En 2015, elle continuera à baisser de 1 milliard d'euros, hors dotations aux collectivités territoriales.

Pour 2014, les recettes fiscales nettes sont revues à la baisse à hauteur de 5,8 milliards d'euros par rapport à la loi de finances rectificative de juillet, en raison du contexte macroéconomique, la faible inflation pesant sur le dynamisme des recettes de TVA. Nos prévisions, volontairement prudentes, suivent les recommandations de la Cour des comptes. Le détail de la méthodologie de prévision des recettes fiscales figure d'ailleurs dans les documents budgétaires, comme le Gouvernement s'y était engagé l'été.

J'en viens à votre question, madame la présidente. Des bruits courent en effet sur un éventuel refus de la Commission européenne à l'égard de ce budget. La transmission de notre projet de plan budgétaire est prévue pour le 15 octobre. Convenez que nous n'y sommes pas encore.

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