Ce n'est pas la première place que j'ambitionne pour la France... Les taux sont très bas, et le gouverneur de la Banque de France nous a indiqué qu'ils vont sans doute remonter. Fabienne Keller avait demandé quel serait l'impact d'une hausse des taux de 100 points de base : elle coûterait 2,4 milliards d'euros la première année, beaucoup plus les années suivantes, et deviendrait insupportable dès 2017, avec un surcoût de 7,4 milliards d'euros. Nous vivons actuellement dans une illusion budgétaire, grâce à des taux d'intérêt très bas. Le meilleur ami de la France aujourd'hui, c'est la finance - pour combien de temps ?
Parmi les mesures importantes du volet recettes du projet de loi de finances figure la réforme de l'impôt sur le revenu visant à réduire la charge pesant sur les revenus modestes. Elle combine trois mesures : la première, la revalorisation des seuils du barème de 0,5 % est classique. Deux autres mesures sont moins classiques : un renforcement de la décote accompagné de la création d'une décote conjugale, et la suppression de la tranche à 5,5 % accompagnée de l'abaissement du seuil d'entrée dans la tranche à 14 %, à 9 690 euros. Ces mesures entraînent une perte de recettes totale de 3,2 milliards d'euros, dont 2,2 milliards d'euros pour la seule refonte de la décote. Elles aggravent l'hyper-concentration de l'impôt sur le revenu, acquitté par moins de la moitié des foyers fiscaux.
Les articles 4 à 7 concernent la construction de logements, qu'ils entendent favoriser en libérant du foncier grâce à une réforme des plus-values et à un aménagement temporaire des droits de mutation. Le dispositif « Pinel » remplace le « Duflot », et l'application d'un taux réduit de TVA est censée contribuer à l'accession sociale à la propriété. En un mot, nous sommes tombés sur la tête : l'instabilité fiscale est permanente, chaque ministre du logement voulant attacher son nom à un dispositif, quitte à revenir sur celui de son prédécesseur. On modifie en permanence le régime des plus-values et celui des droits de mutation... Et tout cela sans aucune efficacité car la France n'a jamais aussi peu construit. Les droits de mutation sont à un niveau historiquement faible. Le système est bloqué. Comment les contribuables pourraient-ils vouloir investir, alors qu'ils n'ont aucune visibilité ?
Cette situation inquiétante du bâtiment et des travaux publics explique une part importante de notre écart de croissance avec l'Allemagne : l'Insee estimait fin juin qu'elle devrait nous coûter 0,4 point de PIB en 2014, et je ne suis pas certain que les mesures proposées y remédient.
L'Assemblée nationale a procédé à des ajustements sur les dispositions relatives aux finances des collectivités territoriales. Elle a « sorti » le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) de « l'enveloppe normée » - c'est l'aboutissement d'un vieux combat que nous menions au comité des finances locales, en considérant que la compensation de la TVA n'est pas une dotation - et elle a augmenté le taux de remboursement de 4 %.
Le Gouvernement a annoncé la création d'un fonds de soutien à l'investissement local. On s'en réjouirait, s'il était financé par des recettes extérieures. Il le sera en réalité par la suppression des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). Autant dire que cette dotation en trompe-l'oeil sera prise aux communes pauvres qui bénéficiaient de la péréquation !
Les députés enfin ont augmenté de 99 millions d'euros la dotation de solidarité urbaine (DSU) au profit des 250 communes les plus pauvres. C'est encore un tour de passe-passe, puisque cette augmentation sera entièrement financée par les autres collectivités, au sein de la DGF et sur les variables d'ajustement.
Nous aurons l'occasion de revenir sur l'ensemble de ces éléments lors des débats relatifs au projet de loi de finances pour 2015.
Pour conclure, je rappelle que nous entendrons cet après-midi Michel Sapin sur les engagements de la France pour le G20 : il faudra l'interroger sur le détail des mesures annoncées par voie de presse pour réaliser 3,6 milliards d'euros d'économies supplémentaires. Si le Gouvernement entendait modifier sa trajectoire par des amendements à ses propres textes, il conviendrait, par respect pour les droits du Parlement, que la loi de programmation qui sera examinée demain soit corrigée.