Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 novembre 2014 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Examen des principaux éléments de l'équilibre - tome i du rapport général

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

La prévision d'une croissance de 0,7 % a été livrée hier par la Commission européenne. Cette révision aboutit par un effet de base, à une moins-value d'environ quatre milliards d'euros pour les recettes. Être optimiste est parfois dangereux, compte tenu de la sensibilité de la TVA et des dépenses sociales à la conjoncture.

La suppression en 2015 des FDPTP, prévue par le texte de l'Assemblée nationale, est une question sensible, en particulier dans les départements dotés d'installations nucléaires ou autres établissement procurent des recettes fiscales importantes pour les collectivités territoriales. Les 423 millions d'euros correspondants iront au Fonds de soutien à l'investissement local : nous en discuterons lors de l'examen du projet de loi de finances.

La baisse des recettes fiscales évoquée par Fabienne Keller et François Marc s'explique certes par des effets conjoncturels, mais nous sommes nombreux à considérer qu'elle résulte aussi d'un phénomène de saturation. On peut citer l'exemple des cotisations sociales des particuliers employeurs. Notre niveau de prélèvements obligatoires, supérieur de près de cinq points à la moyenne des pays de l'Union européenne, est responsable de tels effets d'érosion.

Le risque récessif dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) est particulièrement inquiétant, surtout si les collectivités n'investissent plus du fait de la baisse de leurs dotations. Cette question sera extrêmement sensible lorsque nous examinerons, au Sénat, le projet de loi de finances.

François Marc fait crédit au Gouvernement de sa maîtrise des dépenses, or celui-ci a surtout mis en oeuvre des expédients - rogner les fonds de roulement des opérateurs, c'est facile, mais c'est un « fusil à un coup » - au détriment des réformes de structure... De même sur les dépenses d'intervention, aucun choix courageux n'a été fait. On rabote les plafonds d'emplois, mais on continue à augmenter le nombre de postes dans l'éducation nationale.

J'avais présenté des graphiques commençant en 2002 dans mon rapport sur la loi de programmation. On y voyait clairement que l'année du déclenchement de la crise, la France, comme tous les pays européens, avait injecté de l'argent public dans un plan de soutien à l'investissement. La dégradation du déficit budgétaire a été générale.

Les « organismes concourant à une mission de service public » dont le plafond de taxe affectée serait réhaussé, pour un montant total de 132,5 millions d'euros, sont l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH), l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), le Centre national de la chanson des variétés et du jazz (CNV), la Société du grand Paris, le Centre technique des industries mécaniques... Les diminutions touchent les chambres de commerce et d'industrie (CCI), pour 213 millions d'euros, l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour 21 millions d'euros, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour 40 millions d'euros, etc.

La maturité moyenne de la dette est relativement stable, près de huit ans. L'Agence France Trésor a légèrement accru ses émissions à plus de trente ans ; elle trouve facilement des investisseurs. Je suis entièrement d'accord avec Michel Bouvard sur le logement. La multiplicité des dispositifs, reposant sur de la dépense budgétaire, de la dépense fiscale, des financements des collectivités et d'organismes divers ou encore de l'épargne réglementée, rend ceux-ci totalement illisibles. La commission des finances ferait oeuvre utile si elle se penchait sur les sommes que la France consacre au logement : considérables par rapport à ce que font d'autres pays, elles ne semblent pas employées efficacement. Le raccourcissement de la maturité de la dette concerne effectivement la dette sociale gérée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). J'ai évoqué avec le gouverneur de la Banque de France le risque de déflation. À la différence de celle de la France, la dette du Japon est détenue par des investisseurs domestiques ; ce pays est donc bien moins exposé que nous à une hausse des taux d'intérêt. Quelle deviendra l'attitude de nos créanciers lorsque notre dette atteindra 100 % du PIB ?

Nous reviendrons lors du débat en séance sur la capacité d'investissement des collectivités territoriales. Quant aux familles, il serait intéressant de comparer l'évolution des prélèvements auxquels sont soumis les différents types de foyers fiscaux, et les effets réels de ces hausses sur leur situation.

Le rendement de l'impôt sur le revenu a augmenté de 35 % entre 2011 et 2015 en raison, notamment, de la fiscalisation des heures supplémentaires, la soumission des revenus du capital au barème progressif, de la non revalorisation du barème, les abaissements successifs du quotient familial, etc. Si certaines hausses de l'impôt sur le revenu résultent de mesures antérieures à la présente législature - comme la suppression de la « demi-part des veuves » -, il n'en demeure pas moins que l'essentiel des augmentations constatées découlent des textes financiers adoptés en 2012 et 2013.

La revalorisation des bases figurera dans le collectif budgétaire, mais nous n'en connaissons pas encore le coefficient. Je n'ouvrirai pas le débat sur la péréquation ce matin, gardons ce sujet pour la séance publique.

La faible croissance qui nous attend pour 2015 appelle des décisions courageuses, les coups de rabot ne suffisent pas. Il est temps de prendre des mesures transversales sur les effectifs dans la fonction publique, de procéder à des réformes de structure sur les dépenses d'intervention. La dépense est aujourd'hui stabilisée, j'en conviens. Il n'en faudra pas moins revenir sur certaines politiques. Nous ferons des propositions en séance publique. Le Gouvernement a évoqué des revues de dépenses ; précisément, nous voulons savoir quelle est l'efficacité exacte des politiques de logement, de la formation professionnelle, du budget de l'éducation nationale, trois domaines qui engloutissent des sommes considérables.

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