Intervention de Ségolène Royal

Réunion du 10 février 2015 à 14h30
Transition énergétique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, que j’ai l’honneur de vous présenter et de soumettre à votre discussion, porte une haute ambition pour la France.

Il met en place des outils concrets, pragmatiques et accessibles à chacun, afin de réussir, ensemble, à faire de notre pays une puissance écologique performante qui améliore la vie quotidienne de tous les Français et crée des emplois, tout en contribuant plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique, dont les menaces n’épargnent aucun continent.

Je tiens à remercier les présidents et les membres des commissions des affaires économiques, du développement durable, de la culture et des finances de la qualité de leur engagement dans la préparation du débat qui s’ouvre aujourd’hui. Je salue évidemment aussi les rapporteurs des différentes commissions, ainsi que les orateurs et chefs de file des groupes, notamment MM. Jean-Pierre Bosino, Jacques Mézard, Didier Guillaume et Ronan Dantec, qui se sont très attentivement penchés sur ce texte.

Vous le savez, le 14 octobre dernier, l’Assemblée nationale a adopté à une large majorité le projet de loi dont vous êtes saisis.

J’attends beaucoup des travaux de la Haute Assemblée pour enrichir les acquis de cette première lecture, au regard des territoires que vous représentez. Nous devons bâtir ensemble les convergences les plus constructives autour d’objectifs d’intérêt général que je crois dignes de nous rassembler en cette année cruciale pour le climat.

Ce projet de loi vise à atteindre cinq objectifs.

Premièrement, réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour reprendre en main notre destin climatique.

Deuxièmement, mieux garantir notre indépendance et notre souveraineté énergétiques en préparant l’après-pétrole et en réduisant le coût de nos importations, qui grèvent lourdement et structurellement notre balance commerciale.

Troisièmement, saisir la chance de la croissance verte pour stimuler l’innovation, améliorer la compétitivité de nos entreprises, développer des activités nouvelles et des filières d’avenir créatrices d’emplois non délocalisables.

Quatrièmement, protéger le pouvoir d’achat et la santé des Français en améliorant leur bien-être ; je pense aux transports propres.

Cinquièmement, et enfin, doter notre pays d’une législation qui serait l’une des plus avancées du monde, car elle serait la plus complète.

Vous le savez, la France se mobilise pour la Conférence Paris Climat 2015, qu’elle accueillera au mois de décembre prochain. Elle doit donc être exemplaire chez elle pour convaincre et entraîner les autres pays. L’ambition de ce projet de loi est de nous en donner les moyens.

Vous allez légiférer dans un domaine où tout se tient et dont les enjeux sont étroitement imbriqués : l’économie et l’écologie, dont le texte qui vous est soumis organise la réconciliation, le changement climatique et la biodiversité, le temps présent et les temps à venir, le local et le global…

Dans ce domaine passionnant, ceux qui réussiront seront ceux qui auront su accélérer à temps ; ceux qui garderont la main sur le frein seront les grands perdants d’une mutation déjà en marche qui se fera sans eux. Mais j’ai confiance dans notre capacité à faire les choix justes. Je vois tous les jours combien le mouvement pour une croissance verte gagne du terrain et combien l’intelligence collective des territoires multiplie les réalisations innovantes et probantes.

Permettez-moi de rappeler brièvement ici dans quelle histoire au long cours s’inscrit le projet de loi dont nous allons débattre. En effet, depuis un siècle, la modernisation de la France a été indissociable des grands choix énergétiques.

Ce fut le cas après la Première Guerre mondiale – il fallait en réparer les ravages –, avec la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique. Cette « houille blanche », comme l’on disait alors, est aujourd’hui encore la première de nos énergies renouvelables.

Ce fut le cas à la Libération, quand le pays était à reconstruire au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Le Conseil national de la Résistance avait alors fait de l’énergie la clef d’un nouveau développement économique et du rétablissement de notre souveraineté nationale. Les lois de 1946 en apportèrent les moyens, dans le contexte de l’époque, avec la création de puissantes entreprises nationales pour le charbon, le gaz et l’électricité.

C’est avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier que l’Europe a commencé à se construire. Dans les années soixante-dix, quand le premier choc pétrolier révéla la vulnérabilité liée à notre dépendance aux énergies fossiles, la France lança un programme nucléaire d’une rapidité et d’une ampleur inégalées dans le monde.

L’association du Parlement à ces grandes décisions fut, reconnaissons-le, très marginale.

Le projet de loi qui vous est présenté rend à la nation la maîtrise de son destin énergétique. Il met dans vos mains la définition de notre politique de l’énergie jusqu’en 2020, 2030 et 2050, avec des programmations pluriannuelles de l’énergie pragmatiques et révisables. Surtout, il associe les territoires, les entreprises et les citoyens, qui auront ainsi la base juridique stable pour voir clair et s’engager.

Durant les dernières décennies, le Parlement a plus souvent légiféré sur les questions d’énergie. Il a de plus en plus intégré la dimension environnementale, qui en est indissociable.

Je tiens à saluer l’action de tous mes prédécesseurs, dont Mme Chantal Jouanno, qui siège au sein de la Haute Assemblée. Quelles qu’aient été leurs sensibilités politiques, toutes et tous ont tracé le sillon. Le travail du Parlement l’a montré, bien des objectifs peuvent être partagés en ces domaines, sans sectarisme, ni considérations étroitement partisanes. Bien des efforts peuvent converger, et l’unité prévaloir.

À cet égard, le Grenelle de l’environnement, qui a été si ardemment voulu par Nicolas Hulot et piloté avec conviction par Jean-Louis Borloo, a été un moment d’une vraie richesse ; l’œuvre qui nous rassemble aujourd'hui s’inscrit dans cette perspective.

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