Il en va de même du débat national sur la transition énergétique. Le présent projet de loi marque une nouvelle étape. Pour le construire, je me suis appuyée sur toutes les parties prenantes de la transition énergétique et sur ce qui se fait de mieux dans nos entreprises et dans nos territoires.
Le 29 janvier dernier, je participais aux Assises de l’énergie à Bordeaux. J’ai constaté la mobilisation des villes, des territoires et de leurs élus de tous bords, ainsi que leur intelligence partagée des enjeux énergétiques et climatiques, leur envie d’agir et d’entraîner le pays tout entier. M. le maire de Bordeaux m’a remis, au nom des acteurs concernés, l’appel des collectivités pour agir vite dans la transition énergétique.
Hier, j’ai rendu publics les noms des 218 lauréats de l’appel à projets « territoires à énergie positive pour la croissance verte ». Je l’avais lancé au mois de septembre 2014 pour aider les initiatives les plus innovantes mettant en pratique et combinant sur le terrain différentes orientations du présent projet de loi : économies d’énergie dans les logements, les bâtiments et l’espace publics ; transports propres ; gestion durable des déchets et économie circulaire ; production locale d’énergies renouvelables ; préservation de la biodiversité et des paysages ; urbanisme durable ; bâtiments à énergie positive, développement de l’éducation à l’environnement et de l’écocitoyenneté.
Je l’avoue, j’ai moi-même été agréablement surprise par le nombre des candidatures reçues : plus de 500 territoires, émanant de 21 000 collectivités et groupements de collectivités de toutes tailles, se sont positionnés.
Ces projets multidimensionnels, localement très fédérateurs, bénéficieront d’un appui renforcé et de financements dédiés, issus notamment du Fonds de financement de la transition énergétique.
Preuve également de cette mise en mouvement dynamique et créative, les 58 lauréats de l’appel à projets « territoires zéro gaspillage, zéro déchet » ou encore les 162 dossiers qui seront accompagnés par les services du ministère de l’écologie dans le cadre des contrats régionaux de la transition énergétique.
Bref, le mouvement est lancé. Notre pays et toutes ses forces vives font preuve d’une belle réactivité. Mesdames, messieurs les sénateurs, les territoires dont vous êtes les représentants me trouveront toujours à leurs côtés pour aller de l’avant. Mais ils attendent une impulsion ; c’est le rôle de la loi que nous sommes en train de coconstruire.
Comment agir efficacement en articulant les enjeux globaux, ceux du changement climatique et de la raréfaction des ressources, et les enjeux locaux, ceux de l’emploi et de la qualité de vie au quotidien ? D’abord en traçant d’abord un cap clair et en donnant au pays un horizon stable pour agir dès maintenant.
C’est pourquoi le projet qui vous est soumis fixe des objectifs à moyen terme. Premièrement, réduire de 50 % notre consommation énergétique finale en 2050 par rapport à 2012. Deuxièmement, baisser notre consommation d’énergies fossiles de 30 %. Troisièmement, réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre en 2030 et les diviser par quatre en 2050. Quatrièmement, rééquilibrer notre modèle énergétique en portant la part des énergies renouvelables à 32 % de notre consommation énergétique en 2030 et en réduisant la part du nucléaire dans la production d’électricité.
Je me réjouis de l’important travail réalisé par les commissions du Sénat en la matière, notamment sur la réduction de notre consommation d’énergie et le rééquilibrage de notre mix énergétique. Je souhaite évidemment une convergence sur les objectifs fondamentaux de ce texte.
Les titres II à IV créent de puissants outils pour économiser l’énergie dans les bâtiments, dans les transports et par le développement de l’économie circulaire.
La rénovation énergétique des bâtiments est prévue au titre II. C’est un levier majeur de créations d’emplois dans un secteur aujourd’hui fragilisé, qui attend impatiemment la mise en œuvre de cette loi. C’est aussi un gain de pouvoir d’achat pour les ménages : un logement bien isolé, ce sont des factures qui baissent ! C’est enfin, avec des bâtiments et des espaces publics moins énergivores, une source d’économies pour les budgets des collectivités locales.
Le développement des transports propres, objet du titre III, est indispensable pour réduire notre consommation d’énergies fossiles, améliorer la qualité de l’air, donc mieux protéger la santé de tous. Le projet de loi prévoit notamment l’acquisition d’au minimum un véhicule électrique ou hybride rechargeable sur deux lors du renouvellement des parcs de voitures dans le secteur public et l’implantation de 7 millions de points de charge d’ici à 2030, avec un objectif de 10 % d’énergies renouvelables dans tous les modes de transport en 2020.
Le titre IV vise à renforcer la lutte contre toutes les formes de gaspillage : il y a là un gisement d’économies dont nous ne mesurons souvent pas l’ampleur.
Dans cet esprit, tous les ministères se doteront dès cette année d’un plan « administration exemplaire », avec un objectif de diminution de la consommation énergétique de 20 % à 30 %.
Le projet de loi consacre l’entrée dans notre droit positif de la notion d’économie circulaire, qui va de l’écoconception des produits à leur recyclage, notamment dans le cadre de complémentarités entre les entreprises, pour faire des déchets des unes la matière première des autres.
Il vise notamment la diminution de moitié, à l’horizon 2025, des déchets mis en décharge et la valorisation de 70 % des déchets du bâtiment, comme c’est déjà le cas en Allemagne. Il affirme le principe de proximité : le traitement des déchets doit s’effectuer aussi près que possible de leur lieu de production.
Le titre V organise la montée en puissance des énergies renouvelables. Éolien, solaire, hydroélectricité, biomasse, géothermie, énergies marines, dont l’énergie thermique des mers qui est actuellement expérimentée dans nos outre-mer : toutes les ressources de nos territoires doivent être valorisées pour diversifier notre bouquet énergétique et créer des emplois non délocalisables.
La France doit devenir un leader de la production d’électricité en mer, en particulier de l’éolien offshore, filière très prometteuse pour notre pays, qui a déjà lancé six grands chantiers en réponse à des appels d’offres du ministère de l’écologie. Nous disposons d’industriels technologiquement très en pointe, et le secteur représente un potentiel, avec à court terme de nombreux emplois directs et indirects ancrés dans les territoires.
Le projet de loi vise à moderniser les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables et à améliorer les procédures d’appels d’offres pour accélérer le mouvement et développer des filières industrielles compétitives dans une perspective d’intégration progressive au marché et d’offensive à l’exportation, où la compétition fait rage. Il tend à renforcer la conditionnalité de l’aide financière apportée aux énergies vertes et à faciliter l’implication des communes et de leurs groupements dans la production locale d’énergies renouvelables, ainsi que le financement coopératif, afin de faire vivre, dans les territoires, une nouvelle citoyenneté énergétique.
Nous aurons des débats sur la question des cultures énergétiques dédiées à la méthanisation. Vos commissions ont souhaité, par exemple, retenir une rédaction plus souple que celle de l’Assemblée nationale, ce qui me semble opportun, au moins à titre transitoire, compte tenu des difficultés économiques que connaît cette filière.
Le texte qui vous est soumis rénove également, ce qui était attendu par de nombreux élus, le régime des concessions hydrauliques, en l’harmonisant à l’échelle des grandes vallées et en créant des sociétés d’économie mixte qui permettront de mieux associer les collectivités territoriales à la gestion des usages de l’eau.
Le titre VI, dont vous avez validé les orientations, renforce la sûreté nucléaire, la transparence et l’obligation d’information des riverains, et plus largement des citoyens. Il prévoit, notamment, que le démantèlement d’une installation interviendra le plus tôt possible après l’arrêt de celle-ci et vise à renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Pour accélérer le tournant de la croissance verte, le titre VII clarifie et simplifie les procédures, afin de gagner en efficacité et en compétitivité. Il complète le dispositif du marché de capacité et rend plus transparente la méthode de construction des tarifs règlementés de vente de l’électricité et les règles d’utilisation des réseaux publics d’électricité, pour inciter aux investissements nécessaires et à l’amélioration de la qualité du service. Enfin, il tient compte des spécificités des entreprises électro-intensives, afin de mieux protéger leur compétitivité. Ces sujets feront débat entre nous.
Je crois toutefois possible que nous parvenions à un bon compromis sur la question des implantations d’éoliennes, par exemple, en permettant d’associer efficacement les territoires à leur développement sans ralentir le rythme des projets, tout en protégeant le patrimoine architectural et paysager de notre pays.
Pour donner aux citoyens, aux collectivités et à l’État le pouvoir d’agir ensemble dans la même direction, le titre VIII crée de nouveaux instruments de programmation cohérente de l’énergie et de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, à l’échelle locale et nationale : budgets carbone, stratégie nationale bas carbone et programmation pluriannuelle de l’énergie.
Le projet de loi améliore la gouvernance de la contribution au service public de l’électricité, afin de mieux en maîtriser les charges et de faciliter le contrôle du Parlement. Votre commission des finances soulève sur cette contribution des questions légitimes, auxquelles je m’efforcerai de répondre lors de la discussion des articles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis renforce les instruments de pilotage du nouveau modèle électrique dont dispose l’État, en plafonnant à son niveau actuel notre capacité de production nucléaire et en instaurant pour tout exploitant produisant plus du tiers de la production électrique nationale un plan stratégique précisant les actions qu’il s’engage à mettre en œuvre pour respecter les objectifs de diversification de la production électrique inscrits dans notre programmation pluriannuelle de l’énergie, dont vous maîtriserez la montée en charge.
Si le niveau et le rythme du plafonnement ne font pas consensus encore entre nous, son principe n’est toutefois pas mis en cause. Nous disposons là d’une bonne base pour discuter ensemble et échanger nos idées.
Plusieurs articles renforcent le rôle des territoires dans la transition énergétique et reconnaissent un droit à l’expérimentation de boucles locales fédérant les producteurs et les consommateurs dans le cadre d’une production décentralisée de l’énergie, ainsi que la possibilité d’un déploiement expérimental de réseaux électriques intelligents, dans une perspective de développement de l’autoconsommation ou de construction de villes et de quartiers intelligents, avec tous les savoir-faire que la France doit pouvoir développer.
Ce titre prévoit également la création d’un « chèque énergie » traitant équitablement l’ensemble des énergies pour lutter contre la précarité énergétique. Je salue d'ailleurs les améliorations apportées par la commission des affaires économiques du Sénat à ce dispositif qui est très attendu.
Enfin, le projet de loi reconnaît pleinement la spécificité et le potentiel des outre-mer : les difficultés résultant de la non-interconnexion nous poussent à innover et peuvent se transformer en avantages pour que les territoires ultra-marins deviennent l’avant-garde de la transition énergétique et mettent le cap sur une autonomie énergétique fondée sur leurs propres sources renouvelables. Dans ces territoires où le chômage frappe durement, puisqu’il atteint 40 %, voire 50 % des jeunes, ces nouvelles filières constituent évidemment des atouts majeurs en termes de création d’activités et d’emplois non délocalisables.
Dans cette perspective, il s’agit non plus, pour les outre-mer, de « rattraper » un modèle à bout de souffle, mais, au contraire, d’anticiper et même de devancer, grâce à la valorisation de leurs atouts, le changement de modèle dont la croissance verte doit être le moteur dans tout le pays.
Dans des territoires où un jeune sur deux est aujourd’hui sans activité, je crois profondément qu’un tel changement de regard et d’approche permettra de créer des activités nouvelles, des emplois durables et un nouvel espoir.
J’en viens aux moyens que le Gouvernement entend consacrer à ces priorités.