Intervention de Ladislas Poniatowski

Réunion du 10 février 2015 à 14h30
Transition énergétique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Ladislas PoniatowskiLadislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques :

En matière de rénovation des bâtiments, les aides octroyées obéissent par exemple à trois principes : une exigence de performance des rénovations, une progressivité des aides en fonction de l’ambition du projet, le contrôle par un expert des travaux réalisés. Vous noterez au passage, mes chers collègues, que les aides sont attribuées sans condition de ressources, ce qui explique une bonne partie de leur efficacité...

Nous avons fait un choix différent et préféré multiplier les dispositifs de financement des travaux de rénovation : écoprêt à taux zéro – éco-PTZ –, crédit d’impôt pour la transition énergétique, taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation ou encore aides de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, dans le cadre du programme « Habiter mieux ». Le projet de loi y ajoute deux nouveaux outils : sociétés de tiers financement et fonds de garantie de la rénovation énergétique dont les ressources affectées restent à définir.

En complément, il est prévu, vous l’avez rappelé, madame la ministre, la constitution d’un fonds de la transition énergétique doté de 1, 5 milliard d’euros sur trois ans, et dont on ne sait pas aujourd’hui, là encore, comment il sera financé, tandis que les autres ressources évoquées consistent à réserver ou à flécher des enveloppes existantes vers la transition énergétique.

Madame la ministre, il faudra que vous nous éclairiez sur ce financement, car, en l’état, il est à craindre que les mesures proposées ne soient pas à la hauteur des ambitions affichées par le texte, et ce dans un contexte où chaque euro compte pour nos compatriotes.

Mes chers collègues, nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles, mais je souhaiterais vous présenter, brièvement, les principaux apports de notre commission. J’ajoute au passage que nous avons, dans un souci de simplification partagé notamment par nos collègues de la délégation aux collectivités territoriales, cherché à limiter au strict nécessaire notre « créativité normative » : alors que le texte était passé, lors de son examen à l’Assemblée nationale, de 64 à 173 articles, nous avons contenu cette inflation à 186 articles.

Concernant le titre Ier relatif aux objectifs, outre les propositions déjà évoquées, nous avons précisé et encadré le relèvement progressif de la part carbone, pour ne viser que les énergies fossiles et prévoir sa stricte compensation par la baisse d’autres impôts ou taxes. Sur ce point, madame la ministre, nous avons suivi vos prescriptions : il faut que la fiscalité écologique soit incitative et non punitive !

Nous avons modulé la réduction des énergies fossiles en fonction de leurs émissions respectives de gaz à effet de serre et décliné l’objectif de développement des énergies renouvelables par grands secteurs, tout en ajoutant un objectif sur le gaz renouvelable.

Le titre II consacré aux bâtiments constitue un volet important du texte. Cette partie a été considérablement enrichie à l’Assemblée nationale, puisque le nombre d’articles y a été multiplié par cinq.

Le projet de loi fixe deux objectifs sur lesquels la commission n’est pas revenue : la rénovation de 500 000 logements par an à partir de 2017 et la rénovation, avant 2030, des bâtiments privés résidentiels consommant plus de 330 kilowattheures d’énergie primaire, soit les classes F et G.

L’obligation d’une isolation par l’extérieur des bâtiments et la possibilité de déroger aux règles d’urbanisme pour réaliser cette isolation, prévues aux articles 3 et 5, ont suscité de nombreuses inquiétudes chez les professionnels et les associations de défense du patrimoine que j’ai auditionnés. Notre commission a choisi de donner aux maires la possibilité d’accorder de telles dérogations. Elle a également souhaité ne pas imposer une technique particulière d’isolation lors d’un ravalement important de façade.

Nous avons, par ailleurs, précisé les missions et la composition du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, voulu par le Gouvernement dès le mois de juin dernier.

Le texte prévoit aussi la création d’un carnet numérique de suivi et d’entretien du logement contenant toutes les informations utiles à la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration de la performance énergétique du logement. Notre commission a apporté des précisions sur ce carnet, qui contiendra des informations non seulement sur le logement, mais aussi sur les parties communes lorsque le logement est situé dans une copropriété. On y trouvera, par exemple, les différents diagnostics obligatoires que les particuliers doivent déjà réaliser, notamment le diagnostic de performance énergétique et l’état de l’installation intérieure d’électricité ou de gaz.

L’information des particuliers en matière de travaux de rénovation énergétique est également un point important.

Ainsi, le texte prévoit la mise en place des plateformes territoriales de la rénovation énergétique, chargées d’apporter des conseils gratuits et indépendants aux consommateurs sur la réglementation et sur les aides auxquelles ils peuvent prétendre. Notre commission a prévu qu’elles seraient prioritairement mises en œuvre à l’échelle intercommunale, ce qui permettra de s’appuyer sur des structures qui existent déjà, notamment à l’échelon départemental.

Nous avons encore précisé que, dans le cadre des contrats de prestation visant à améliorer la performance énergétique d’un bâtiment, le prestataire souhaitant s’engager devrait le faire sur un niveau de performance énergétique ou environnementale.

Plusieurs dispositions concernent les dispositifs d’individualisation des frais de chauffage et d’électricité. Notre commission a modifié directement le droit en vigueur pour instaurer un régime de sanctions administratives en cas de manquement à l’obligation d’installation de systèmes de comptage de la consommation de chaleur, d’électricité et de gaz.

La commission n’est pas revenue sur le dispositif de mise à disposition des consommateurs d’électricité et de gaz bénéficiant des tarifs sociaux des données de consommation au moyen d’un dispositif déporté d’affichage en temps réel, mais elle a précisé les modalités d’accès, pour le propriétaire ou le gestionnaire d’un immeuble qui réalise des travaux d’amélioration, aux données de consommation des occupants de l’immeuble.

En ce qui concerne la garantie décennale, nous avons supprimé la disposition prévoyant son application en cas de non-respect de la réglementation thermique et apporté quelques précisions sur la notion d’impropriété à la destination en matière de performance énergétique.

Le titre V vise, quant à lui, à favoriser le développement des énergies renouvelables : pour cela, toute une série de dispositifs, dont notre commission a approuvé la philosophie générale, est mise en place.

Ainsi, l’article 23 prévoit la création d’un nouveau mécanisme de soutien financier fondé sur la vente directe de l’électricité sur le marché assortie d’une prime, appelée « complément de rémunération ».

Sur ce point, notre commission a notamment clarifié la notion de puissance installée, prévu la prise en compte des frais des contrôles à la charge des producteurs dans les conditions d’achat et du complément de rémunération, réaffirmé le caractère transitoire de ce complément ou encore sécurisé la période transitoire avant l’entrée en vigueur effective du dispositif.

En matière d’investissement des collectivités dans les sociétés de production d’énergie renouvelable, nous avons étendu, à l’article 26, cette possibilité aux départements et aux régions et visé aussi les sociétés par actions simplifiées, et élargi, à l’article 27, le financement participatif des sociétés de projet au financement en dette.

Notre commission a, par ailleurs, supprimé l’article 27 ter, introduit à l’Assemblée nationale, qui prévoyait le doublement du plafond de rémunération du capital prêté aux coopératives de production d’énergie renouvelable, au motif que cette disposition est contraire au principe coopératif de lucrativité limitée.

Aux articles 27 quater et 27 quinquies, nous avons supprimé l’exclusion des activités de production photovoltaïque non subventionnées du bénéfice des réductions d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune au titre des investissements au capital des PME et étendu le principe de non-cumul entre avantage fiscal et aide publique aux activités bénéficiant d’un complément de rémunération.

À l’article 29, notre commission a complété la composition du comité de suivi de l’exécution de la concession et de la gestion des usages de l’eau et étendu les cas où sa création est de droit.

Les articles 28 et 29 apportent aussi deux nouveautés bienvenues sur l’économie générale desquelles notre commission n’a pas souhaité revenir : la possibilité de regrouper les concessions hydroélectriques par vallée, qui permettra d’optimiser l’exploitation des installations, et celle de créer des sociétés d’économie mixte hydroélectriques, grâce auxquelles les collectivités qui le souhaitent pourront être mieux associées à la gestion de la ressource.

Mes chers collègues, le titre VI vise à renforcer la sûreté nucléaire et l’information des citoyens. À l’article 32, qui encadre la cessation d’activité et le démantèlement d’une « installation nucléaire de base », notre commission a différencié le calendrier selon la complexité du site et amélioré l’information des acquéreurs de terrains ayant accueilli une telle installation.

Concernant le titre VII, notre commission était saisie au fond du chapitre II consacré à la régulation des réseaux et des marchés, qui comporte des mesures essentiellement techniques, mais importantes, telles que l’assouplissement des règles du marché de capacité ou la consécration de la méthode dite « économique » de calcul des tarifs réglementés de vente et du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, ou TURPE.

En la matière, notre commission a notamment encadré l’indemnité qui peut être due en cas de changement de fournisseur, soutenu le développement des solutions de stockage et notamment des stations de transfert d’énergie par pompage, les STEP, en revenant sur leur double imposition au TURPE, ou encore renforcé les compétences du nouveau comité du système de distribution publique d’électricité introduit par l’Assemblée nationale.

Concernant l’article 43 qui prévoit la possibilité de moduler le TURPE en faveur des industriels électro-intensifs au profil de consommation stable ou anticyclique – une mesure essentielle pour maintenir la compétitivité de ces entreprises –, nous avons cherché à donner à la Commission de régulation de l’énergie une base juridique solide pour porter le niveau de réduction à la hauteur de celui qui est mis en œuvre en Allemagne.

Afin de renforcer encore la compétitivité de ces entreprises, nous avons par ailleurs demandé au Gouvernement, à l’article 44 ter, de réfléchir à la compensation des coûts indirects du CO2 en faveur des secteurs exposés à un risque significatif de fuite de carbone.

Aux articles 44 et 44 bis, qui permettent de moduler le TURPE pour favoriser la baisse des consommations à la pointe, notre commission a encore adapté le dispositif pour prendre en compte les spécificités du système gazier.

Enfin, le titre VIII met en place de nouveaux outils de gouvernance et de pilotage de la politique énergétique – stratégie bas carbone et programmation pluriannuelle de l’énergie –, qui sont pertinents au regard de la nécessité de disposer d’une vision à moyen et long termes dans un secteur fortement capitalistique où les décisions d’investissement engagent parfois pour des décennies.

S’agissant de la stratégie bas carbone, nous avons en particulier cherché à en renforcer certains aspects, tout en prévoyant la prise en compte de la spécificité du secteur agricole, au travers notamment de l’exclusion du méthane entérique.

En matière de contribution au service public de l’électricité, ou CSPE, nous sommes nombreux à avoir exprimé notre préoccupation à l’égard de l’évolution des charges qu’elle couvre – plus de 6 milliards d’euros aujourd’hui, sans compter la dette des années précédentes – et du poids qu’elle fait peser sur les consommateurs d’électricité.

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