Après en avoir débattu en commission, nous avons inscrit cette approche dans le texte. En effet, je suis sûr que, demain, la question se posera en ces termes.
Cependant, nous devons être pragmatiques : nous ne savons pas, aujourd’hui, maîtriser une définition aussi large. À cet égard, la définition que nous avons choisi de retenir ne privilégie aucune technologie, aucune motorisation, ni aucune source d’énergie, mais se concentre sur un seul critère discriminant : les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques.
Nous avons longuement discuté, en commission, de la pertinence de mentionner explicitement tous les types de véhicules pouvant entrer dans la catégorie ainsi définie. Nous sommes finalement convenus qu’il n’était pas satisfaisant de dresser un inventaire à la Prévert dans la loi. Ce serait risquer de devoir être exhaustif, ce qui est forcément inadapté en la matière. Ce serait aussi risquer de brider l’innovation technologique.
Dans ces conditions, nous nous en sommes remis à l’option que nous vous proposons. En effet, ce qui importe, c’est le résultat, la fin, et non les moyens ! Avec notre définition, tous les systèmes sont placés sur un pied d’égalité.
Néanmoins, madame la ministre, certaines questions demeurent. Où placerez-vous le curseur ? Un diesel Euro 6, par exemple, sera-t-il considéré comme un véhicule propre ?
Le deuxième sujet pour lequel nous avons souhaité construire un dispositif efficace et pragmatique est celui des plans de mobilité, prévus par les articles 13 ter et 18. Là encore, notre objectif a été de trouver le juste équilibre, entre l’incitation et la contrainte, pour les entreprises, de manière à réduire les émissions dues à leurs activités de transport. Ainsi, nous avons souhaité en rester à une logique incitative, logique d’ailleurs renforcée par la possibilité d’élaborer des plans « interentreprises ».
Cependant, nous avons souhaité prévoir que la contrainte puisse être justifiée lorsque l’enjeu de la qualité de l’air, donc de la santé de nos concitoyens, est en cause. Dans ce cas, le préfet, qui est au contact des réalités du terrain, pourra, si nécessaire, rendre ces plans obligatoires, pour les entreprises de plus de 250 salariés. Nous avons donc prévu la fermeté dans la souplesse.
Mon troisième exemple a fait couler beaucoup d’encre : c’est celui de l’interdiction de la vaisselle jetable et des sacs en plastique. La problématique environnementale est réelle. Ces produits créent une pollution diffuse et persistante, contre laquelle il est urgent de réagir. L’homme a quand même réussi le triste exploit de créer un sixième continent de plastique à la dérive sur les océans !
À cet égard, je souscris aux objectifs du texte sur ces sujets. Pour autant, de même que pour le reste du projet de loi, mon souci a d'abord été de m’assurer que les mesures prises soient réalistes et, avant tout, applicables.
Cette préoccupation explique le compromis adopté en commission sur la vaisselle jetable : plutôt qu’une interdiction, qui n’a pas de sens quand il n’y a pas de produit de substitution disponible, nous avons préféré proposer une obligation de tri à la source pour les détenteurs de ces déchets, à compter de 2018, afin de coïncider avec la mise en place du tri de tous les plastiques.
Pour ce qui concerne les sacs en plastique, nous avons voulu sécuriser la mise en œuvre de leur interdiction en prévoyant un délai, fixé à 2018, pour les sacs autres que les sacs de caisse, c’est-à-dire les sacs légers utilisés pour l’emballage des marchandises. Il est important qu’une filière de solutions de rechange françaises ait le temps de se constituer sur le territoire, pour que la mesure ne se traduise pas par une hausse des importations de produits de substitution.
Le quatrième exemple de cette approche pragmatique et constructive porte sur l’obsolescence programmée et l’affichage de la durée de vie des produits, véritables sujets de préoccupation pour nos concitoyens.
Le texte, tel qu’il nous est parvenu de l’Assemblée nationale, faisait peser un risque juridique très grand sur nos entreprises. De plus, il manquait sa cible véritable. Nous avons donc essayé, en consultant le plus largement possible, d’aboutir à une position une fois encore équilibrée.
Nous avons proposé un consensus sur la base de la définition proposée en 2012 par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, l’acteur public de référence dans ce domaine : l’obsolescence programmée se définira désormais par tout « stratagème » visant à réduire « sciemment » la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement.
De la même manière, sur la question très importante de l’affichage de la durée de vie des produits, nous avons souhaité privilégier, au vu de la situation existante, une approche libre et volontaire, avant de définir progressivement les indispensables normes pour mesurer objectivement la durée de vie.
J’en viens au cinquième et dernier exemple de l’esprit constructif dans lequel la commission du développement durable a mené ses travaux : la question de la hiérarchie dans l’utilisation des ressources.
Si l’on veut réduire progressivement la consommation de matières non renouvelables, il faut envoyer un signal fort. De même qu’il existe une hiérarchie des traitements des déchets, du plus au moins vertueux, il faut mettre en place une hiérarchie en amont dans le prélèvement des ressources. Concrètement, lorsqu’un prélèvement devra être effectué sur les ressources de la planète, il nous faudra d’abord privilégier les ressources recyclées ou issues de sources renouvelables, puis les ressources recyclables, et enfin, seulement, tous les autres types de ressources.
Il s’agit là, me semble-t-il, d’un objectif important, fixé aux acteurs économiques, pour l’avenir de notre planète, en même temps que d’une avancée conceptuelle que nous nous devons d’anticiper dans la loi.
Telle est la contribution que la commission du développement durable a souhaité apporter à ce processus de transition énergétique, qui est aussi un processus de transition écologique.
Innover, renforcer la place des énergies renouvelables, tout en étant réaliste quant aux moyens d’y parvenir : voilà ce que fut mon fil rouge tout au long de nos travaux. Et dans ce cadre, je le précise, j’ai pu m’appuyer sur une commission tout à fait allante, à l’image de son président !
Un tel équilibre n’est pas facile à faire émerger, mais nous pouvons y parvenir. En tout cas, nous en avons la responsabilité. Certes, c’est une grande responsabilité, mais elle est enthousiasmante. Madame la ministre, le Sénat s’est engagé et il sera au rendez-vous de l’avenir de la planète Terre !