Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 10 février 2015 à 14h30
Transition énergétique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme François Férat, rapporteur pour avis :

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, notre commission de la culture s’est saisie du titre II de ce projet de loi, qui propose de « mieux rénover les bâtiments pour économiser l’énergie, faire baisser les factures et créer des emplois ». Notre rapporteur désignée, Françoise Férat, n’ayant pu, à la dernière minute, participer à cette discussion générale, j’interviendrai en son nom.

Nous avons examiné ce titre II sous l’angle de notre compétence « patrimoine », en nous posant un certain nombre de questions. Les règles proposées pour la rénovation énergétique sont-elles compatibles avec la conservation et la valorisation de notre patrimoine, auquel, vous en conviendrez, mes chers collègues, nous sommes très attachés ? En particulier, imposent-elles des charges qui pèseraient trop lourdement sur les propriétaires de ce patrimoine ou risqueraient de le dégrader ?

Nous sommes bien sûr favorables à l’objectif général de bâtiments plus sobres. C’est une impérieuse obligation, pour faire diminuer de moitié notre consommation énergétique à l’échéance de 2050. Un tournant s’impose, sans quoi nous n’aurons pas fait assez contre le réchauffement climatique, et c’est bien là que se situe l’enjeu !

Toutefois, comment s’assurer que la rénovation énergétique soit efficace et, dans le même temps, prenne en compte le bâti ancien, qui présente un intérêt patrimonial et paysager à des degrés divers ? Sous cet angle, et tout comme le ministère de la culture, madame la ministre, nous nous sommes particulièrement inquiétés des articles 3 et 5 du projet de loi.

Dans leur rédaction initiale, en effet, ces articles autorisaient les propriétaires à passer outre certaines règles locales d’urbanisme protectrices du patrimoine dès qu’ils avaient un projet d’isolation par l’extérieur, tout en leur faisant obligation de rénover par cette technique, c’est-à-dire en « enveloppant » la façade et le toit – sauf dans des zones protégées qui nous sont apparues bien étroitement circonscrites.

Le Gouvernement nous a assurés que son objectif n’était pas, bien sûr, d’« envelopper » les vieux bâtiments, par exemple les maisons à colombage, et il a volontiers reconnu que l’isolation par l’extérieur n’était pas adaptée aux bâtiments anciens, dont les murs doivent « respirer ».

Nous ne pouvions pas nous contenter de ce propos rassurant. D’une part, les erreurs en matière de patrimoine sont toujours très difficiles à rattraper. D’autre part, une certaine confusion règne en matière de rénovation énergétique : il suffirait que la loi évoque une obligation, même limitée, pour que, dans l’esprit de nos concitoyens, l’isolation par l’extérieur puisse devenir obligatoire pour tous les bâtiments, ce dont personne ne veut.

C’est pourquoi la commission de la culture a adopté plusieurs amendements tendant à écarter les zones d’intérêt patrimonial, mais aussi le bâti ancien dans son ensemble de toute obligation d’isolation par l’extérieur et de toute dérogation aux règles locales d’urbanisme.

La commission des affaires économiques a ensuite modifié la rédaction des articles 3 et 5, en leur donnant un sens nouveau.

Tout d’abord, le maire a été placé au centre de la procédure. La dérogation n’est plus automatique quand existe un projet d’isolation par l’extérieur, comme le prévoyait la rédaction initiale du projet de loi. Elle est délivrée par le maire, qui doit alors motiver sa décision.

En outre, à l’article 5, la nouvelle rédaction adoptée par la commission des affaires économiques retire tout caractère obligatoire à l’isolation par l’extérieur. Ce qui sera obligatoire, ce sera d’engager des travaux d’isolation chaque fois que l’on effectue des travaux importants, pour essayer d’atteindre des objectifs compatibles avec les caractéristiques du bâti ancien. Toutefois, nuance de taille, il n’existe plus aucune obligation d’isoler par l’extérieur !

La décision de savoir si tel projet d’isolation par l’extérieur justifie de lever certaines règles reviendra donc à l’autorité ayant établi le plan local de l’urbanisme, c’est-à-dire à celle qui a déjà fait les choix architecturaux et urbains.

Par ailleurs, la loi ne mentionne plus aucune obligation d’isoler par l’extérieur. À cette double condition, notre crainte de voir le patrimoine être « enveloppé » plus que de raison n’a plus lieu d’être. Ce sont bien les élus portant le projet local qui sont en mesure d’apprécier le bien-fondé d’une dérogation et d’en répondre devant la population.

Faut-il écarter les « zones patrimoniales » et le bâti ancien de cette nouvelle rédaction ? Nous en débattrons lors de l’examen de l’article 3. Un supplément de précaution n’est peut-être pas inutile, mais il ne faudrait pas que le Sénat apparaisse comme se défiant des élus locaux. Je crois aussi qu’il ne faut pas perdre de vue l’objectif écologique du texte : nous devons améliorer l’efficacité énergétique du bâti ancien, y compris dans ces « zones patrimoniales ».

Un dernier mot sur l’implantation des éoliennes, qui ne tient pas assez compte de questions de patrimoine et de paysages. Des éoliennes ont été installées dans des paysages d’intérêt historique, en covisibilité de monuments remarquables, et cela en complète conformité avec la réglementation, cette dernière étant bien trop vague en la matière. Un amendement de la commission de la culture, avant l’article 38 bis, vous proposera d’y remédier et d’en débattre.

Madame la ministre, mes chers collègues, au bénéfice de ces remarques et de ses amendements, la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie.

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