Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 17 juin 2009 à 14h30
Réforme du crédit à la consommation — Article 27 bis

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Après le taux de l’usure et le crédit social, nous abordons là, à travers cet important amendement, la question du répertoire national des crédits, en d’autres termes, le fichier positif.

Ce débat, ouvert depuis de très nombreuses années, a le plus souvent été refermé par les pouvoirs publics.

J’aurais pu prendre le risque de déposer, au nom de mon groupe, un amendement visant explicitement à créer un fichier positif, mais la commission des finances, toujours très rigoureuse, l’aurait déclaré irrecevable au titre de l’article 40 dans la mesure où il créait une charge pour l’État. Par conséquent, il n’aurait même pas été discuté en séance publique.

Donc, de la même manière que je proposais de créer un crédit social au moyen d’un prêt bonifié, je défends par le biais de cet amendement le principe d’un fichier positif. L’enjeu, c’est la responsabilisation des prêteurs : il faut éviter que ceux-ci ne se désintéressent totalement de la solvabilité des emprunteurs, comme c’est le cas à l’heure actuelle.

Mme la ministre nous dit que ce projet de loi remédierait aux dysfonctionnements du FICP, que tout le monde reconnaît. Cependant, lors de son audition par la commission, alors que je l’interrogeais sur les délais de la mise en œuvre éventuelle du dispositif envisagé par la commission spéciale, Mme la ministre a répondu que le FICP « amélioré » comme elle le souhaite ne sera pas opérationnel avant la fin de 2010.

Pour notre part, nous considérons que les délais préconisés par la commission spéciale sont bien trop longs. Je soutiens que le FICP n’aura jamais valeur d’outil de prévention, puisqu’il ne peut être consulté qu’une fois les incidents de paiement constatés. Même une fois le FICP mis à jour, cette difficulté de fond n’aura pas pour autant été réglée. En revanche, avec le fichier positif, nous disposerions d’un outil préventif.

Cependant, ces derniers jours, j’ai observé que, rompant avec la discrétion qui avait régné depuis le début de nos travaux, à mesure que se rapprochait la date de discussion de ce projet de loi, les arguments en défaveur de la création d’un tel fichier fleurissaient plus nombreux, que ce soit dans la presse ou dans de petits documents, fort bien conçus, du reste, émanant de banques, de filiales de banques ou encore de la Fédération bancaire française elle-même.

Comme en est convenu M. le rapporteur, se pose ici un problème de pré carré. C’est la raison pour laquelle le lobbying est si intense et qu’à chaque fois ce sont les mêmes qui se manifestent.

Certains prétendent même que nous aurions trouvé en Belgique, lors de notre déplacement, un système qui, loin d’être extraordinaire, serait, au contraire, effrayant, et l’on prend pour argument la très forte augmentation, dans la dernière période, du nombre de dossiers de surendettement.

Franchement, l’argument est fallacieux : on ne voit pas pourquoi la Belgique, pas plus que la France, d’ailleurs, serait épargnée par la présente crise économique.

Ce pays a mis en place ce fichier positif en 2003, et le principe en avait été voté dès 2001. En outre, il faut aussi prendre en considération le fait que, contrairement à ce qui prévaut dans les autres pays européens, le crédit était très peu répandu en Belgique. Il ne s’est développé que très récemment, comme partout ailleurs, et, de ce fait, il paraît assez logique que le niveau d’endettement augmente.

Le niveau d’endettement des ménages, supérieur en France à ce qu’il est chez nos voisins belges, se situe dans la moyenne européenne.

Voilà pour l’argument que l’on oppose afin d’ôter de sa valeur à l’expérience belge.

Il se trouve que l’actualité parlementaire est intéressante puisque, aujourd’hui, le groupe Nouveau Centre de l’Assemblée nationale présentait en commission une proposition de loi de quatre articles, qui sera examinée en séance publique le jeudi 25 juin, c'est-à-dire dans une semaine, mes chers collègues, et dont l’article 4 vise à créer un « fichier positif d’endettement ».

Cet article reprend strictement les termes d’un amendement déposé lors de l’examen de la proposition de loi de M. Luc Chatel et de M. Jacques Barrot tendant à redonner confiance au consommateur, le 11 décembre 2003… Cet amendement visait à créer un fichier de surendettement dit « répertoire national des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels ». Ce fichier, géré par la Banque de France, permettait aux créanciers potentiels de vérifier le niveau de l’endettement de l’emprunteur. Or c’est exactement ce que nous demandons. Alain Vidalies, député socialiste, avait du reste admis l’intérêt de cette disposition.

Cependant, le Gouvernement avait demandé et obtenu le retrait de l’amendement, arguant des réticences des organisations de consommateurs et d’une réflexion en cours sur ce thème. Mme Royal, alors députée, avait repris cet amendement au nom du groupe socialiste.

Donc, la réflexion avait été ouverte par le Gouvernement dès 2003, et nous sommes en 2009 ! D’où le scepticisme que m’inspirent les dispositions qui nous sont proposées…

En matière de protection des particuliers, les associations belges étaient très réservées lorsque le projet de loi a été discuté, en 2001. Aujourd’hui, elles y sont franchement favorables, car les personnes surendettées ont obtenu la possibilité d’accéder à leur dossier, ce qui a accru les droits des emprunteurs.

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