Avant d'aborder la contraception, il me semble important de saluer cette nouvelle loi relative à la santé qui permettra de décloisonner prévention, soins, sécurité sanitaire et soins de ville en favorisant une démarche de promotion de la santé globale, en matière de santé sexuelle, au sens de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il s'agit d'une évolution significative au regard de l'approche très morcelée qui prévaut à ce jour dans ce domaine.
On ne peut faire l'économie de s'interroger sur le lien qui s'établit de fait entre ce projet de loi et la réforme territoriale, puisqu'aujourd'hui les compétences sont réparties entre différents acteurs territoriaux : d'une part les questions relatives à la contraception pour les conseils généraux, et, d'autre part, la prise en charge des IST, de l'IVG et de la question des violences pour l'État. Or, pour nous, tout ceci doit relever d'une approche globale. Il apparaît essentiel de ne pas traiter les questions de contraception séparément de l'IVG, puisque ces deux thématiques relèvent d'un même droit des femmes. Au niveau législatif, nous devrons mener ensemble la réflexion sur ce point.
Je parlerai tout d'abord de l'identification de lieux de proximité par le projet de loi.
Le projet de loi précise les « lieux ressources » vers lesquels les femmes peuvent être orientées en matière de contraception et d'IVG. Il s'agit, avant tout, de lieux de proximité. Il conviendra de mener une réflexion approfondie sur cette question. En effet, si les Centre de dépistage anonymes et gratuits (CDAG), les Centre d'information de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST) et les Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction (CAARUD) sont mentionnés, ni les centres de planification, ni les établissements d'information et de conseil conjugal et familial ne sont, en revanche, considérés dans le texte du projet de loi comme lieux de premier recours. Or, dans le cadre d'une approche globale, s'il est important d'impliquer les centres d'information et de dépistage des IST, on ne saurait exclure les centres de planification. J'ai le sentiment que les politiques en matière de santé sexuelle sont très liées à la bonne volonté des conseils généraux. La planification familiale n'est pas, aujourd'hui, une politique à part entière. Nous privilégions une politique de protection maternelle et infantile (PMI) qui concerne les femmes en âge de procréer. L'approche « femmes et santé » est trop peu prise en compte : or une femme n'est pas obligée d'être mère. Un important travail doit donc être réalisé afin de promouvoir une véritable politique de planification familiale qui ne dépende pas uniquement de la volonté des conseils généraux. Dans une même région, des conseils généraux peuvent conduire des politiques différentes et développent, pour certains, des centres de planification. S'il existe toujours, à l'échelon départemental, une politique de protection maternelle et infantile, l'existence des politiques de planification familiale, sur ces mêmes territoires, est très variable. La loi de 2001 se décline donc de manière très différente selon les départements. Cette disparité se retrouve dans l'inégalité d'accès à la contraception.
Le lien entre le projet de loi relatif à la santé et la réforme territoriale est donc réel. À l'heure actuelle, il est parfois complexe de déterminer quelles sont les compétences des différents acteurs territoriaux (conseil général et conseil régional). Certains conseils généraux s'investissent fortement sur l'éducation à la sexualité, contrairement à d'autres ; certains créent des centres de planification, d'autres ouvrent seulement des permanences de planification dans les PMI, à des horaires peu accessibles aux jeunes et aux femmes actives. Un travail doit donc être réalisé pour élaborer une vraie politique de santé sexuelle qui prenne en compte l'accès à la contraception, l'accès au dépistage et aux soins. Or, ces différents aspects n'apparaissent pas clairement dans le texte du projet de loi.
Venons-en maintenant à la contraception d'urgence.
Le projet de loi met particulièrement l'accent sur la contraception d'urgence en milieu scolaire afin de réduire les inégalités de santé : cela doit, à mon sens, être salué. Les infirmières scolaires rencontrent cependant de grandes difficultés à la dispenser. Et qu'en est-il des élèves non scolarisées ? La politique d'accès à la contraception en centres de planification concerne les mineures, mais pas les femmes de 18 à 25 ans qui renoncent pourtant bien souvent à une contraception car elles ont du mal à se la procurer. Toutes ces inégalités sociales, territoriales et économiques sont une réalité en ce qui concerne l'accès à la contraception. Il semble donc important d'élargir l'accès à celle-ci, au-delà de la seule contraception d'urgence.
Il convient également de réfléchir aux modalités d'accès en dehors du milieu scolaire, en impliquant des professionnels formés et bénévoles : centres de planification, sages-femmes mais aussi médecins en réseaux qui pourraient, comme dans certains départements, distribuer la contraception selon les mêmes modalités que les centres de planification. En tout état de cause, il faut s'appuyer sur des lieux, médicalisés ou non, qui peuvent être des lieux relais.
J'aborderai ensuite le rôle des sages-femmes dans la pratique de l'IVG.
Le projet de loi prévoit que les sages-femmes puissent pratiquer des IVG médicamenteuses. À nouveau, nous plaidons en faveur d'une approche globale : le choix entre IVG médicamenteuse et par voie chirurgicale doit être ouvert aux médecins comme aux sages-femmes. Il serait, selon moi, regrettable de limiter l'accès, pour les sages-femmes, à la seule IVG médicamenteuse. Les inégalités territoriales en matière d'accès à l'IVG sont connues, d'où l'intérêt de renforcer le rôle des lieux de proximité. En Belgique, l'IVG médicamenteuse et l'IVG par aspiration se font dans des centres de proximité, avec des médecins et des sages-femmes formés, en lien avec l'hôpital, ce qui facilite l'accès à l'IVG pour les femmes éloignées des structures hospitalières. En France, dans certains territoires, des centres de planification et des hôpitaux de premier recours pourraient tout à fait permettre cet accès à l'IVG dans la proximité.