À la fin de votre propos introductif, monsieur le président, vous avez soulevé une double question à propos de la démarche prospective : pour aller où et pour faire quoi ?
À cet égard, le CESE comme, du reste, les CESER, les structures régionales équivalentes, sont incontestablement des outils d'aide à la décision extrêmement importants. Après, tout dépend ce que les élus et les administrations en font. Si les analyses produites sont si intéressantes, c'est que le CESE et ses homologues régionaux sont des lieux où il y a, certes, des luttes d'influence, mais pas énormément de luttes de pouvoir. Cela facilite beaucoup la réflexion. Après, il faut passer de la réflexion à l'action. Ce n'est plus le rôle du CESE, c'est le nôtre.
Pour aller où et pour faire quoi ? Les économistes ont cette particularité d'être très forts pour expliquer les raisons pour lesquelles ils se sont trompés et pour critiquer les politiques qui ne les ont pas écoutés. Au moment de la crise de 2007-2008, certains économistes de renommée mondiale avaient, en substance, fait la mise en garde suivante : « On ne peut pas continuer ainsi, avec des taux d'intérêt à deux chiffres pour les fonds de pension et des taux de croissance à un seul. Tout va finir par exploser ! ». C'est ce qui s'est effectivement produit.
Je me souviens qu'en 2004 ou 2005, alors député européen, j'avais entendu un économiste habitué des plateaux de télévision assurer à moi et à mes collègues parlementaires que, jamais, au grand jamais, ne se reproduiraient les crises financières que nous avions pu connaître. Il avançait alors que les banques, via notamment les dépôts liés aux contrats d'assurance vie, étaient en mesure de couvrir tous les risques possibles. Trois ans après, il s'est passé ce qu'il s'est passé...
La France s'honore de compter dans ses rangs le prix Nobel d'économie 2014 ainsi qu'un économiste de renom, dont le dernier ouvrage dépasse le million d'exemplaires vendus. Il serait intéressant de pouvoir auditionner à la fois Jean Tirole et Thomas Piketty. En tant que responsables politiques et représentants du suffrage universel, chacun d'entre nous peut se forger sa propre opinion en lisant tel ou tel article de presse. Mais cela ne résistera jamais à la force de l'analyse de ceux qui prennent le temps de réfléchir et de travailler sur la question.
J'évoquerai un second point, dont nous avons déjà parlé : publier des rapports, c'est bien, les faire connaître, c'est encore mieux.
Je plaide vraiment pour que notre délégation prenne l'habitude, dans l'année ou les deux ans qui suivent la remise d'un rapport, de faire un point précis de la situation, en réunissant, autour du rapporteur, les associations, les chercheurs concernés. Cela permettrait d'avoir un suivi des préconisations et de vérifier leur mise en oeuvre par la puissance publique.
Dans la période actuelle, c'est le pessimisme qui, souvent, l'emporte. J'ai tendance à dire que les pessimistes sont les spectateurs, et les optimistes les acteurs. Efforçons-nous d'être acteurs !