Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 17 juin 2009 à 14h30
Réforme du crédit à la consommation — Vote sur l'ensemble

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les sénateurs socialistes membres de la commission spéciale ont abordé l’examen de ce texte dans un esprit constructif.

Je veux remercier le rapporteur de son implication personnelle, qui lui a permis de connaître parfaitement les tenants et aboutissants du sujet avant même qu’il ne soit question de commission spéciale ni de projet de loi. Je veux aussi remercier nos collègues qui, par leurs propositions de loi, ont contribué à accélérer le dépôt du texte du Gouvernement. Je n’aurais garde d’oublier les administrateurs, contraints de fournir un travail considérable dans des délais réduits.

Monsieur le président de la commission spéciale, j’ai pu constater à plusieurs reprises, durant nos travaux, que vous avez ménagé le temps nécessaire pour que nous puissions faire valoir nos points de vue, et vous avez participé au pour et au contre, comme vous l’avez encore montré tout à l’heure. Soyez-en également remercié.

Mais il faut revenir aux réalités concrètes, en l’occurrence au texte qui va être soumis au vote du Sénat. Finalement, que reste-t-il des propositions de loi et des amendements parlementaires ? Très peu ! Il a fallu que nous, groupes d’opposition, poussions au bout nos arguments sur des sujets que nous jugeons importants pour que le débat puisse avancer, mais sans véritable résultat concret.

Pour ce qui le concerne plus particulièrement, le groupe socialiste a défendu, c’est vrai, une certaine vision sinon de la société dans son ensemble, du moins des conséquences de la crise financière et économique. Cela nous a confirmés dans l’idée qu’il est indispensable d’engager non pas une simple réforme, mais une modification profonde du crédit à la consommation, pour ne pas dire un changement du modèle économique sur lequel celui-ci repose encore aujourd’hui et continuera de reposer après le débat au Sénat.

L’adéquation de l’offre de crédit à la demande de crédit ne pourra pas être atteinte tant que ne sera pas résolu le problème de l’accès au crédit, dans des conditions raisonnables, des populations les plus modestes, qui représentent tout de même 40 % des emprunteurs potentiels. Ce point est pour nous extrêmement important, comme nous l’avons prouvé en défendant notre solution de crédit social.

On peut, pour critiquer la formule que nous avons proposée, avancer tous les arguments techniques, madame la ministre, et vous ne vous en êtes pas privée, comme vous savez du reste parfaitement le faire. Mais, sur ce sujet qui, à nos yeux, est nodal, vous auriez pu faire preuve d’un peu d’originalité : la crise doit nous inviter à repenser le modèle !

Oui, il était possible de se montrer original, j’en veux pour preuve une loi américaine, référence qui n’est pas forcément habituelle à gauche, ni même à droite, je veux parler du Community Reinvestment Act. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous connaissiez cette loi qui, aux États-Unis, a permis, bien mieux que le microcrédit, de financer des ménages défavorisés sans pour autant succomber au charme des subprimes. Le secret ? La mutualisation entre les établissements bancaires de l’accès au crédit de cette population, les banques qui ne souhaitent pas intervenir dans ce domaine apportant une compensation financière à celles qui acceptent de prendre le risque.

Oui, nous aurions pu innover ! Si notre proposition ne vous plaisait pas, vous auriez pu en avancer une autre ! Mais vous ne l’avez pas fait parce que, malgré la crise, vous restez prisonnière du même modèle économique.

Telle est la raison de fond qui nous empêche absolument de donner notre approbation au texte. Mais, s’il en était besoin, la question du fichier positif constituerait une deuxième raison, et celle du taux de l’usure, une troisième. Tous les groupes ont voulu le modifier ! C’est justement parce que cette population modeste aurait besoin de crédit à des taux raisonnables que nous voulons mettre en place le crédit social. Mais, pour cette population-là, vous ne changez rien. Peut-être l’étude montrera-t-elle ultérieurement que ce seuil de 3 000 euros n’était pas opportun. Quoi qu’il en soit, vous ne modifiez en rien les taux pratiqués pour ces montants.

J’avoue au surplus ma surprise devant le petit nombre d’avancées qui sont consacrées dans le texte pour résoudre le problème social posé par le surendettement lui-même. C’est pour moi une vraie déception, d’autant que des amendements avaient été déposés, provenant de tous les groupes, qui visaient à ce que soient prises en compte les difficultés de ces populations, dans une période où le surendettement, sans exploser, croît de manière très significative : ils ont tous été retirés ou rejetés.

Nous nous apprêtons, avec regret, à marquer notre opposition à ce texte en votant contre. C’est dommage, mais, entre le début de la discussion et le point où nous sommes parvenus, nous avons trop peu avancé.

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