Intervention de Pierre Laffitte

Réunion du 26 octobre 2004 à 9h30
Protection des inventions biotechnologiques — Adoption d'un projet de loi

Photo de Pierre LaffittePierre Laffitte :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est significatif que nous examinions aujourd'hui, avec quelques modifications judicieuses apportées par notre commission des affaires économiques, un texte de transposition d'une directive européenne initié par le gouvernement Jospin.

La transposition partielle dans la loi Mattei répondait déjà à la nécessaire révision des lois de bioéthique de 1994 dans un sens correspondant d'ailleurs à ce que, au nom de la commission des affaires culturelles, j'avais moi-même souhaité à cette même tribune, voilà dix ans.

De la même façon, il est significatif que le présent projet de loi, important par ses conséquences, soit défendu par M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, c'est-à-dire l'ensemble des forces vives, à la seule exception des grands groupes. Personnellement, je m'en réjouis, car les biotechnologies concernent tout le monde. Il s'agit, en effet, du secteur le plus dynamique des hautes technologies, qui connaît un développement particulièrement fort au niveau des start up et des laboratoires de recherche, appuyé, le cas échéant, par le capital risque en Europe - pas suffisamment, à mon goût, si on le compare à celui des Etats-Unis.

Ce projet de loi vise à apporter une capacité supplémentaire aux pays européens qui, sinon, risquent, dans ce domaine qui va probablement devenir plus important que celui des nouvelles technologies de l'information et de la communication, capital pour la modernisation de notre économie qui en a bien besoin au moment où le monde se partage entre un certain nombre de grandes régions avec les nouveaux entrants que sont la Chine, l'Inde, le Japon, à côté des partenaires occidentaux, à savoir l'Europe, qui est un peu en retard, les Etats-Unis et le Canada.

En outre, la convergence entre les technologies de l'information et le monde du vivant est un phénomène capital qui ne fait que commencer.

En effet, la société de l'information dans laquelle nous sommes entrés bénéficie des progrès fantastiques de ce que l'on appelle la numérisation, qui, grâce à des méthodes modernes et des algorithmes adaptés, constitue un progrès dans le stockage et la rapidité de traitement de l'information. Elle permet désormais de modéliser et de simuler avant de construire ou d'agir et cela est vrai pour tout, qu'il s'agisse des systèmes de production d'électricité et de leur transport, de leur stockage éventuel ou de leur consommation à propos de laquelle des questions nouvelles se posent.

En effet, nous disposons non seulement de centrales électriques, mais aussi d'énergies éoliennes dont la production est aléatoire. Cela correspond donc à une complexification.

Dans d'autres domaines, la gestion de la complexité est maintenant bien établie. Je pense, en particulier, à la construction aéronautique, où désormais on ne réalise plus de prototypes avant de construire un avion. En effet, celui-ci est modélisé, avant que l'on procède à des simulations en faisant varier toute une série de paramètres pour savoir lesquels permettront d'améliorer la portance, la maniabilité et donc de diminuer les risques de perte de contrôle.

En conséquence, les simulations permettent de ne pas élaborer de prototype et de construire tout de suite l'avion numéro 1. Cela permet de gagner beaucoup d'argent.

Comparons cette méthodologie à ce qui se passe, par exemple, dans l'industrie pharmaceutique. La création d'un nouveau médicament coûte à peu près autant qu'un nouvel avion. Mais, à l'heure actuelle, l'industrie pharmaceutique procède à de multiples essais de médicaments, parfois cent, avant de réussir. Ce médicament lui coûte alors près de cent fois le prix de ce que coûterait un avion.

C'est comme si, dans l'industrie aéronautique, on construisait cent avions différents pour savoir celui qui, au premier essai en vol, se crash le moins vite ou ne se crash pas.

Les simulations et modélisations permettent donc de diminuer de beaucoup le coût d'un nouveau médicament majeur.

Une fondation, en cours de création, sera consacrée à la gestion de la complexité, de la simulation et de la modélisation du vivant. Elle sera abritée par la Fondation Sophia Antipolis.

Le ministre de la recherche abonde ce type de fondation à une hauteur égale au financement du privé, de façon à permettre de multiplier par deux l'importance de la recherche qui sera effectuée grâce aux financements privés combinés aux financements publics. Tous les centres de recherche qui ont besoin d'un financement complémentaire tireront évidemment un grand bénéfice de cette mesure.

Par ailleurs, la loi Aillagon sur les fondations ayant amélioré les déductions fiscales aux entreprises qui financeront des fondations, la combinaison des deux dispositifs mis en place par Gouvernement permet d'obtenir une multiplication par cinq pour les industriels intéressés par une recherche mutualisée dans le secteur. Cela intéresse au plus haut point les laboratoires de recherche publics et privés et renforce leur partenariat.

Nous allons donc pouvoir, dans le domaine particulier des biotechnologies et de la modélisation du vivant, aboutir à des résultats positifs.

Le présent débat sur la protection juridique de ces opérations permettra au secteur privé de réagir et, grâce au modèle des fondations largement pratiqué outre-atlantique, de trouver des financements de façon que nous ne soyons pas en retard par rapport aux autres compétiteurs et que nous puissions créer de la richesse, donc des emplois.

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