Cette directive, qui aurait dû être transposée en droit national pour le 30 juillet 2000, vise, rappelons-le, à clarifier certains principes du droit des brevets appliqués aux inventions technologiques, tout en assurant le respect de règles éthiques rigoureuses.
Le Gouvernement de Lionel Jospin avait donc déposé, à cet effet, un projet de loi en octobre 2001. Le texte proposé aux parlementaires n'opérait qu'une transposition partielle de la directive européenne puisqu'il maintenait en l'état l'article L.611-17, issu des lois bioéthiques de 1994, qui prévoyait que « le corps humain, ses éléments et ses produits ainsi que la connaissance de la structure totale ou partielle d'un gène humain ne peuvent, en tant que tels, faire l'objet de brevets ».
Il n'était pas question, à l'époque, d'entériner notamment l'alinéa 2 de l'article 5 de la directive qui dispose qu' « un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, peut constituer des inventions brevetables ».
Les débats sur les articles 5 et 6 de la directive ont divisé les membres du gouvernement français et les parlementaires bien au-delà des clivages politiques traditionnels.
Aucune position définitive n'ayant été arrêtée - certains demandaient même une renégociation de l'article 5, comme l'ont souligné M. le rapporteur et M. Le Cam - et, le temps passant, la Cour de justice des communautés européennes a condamné la France en manquement, pour non-transposition complète de la directive. Le 5 octobre dernier, une procédure d'astreintes financières a été lancée.
Mais entre-temps, le Gouvernement français avait décidé, dans le cadre de la dernière loi relative à la bioéthique - la loi du 6 août 2004 - d'intégrer la problématique liée aux articles 5 et 6 de la directive.
Certains parlementaires ont néanmoins continué à stigmatiser les obstacles éthiques, politiques, techniques liés à l'un des points les plus « épineux » de la directive, à savoir la brevetabilité de la matière biologique, qui peut s'étendre à des éléments isolés du corps humain lorsque les conditions de brevet sont remplies.
A ce point du débat, je tiens à regretter, après M. Le Cam, la précipitation qui a présidé au dépôt d'un projet de loi aussi important et son inscription en catastrophe à l'ordre du jour du Sénat.
Dans l'urgence, donc, et en raison d'imminentes sanctions financières, le Gouvernement a déposé le projet de loi de Lionel Jospin, en faisant abstraction de la dernière loi relative à la bioéthique.
On peut regretter ce choix qui ne permet pas une grande lisibilité des différents points abordés. On peut aussi contester le fait que la partie la plus délicate de la transposition de la directive ait trouvé sa place dans un titre IV relatif à la protection juridique des inventions technologiques dans la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004.
Cette directive, outre les aspects que j'évoquais plus haut, prévoit aussi des licences obligatoires pour concilier la non-brevetabilité des races animales et des variétés végétales avec la brevetabilité d'inventions portant sur des éléments d'origine animale ou végétale. Eu égard aux enjeux sous-tendus, nous pensions qu'elle méritait un examen plus approfondi. N'oublions pas la portée de ce texte sur l'avenir de la recherche à l'échelon européen, mais aussi mondial, et sur l'engagement financier des Etats européens qui y adhèrent !
Oui ou non, l'Europe sera-t-elle, demain, l'un des grands pôles d'investissement pour la recherche internationale ? Elle doit son retard actuel dans le secteur stratégique des biotechnologies à la non-transposition de cette directive par de trop nombreux pays qui, outre des aspects éthiques - qui sont respectables - souhaitaient aussi retarder un engagement financier lourd et durable dans le temps. Pour les seuls domaines médical et industriel, le marché potentiel mondial des biotechnologies à l'horizon 2010 a été évalué à plus de 2 000 milliards d'euros.
Nous adhérons au fait que ce texte s'inscrit dans un cadre éthique consolidé et qu'il peut ainsi aborder l'ère du post-séquençage du génome humain, c'est-à-dire l'exploitation des données des génomes, dans un climat plus serein, apaisé et riche de promesses pour l'avenir de tous. Je pense notamment aux domaines de la santé humaine, avec des applications thérapeutiques et de nouveaux médicaments issus de nouvelles molécules, de l'industrie, avec de nouveaux matériaux, de l'agriculture, même si l'exploitation des applications potentielles dépend et dépendra du cadre juridique fixé aux plantes génétiquement modifiées.
J'attends bien entendu avec beaucoup d'impatience le projet de loi qui devrait être soumis au Parlement, conformément aux déclarations du Président de la République.
J'approuve l'amendement déposé par M. le rapporteur concernant l'exception du sélectionneur et qui donne satisfaction au Groupement national interprofessionnel des semences, le GNIS. En qualité de parlementaire du Maine-et-Loire, vous comprendrez que je m'attache à l'importance que cela peut avoir pour un certain nombre d'industries semencières.
Grâce à ce projet de loi, une sécurité juridique accrue permettra aux scientifiques, mais aussi aux industriels européens, de bâtir une stratégie de propriété industrielle à plus long terme et donc d'investir toujours plus dans des technologies innovantes.
Au-delà de la protection de la propriété industrielle, qui est nécessaire pour cet engagement, permettez-moi de m'interroger sur la place qu'occupe la recherche dans notre pays et sur les fonds que l'Etat entend investir pour maintenir la France à une place honorable ou, mieux, être leader parmi les leaders.
Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'à la fin de la semaine se tiendront, à Grenoble, les états généraux de la recherche. Je me tourne vers M. Pierre Laffitte, qui a beaucoup contribué aux travaux de l'office parlementaire dans ce domaine. Des enjeux fondamentaux vont se décider.
Permettez-moi de rappeler à cette occasion la formidable aventure du CERN, qui fête ce mois-ci ses cinquante ans d'existence.
Au sein du CERN, des savants français ont brillé par leurs connaissances et leur savoir aux côtés de leurs collègues européens. Ils ont cru en des projets très ambitieux pour l'époque et ont pu financer et faire financer un accélérateur de particules qu'aucun pays, à titre individuel, n'aurait pu engager et faire progresser financièrement dans le temps.
La France a donc des potentialités énormes dans le secteur de la recherche, mais aussi dans les domaines connexes de l'espace, avec Ariane ou Galileo, ou de l'aéronautique, avec Airbus. Je ne peux donc que m'indigner des propos martelés depuis maintenant deux ans selon lesquels la recherche est en crise.
Ce discours pessimiste a fini par convaincre que la recherche française était structurellement déficiente et inadaptée à la compétition spécifique internationale.
Si la recherche est en crise, c'est d'abord et avant tout parce qu'elle manque de moyens financiers et humains.