Intervention de Geneviève Fioraso

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 25 juin 2014 : 1ère réunion
La situation et la réforme universitaire aux antilles et en guyane — Audition de Mme Geneviève Fioraso secrétaire d'état à l'enseignement supérieur et à la recherche

Geneviève Fioraso, secrétaire d'État :

Monsieur le président, Madame la présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, Madame et Monsieur les rapporteurs, Monsieur le président du groupe de travail ayant produit le rapport sur l'avenir du système universitaire aux Antilles et en Guyane,

Je souhaite rappeler le contexte dans lequel le Gouvernement a été amené à créer une université de Guyane : l'ensemble des acteurs sur le terrain demandaient cette création à la suite de nombreuses années de dysfonctionnements. La décision a été prise après un arbitrage du Premier ministre : il s'agit donc d'une décision gouvernementale.

Cette décision de création de l'université de Guyane a eu pour conséquence immédiate la création d'un établissement universitaire aux Antilles. L'évolution institutionnelle est donc en cours dans ce cadre. Elle se fait sur la base de discussions avec les acteurs des collectivités territoriales et de l'université et de la recherche, même s'il n'y a pas toujours convergence des volontés exprimées. Le ministère comme l'encadrement universitaire a toujours eu à coeur de maintenir le dialogue avec l'ensemble des trois pôles concernés.

L'évolution en cours est l'occasion d'adapter l'université des Antilles aux spécificités et aux besoins qui se sont exprimés. À cet effet, le Gouvernement a soumis à la concertation un ensemble de textes traçant les contours des nouveaux établissements et précisant leurs modalités d'organisation. Le schéma retenu s'appuie sur trois dispositifs juridiques.

Le premier est un décret portant création de l'université de Guyane, précisant ses modalités d'organisation selon un statut expérimental largement dérogatoire du droit commun. Ce statut s'appliquera jusqu'à la rentrée 2015, date à laquelle cette université de Guyane rentrera dans le droit commun.

Le deuxième décret porte création de l'université des Antilles.

Enfin, le troisième dispositif est une ordonnance précisant les modalités d'organisation de l'université des Antilles. Elle prévoit une large autonomie de ses deux pôles, ainsi que la parité de représentation de la Guadeloupe et de la Martinique.

Dans la phase de concertation en cours, qui est une étape particulièrement délicate, le ministère souhaite avoir un dialogue aussi étroit que possible avec les élus. Les contacts et les échanges sont nombreux avec moi-même, les membres de mon cabinet et les services du ministère. Nous devons prendre en compte les observations formulées par l'ensemble des parties - nous avons déjà eu communication d'observations du conseil régional de la Guadeloupe - et nous souhaitons nous attacher à faire en sorte que les textes instituant l'université fassent l'objet d'un véritable consensus. Nous partageons une ambition commune au service de l'intérêt général, des Antilles et de la préparation de leur avenir dont l'université constitue une pièce maîtresse. L'enjeu essentiel réside bien dans la formation et la qualification des jeunes sur vos territoires, aujourd'hui trop nombreux à être sous-qualifiés et à la recherche d'un emploi. Nous gardons donc présent à l'esprit l'intérêt prioritaire de la jeunesse. Un autre enjeu majeur concerne la recherche. En effet, un certain nombre de recherches ne peuvent être menées que sur ces territoires, qui disposent d'écosystèmes et d'une biodiversité particulièrement riches et ce sont des lieux privilégiés pour conduire les recherches relatives à l'adaptation au changement climatique et aux énergies alternatives.

Je répondrai d'abord à vos interrogations relatives aux projets de l'ordonnance et aux deux décrets de création des universités des Antilles et de la Guyane.

Les textes relatifs à la création d'une université des Antilles se composent d'un décret et d'une ordonnance. Le projet de décret est très bref et se limite à créer une université des Antilles. Le projet d'ordonnance en revanche prévoit les modalités d'organisation de l'université en deux pôles dotés d'une véritable autonomie. Chacun de ses pôles est doté d'un conseil de pôle qui détermine ses statuts et dispose d'un budget propre qui lui est alloué par le conseil d'administration de l'université.

Ces modalités d'organisation se caractérisent également par la parité de la représentation des pôles dans les instances communes de l'université. Chaque pôle régional envoie le même nombre de représentants au conseil d'administration.

Enfin, le président élu ne pourra ainsi effectuer plus d'un mandat. Cette limitation tend à favoriser l'alternance ; il semble en effet difficile d'aller plus loin et de prévoir une présidence alternée entre les deux pôles, car cela reviendrait à priver les membres d'une partie de l'université d'être élus.

Votre deuxième question concerne la prise en compte du rapport sénatorial qui tire les leçons du passé et préconise de ne pas renvoyer aux statuts de l'université la question de son organisation, mais d'en garantir les caractéristiques fondamentales dans l'ordonnance.

Ce rapport a retenu toute notre attention, notamment concernant les modalités d'organisation et d'installation des nouvelles entités universitaires.

Le projet de décret, qui est succinct, a été soumis aux collectivités locales le 12 juin 2014. Les dispositions relatives à l'organisation de l'université des Antilles relèvent de l'ordonnance dont un projet a été communiqué aux collectivités le 23 juin 2014. Comme indiqué précédemment, ce projet d'ordonnance prévoit l'organisation de l'université en deux pôles dotés d'une large autonomie, la parité de la représentation des pôles et des dispositions visant à favoriser l'alternance de la présidence. Il s'inscrit donc pleinement dans la logique préconisée par le rapport sénatorial dont les nombreuses autres préconisations seront une source d'inspiration ultérieure car il faut aujourd'hui parer à l'urgence et installer une gouvernance durable.

Trop longtemps se sont produits des dysfonctionnements graves et déstabilisants, notamment dans la gestion des projets européens. Le Gouvernement a pris ses responsabilités ; à aucun moment il ne s'est défaussé de ses responsabilités, sans pour autant se substituer aux acteurs compétents.

Le troisième point concerne la mise en consultation et la publication de ces textes.

Concernant les décrets, la consultation a été organisée de la façon suivante : transmission aux collectivités le 12 juin, et à l'université le 9 mai. Le comité technique de l'université les examinera le 26 juin puis le CNESER sera consulté le 30 juin. Les décrets pourront être signés après l'ensemble de ces consultations.

Concernant l'ordonnance, le texte a été transmis aux collectivités le 23 juin. L'université n'a pas à délibérer sur ce texte mais il lui a été transmis pour information, en vue d'éclairer les débats de son comité technique. C'est bien au sein de l'université et sous sa responsabilité que doivent se dessiner le devenir et le contenu détaillé de l'organisation des deux pôles.

Le projet d'ordonnance doit donner lieu à un avis du Conseil d'État. Il doit être signé au plus tard le 23 juillet, date de la fin de l'habilitation législative donnée par l'article 128 de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche (ESR).

En ce qui concerne l'organisation de l'université des Antilles, la notion d'autonomie pédagogique et budgétaire des deux pôles, Martinique et Guadeloupe, a bien été entérinée. Il reviendra à l'université de s'organiser sur les modalités pratiques de fonctionnement. Cette organisation devra se faire dans une logique de dialogue avec le ministère, les acteurs universitaires et de recherche et les collectivités territoriales. Dans la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche, nous faisions d'ailleurs référence aux schémas régionaux de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Quant à la rumeur de la mise en place d'un dispositif transitoire auprès de l'université des Antilles, la loi ESR prévoit la possibilité de doter des universités de modalités dérogatoires d'organisation en les plaçant sous statut expérimental. Il aurait été possible de se placer dans cette perspective pour organiser l'université des Antilles. Cette question a été évoquée, notamment dans une résolution récente du conseil régional de Guadeloupe. Pour autant, le Gouvernement, habilité à prendre des dispositions sur l'université par ordonnance jusqu'au 23 juillet 2014, a préféré cette modalité qui garantit une plus grande rapidité d'action face à l'urgence de la situation.

Par ailleurs, avec la préoccupation de ne pas générer de déstabilisation supplémentaire, le projet d'ordonnance prévoit que la gouvernance actuelle de l'université reste en place jusqu'au terme de son mandat, fixé à la fin de l'année 2016. Il s'agit donc de procéder par étapes dans ce domaine.

Vous avez également posé des questions sur la répartition des moyens humains et financiers entre les Antilles et la Guyane. Le ministère veille à faciliter la transition dans le cadre de la création de l'université de Guyane. Des engagements pluriannuels pouvant aller jusqu'à la création de 60 postes pour accompagner la mise en place de cette université ont été pris. 9 postes ont d'ores et déjà été créés. Par ailleurs, une mission de l'IGAENR est sur place afin d'accompagner l'installation de cette nouvelle université, notamment sur le plan des ressources humaines et de l'accompagnement financier. En effet, au cours de ces dernières années, nous avons constaté que l'ingénierie financière devait être renforcée dans ces établissements.

Concernant l'exercice du droit d'option des personnels qui ne souhaiteraient pas se maintenir à l'université de Guyane, l'engagement a été pris par le ministère d'abonder les moyens de l'université des Antilles en emplois et en masse salariale pour accompagner cette opération. Selon les premières informations dont dispose la mission IGAENR susvisée, une dizaine de postes seraient nécessaires.

La répartition des moyens humains et financiers entre le pôle Guadeloupe et le pôle Martinique renvoie à la question de l'organisation de l'université en pôles autonomes. Le budget de chacun de ces pôles et la répartition des moyens seront votés par le conseil d'administration de l'université. Le ministère veillera à ce que cette répartition soit équitable et qu'elle corresponde aux projets développés. En effet, il ne s'agit pas seulement de principes d'organisation mais d'argent public qui sert des missions d'intérêt général.

En ce qui concerne les modalités de coopération entre l'université des Antilles et l'université de Guyane, l'une de vos questions portait sur la continuité des services communs qui fonctionnaient bien jusqu'à présent comme la bibliothèque, l'école doctorale ou les études médicales. Il n'est, bien entendu, pas question de remettre en cause le fonctionnement de ces services. Des conventions entre l'université de Guyane et l'université des Antilles seront passées pour permettre la continuité de l'utilisation commune de ces services.

Enfin, votre dernière question concernait le bilan des suites disciplinaires, administratives et judiciaires de l'affaire du CEREGMIA.

Sur le plan administratif, les deux principaux responsables du CEREGMIA ont été suspendus par une décision de la présidente, à la suite des conclusions de l'enquête administrative conduite par les services de l'IGAENR. Cette mesure a été prise à titre conservatoire et ne constitue pas en elle-même une sanction.

Les instances disciplinaires ont également été saisies. Dans la mesure où le conseil de discipline de l'université ne peut juger de cette affaire, elle doit être délocalisée. Il revient au CNESER de proposer le conseil de discipline auprès duquel l'affaire sera dépaysée.

Enfin, sur le plan judiciaire, le Procureur général a été saisi en janvier 2013 à la suite du rapport de la Cour des comptes. Des auditions ont été effectuées dans le cadre de cette procédure, qui suit son cours et sur laquelle le ministre et moi-même ne pouvons nous prononcer eu égard à la séparation des pouvoirs.

L'ensemble de ces questions s'inscrit dans un contexte où l'intérêt général doit être privilégié et où il faut éviter les pressions liées aux échéances électorales ou aux suites des dysfonctionnements passés. Le temps de l'université est un temps long, qui ne doit pas être tributaire de la conjoncture.

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