Monsieur le Président, c'est avec un très grand plaisir que nous vous accueillons au Sénat, devant notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Vous avez été nommé président de la commission chargée de l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale au mois de juillet dernier. Votre expérience de diplomate, notamment dans le rôle particulièrement délicat de Secrétaire général adjoint chargé des opérations de maintien de la paix de l'ONU, vous avait préparé à ce travail capital qui va engager l'avenir de notre défense et la sécurité de notre pays et de nos concitoyens.
Au nom de tous mes collègues qui suivent les travaux de la commission, je puis témoigner, et me féliciter, de la très grande ouverture et de la transparence dont elle fait preuve sous votre direction.
L'une des différences fondamentales entre ce Livre blanc et celui de 2008 est, bien évidemment, cette « surprise stratégique » qu'a constitué la crise économique et financière depuis la faillite de Lheman Brothers le 15 septembre de cette année 2008. Dès lors, l'impact de cette crise sur les finances publiques, qui a fait dévier l'exécution de la LPM de sa trajectoire, rendait inéluctable, non pas une revue, mais la mise en chantier d'un nouveau Livre blanc.
Nous avons voulu souligner dès l'origine que, dans nos réflexions, nous ne devions pas partir d'un impératif financier : le redressement de nos finances, mais d'abord de la définition d'une ambition politique : celle de savoir quelle place nous voulons voir notre pays occuper dans le monde. De cette définition politique doit découler des moyens. Ce n'est qu'ensuite que nous pourrons nous poser la question de l'adéquation de l'une aux autres, même si elles s'interpénètrent mutuellement.
Notre commission adoptera une position que je crois responsable. Pour résumer notre analyse, à ce stade de nos réflexions, je dirais que bien évidemment le redressement des finances publiques est une question qui touche à l'indépendance nationale et que le secteur de la défense doit apporter sa part à cette entreprise, mais que cette part doit être strictement calibrée et déterminée en tenant compte de deux facteurs :
- le premier est que la défense a déjà fourni des efforts considérables, non seulement depuis 2008, mais depuis plus longtemps encore. Je ne rappellerai pas ici les réformes successives de ce secteur, qu'aucune administration civile n'aurait pu réaliser pour des raisons évidentes. Le socle à partir duquel quantifier l'effort doit tenir compte de ce passé, un socle qu'il faut finement mesurer ;
- le deuxième est qu'il existe un niveau d'effort, exprimé en pourcentage du PIB, en deçà duquel notre appareil de défense sera déclassé et qu'il le sera de manière quasi irréversible compte tenu du temps dans lequel s'inscrivent les programmes militaires et la formation des hommes. Nous y avons beaucoup travaillé, même si les rapports du Sénat ne sont pas comparables avec ceux de la commission que vous présidez. Ce niveau plancher, je le place à 1,5 % du PIB, étant entendu que nous devons nous engager à le faire progresser dès que la sortie de crise le permettra. Nous ne méconnaissons pas les difficultés que rencontre notre pays.
Notre réflexion doit être de nature politique et ce sera politiquement que le Président de la République rendra son arbitrage. Nous ne comptons pas prendre l'avis des uns et des autres, mais exprimer les convictions qui nous rassemblent, car nous ne voulons pas d'un déclassement de notre pays.
Pour en revenir à notre commission du Livre blanc, le rythme des travaux est soutenu, c'est un euphémisme de le dire, mais les délais impartis sont resserrés. A travers les différents groupes de travail, les séminaires, la participation de personnalités étrangères, les très nombreuses auditions, nous avons parcouru un chemin considérable et passionnant.
Le plus dur reste à faire, c'est-à-dire de mettre en forme et de présenter une synthèse de ces mois de travail qui soit cohérente et qui puisse faire l'objet d'un consensus. Une synthèse qui présente des choix clairs aux arbitrages du chef des armées.
Cette audition doit nous permettre de tracer les grandes lignes que vous voyez se dégager. Je vous laisse la parole.