Monsieur le Président, notre pays a remis sur l'ouvrage le Livre blanc, qui occupe une place centrale dans notre analyse stratégique puisqu'il va conditionner pour les années à venir, le format de nos armées, notre stratégie d'alliances, notre stratégie d'acquisition - si nous décidons d'en publier une - et finalement orienter les études-amonts sous la houlette de la DGA. Or, les ruptures technologiques, les surprises historiques et les modifications dans l'art de conduire la guerre ne se produisent pas à échéances régulières, mais tous les jours. Ma question est donc simple : ne faudrait-il pas mettre en place une structure permanente, comme le font les Américains pour les technologies militaires critiques ? Ne faudrait-il pas, en d'autres termes, repenser la démarche stratégique française qui concentre peut-être un peu trop les efforts de réflexion sur un court moment, au lieu de les étaler dans la durée ?
C'est une mission impossible que d'en parler dans la période de crise que nous connaissons et je suis bien conscient de la difficulté. Cependant, nous manquerions à notre devoir si nous ne la mentionnons pas : la défense antimissile balistique. La récente crise de Gaza a montré qu'Israël avait développé une défense antimissile de théâtre d'une bonne efficacité. Pendant ce temps, les ventes de systèmes antimissiles THAAD continuent dans le Golfe : 3,5 milliards de dollars en 2011, puis 1,1 milliard en 2012 pour les Émirats arabes unis ; 6,5 milliards de dollars au Qatar ; 1,7 milliard de dollars pour l'Arabie Saoudite et autant pour le Koweït. Autant dire que la DAMB ne connaît pas la crise. Or si nous voulons être capables d'exporter demain au Moyen-Orient, nous ferions bien de ne pas rester en dehors de cette compétition. D'autant que notre pays est l'un des rares à maitriser technologiquement la totalité des maillons de la chaîne DAMB. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, outre le retard pris dans l'annonce d'une décision en matière de drones MALE qui ne fait que s'ajouter aux indécisions et aux retards précédents, je voudrais mentionner un petit programme qui risque de nous coûter cher si on ne le fait : le missile antinavire léger. Il s'agit d'un programme mené en coopération franco-britannique, peu onéreux à court terme - une trentaine de millions d'euros par an sur six ans pour la France, auxquels nos alliés britanniques semblent très attachés. Cela risque de mettre en difficulté nos alliés et de porter atteinte à la crédibilité de la parole de la France. En outre, s'il devait au final s'avérer que la France renonce à ce programme, cela ferait peser une menace sur le projet « One MBDA », ce qui serait préjudiciable à nos intérêts nationaux. Qu'en pensez-vous ?