Souvenez-vous : il y a quelques années, on parlait, non pas de la Hongrie, mais de l'Autriche. Le résultat des élections représentait un cauchemar pour l'Europe qui y réagit par une décision que je qualifierai de nucléaire. Ce ne sont ni les Slovaques, ni les Tchèques, ni les Hongrois qui créent des difficultés au sein de l'Union ; disons-le clairement même si vous avez soulevé un point important. L'adhésion suppose de remplir des critères, un processus qui fait l'objet de contrôles. Une fois le pays devenu État membre, il existe encore des garanties : si la Hongrie ne respecte pas l'acquis communautaire, par exemple sur l'indépendance de la Banque centrale, l'Europe lancera une procédure contre elle et le pays comparaîtra devant les juges. Pour autant, nous avons tiré les leçons de ces dernières années : plus l'on est précis sur le respect des critères d'adhésion durant l'élargissement, plus l'on est efficace. Un acte de candidature ne représente-t-il pas le gage le plus sûr qu'un pays puisse donner ?
Ma priorité, lorsque je suis arrivé à la Commission européenne, était la crédibilité de la démarche. L'an dernier, j'ai mis l'accent sur le pouvoir transformateur de l'élargissement. Voyez la Croatie : depuis son acte de candidature en 2003, le pays a totalement changé ! Cette année, j'ai mis l'État de droit au centre de la démarche d'adhésion.
Du reste, le changement ne procède pas d'un coup de baguette magique, il se mesure à des effets concrets, à l'implication du pays. Prenons l'Islande : dix chapitres ont été clos plus rapidement que prévu. Ce pays est déjà membre de l'espace Schengen et de l'espace économique européen. Evidemment, cela ne signifie pas qu'il n'y ait plus de problème. La majorité des Islandais était pour continuer l'adhésion il y a six mois, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Peut-être observera-t-on un changement d'attitude après les élections. Nous pouvons trouver un compromis ménageant les spécificités de l'Islande dans le respect de l'acquis communautaire, j'en suis persuadé. La pêche ? Il y a deux ou trois ans, des maquereaux sont apparus dans les eaux islandaises ; un jour, ils se déplaceront ailleurs. Les Islandais ont aussi intérêt à une pêche durable. Moi, je leur tiens toujours le même discours : donnez-vous la possibilité de négocier un « paquet » pour qu'on puisse avancer.
La Serbie ? Des relations diplomatiques avec des pays tiers comme la Russie ou la Chine ne sont en rien contradictoires avec l'entrée dans l'Union européenne. Nous formulerons des exigences concrètes, y compris en matière de politique de sécurité. Le pays devra donner des preuves tangibles de son engagement pour que la Commission recommande son adhésion aux États membres.
Sans ignorer les difficultés, veillons à ne pas envoyer un signal négatif à cette région où la réconciliation demeure fragile. Je n'apprécie guère les discours de l'actuel président serbe, surtout ceux du temps où il dirigeait son parti. Reste qu'il a, contrairement à son prédécesseur, remis sur les rails la coopération régionale. Ce qui aura des conséquences sur le Kosovo. Notre aide est nécessaire, mais cela n'exclut ni la franchise ni la fermeté.
La Macédoine ? Après des années de négociations, laisser ce pays multiethnique à la porte de l'Union européenne et de l'Otan serait prendre le risque de voir, tôt ou tard, les relations se tendre entre populations. Les trois réunions que nous avons tenues avec ce pays cette année ont été concluantes. L'agenda européen, et non plus le programme nationaliste, est au coeur du débat public. Une loi contre la diffamation et les discriminations a été adoptée. La dernière fois, le Premier ministre a reconnu l'importance d'entretenir de bonnes relations de voisinage et de mener une réforme politique. Mis bout à bout, ces avancées forment un climat favorable aux négociations. Les négociations progresseront si nous parvenons à trouver dès le début une solution aux principales difficultés. Dans le cas contraire, la discussion s'arrêtera. Je suis confiant : notre intérêt à tous est de progresser.
Je soulignerai, pour finir, notre volonté de respecter les intérêts propres de chaque État membre. Il n'est pas question, pour la Commission, de prendre une décision qui irait à leur encontre. Nous le dirons clairement au Conseil européen.