Intervention de Dominique Wolton

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 4 février 2015 à 9h30
Table ronde sur l'avenir de france télévisions

Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS en sciences de la communication, administrateur de France Télévisions :

Ce n'est pas une commission qui fait évoluer les idées, madame ! Un bon chercheur est quelqu'un de minoritaire et de marginal, mais il le paye ! Il faut donc avoir une bonne santé. Raymond Aron m'a dit un jour : « Vous serez reconnu, mais il faut que vous ayez une bonne santé, parce que vous êtes tellement transversal que vous ne rentrez pas dans les catégories. » Or, pour être reconnu, il faut entrer dans les catégories.

Quant à France 5, la petite chaîne de la connaissance, elle est fondamentale. Pour ce qui est de France 4, cette chaîne doit redevenir ou être davantage le laboratoire qui permet de brasser les générations et les milieux culturels.

Enfin, s'agissant de l'Europe et de l'international, nous n'avons jamais donné la possibilité à France Télévisions d'être un grand groupe mondial - Marc Tessier en sait quelque chose. C'est une erreur. Il aurait fallu pouvoir disposer d'une chaîne d'information, c'est une évidence. La création de France 24 et de TV5 représente beaucoup de gâchis.

Il faut redonner un statut international à France Télévisions. Aucun média, sauf TF1, ne peut imaginer s'en sortir en demeurant national. Il faut revaloriser la problématique de l'Europe. France Télévisions, avec l'ensemble des chaînes publiques, doit faire savoir au reste du monde que l'avenir de la télévision et de la communication ne dépend pas uniquement de l'intérêt privé et de l'argent. Le concept de service public est fondamental pour la santé, l'éducation, les transports et pour la communication.

L'Europe dispose, de ce point de vue, d'un patrimoine extraordinaire qu'elle ne valorise pas. Il faut donc développer Euronews, réaliser des coopérations beaucoup plus fortes avec d'autres chaînes, améliorer l'international européen, valoriser l'Union européenne de radiotélévision.

Je ne comprends même pas que, face à la plus grande aventure politique et démocratique de l'histoire du monde, les services publics ne fassent pas entendre leur différence face aux GAFA, exemple du conglomérat des industries impériales du XXIe siècle !

Le patrimoine culturel et politique dont nous disposons réunit les forces politiques de droite et de gauche à 80 %. Je fais de la recherche sur ce sujet depuis quarante ans. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi les uns et les autres continuent à se haïr. Encore une fois, ce sont des guerres picrocholines !

L'Europe et l'international constituent pour moi les sujets les plus importants. Ils ont toujours été mis en jachère, étouffés par la façon dont le pouvoir politique et l'État contrôlent, organisent ou animent le service public. Marc Tessier a mille fois raisons lorsqu'il appelle l'innovation de ses voeux, mais si l'on fait preuve d'une idée originale, on est immédiatement massacré.

Il faut donc sortir de ce système de contrôle de l'État, qui recourt à des contrats d'objectifs et de moyens que l'on retrouve partout et qui ne servent à rien. Il faut fixer de réels objectifs politiques et contrôler leur mise en oeuvre.

Si l'on veut que le service public s'en sorte, il faut lui confier davantage d'indépendance et faire confiance aux dirigeants, aux hommes, ne pas modifier l'envergure, renforcer l'international et, surtout, tenir compte de l'Europe.

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