Intervention de Serge Schick

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 4 février 2015 à 9h30
Table ronde sur l'avenir de france télévisions

Serge Schick, directeur délégué au marketing stratégique et au développement de Radio France :

Merci pour cette invitation, qui va me permettre d'exprimer un point de vue professionnel, mais aussi le point de vue du téléspectateur et du citoyen que je suis.

Tout d'abord, la perception que peut avoir le téléspectateur de la télévision publique a bien changé en dix ans. Le sondage qui nous a été présenté le montre bien, l'attachement des Français au service public télévisuel et à certaines de ses chaînes a progressé.

On va fêter les dix ans de la télévision numérique terrestre (TNT) en mars prochain. L'offre est donc beaucoup plus large mais, paradoxalement, elle a su montrer la différence qualitative du service public. On voit bien que les moyens investis par France Télévisions font finalement la différence. L'offre de service public, notamment en soirée, n'a rien à voir avec celle des autres chaînes. Le choix est bien plus important. On ne propose pas tous les soirs aux téléspectateurs de partir en expédition avec les pompiers, les policiers ou les CRS, pour voir ce qui se passe dans les coulisses. Le choix est varié et ceci est à mettre au crédit de la télévision publique.

L'information est également essentielle. Je partage l'avis de Marc Tessier sur ce point : s'il existe une mission que France Télévisions doit porter bien haut, c'est celle de l'information. Cette offre, ces dernières années, s'est enrichie à travers les magazines, grâce à des formules pérennes : le fait qu'un magazine comme « Envoyé spécial » soit encore là constitue une performance. D'autres types de magazines d'enquête ont été mis à l'antenne. Ils ont montré leur réussite.

Par ailleurs, aujourd'hui, le journal de France 2 est très différent du journal de TF1. On peut le démontrer très facilement. Ce vrai travail de différenciation est à mettre au crédit de l'ensemble des présidents qui se sont succédé depuis dix ans.

Autre élément fondamental : on a beaucoup parlé du retard de France Télévisions dans le domaine du numérique. Ce retard a été en partie comblé, même si beaucoup reste à faire. Certains investissements ont été réalisés. D'aucuns considèrent peut-être qu'ils sont trop importants. Ce n'est pas mon cas. Ils doivent être encouragés. Si l'offre de France Télévisions sur l'ensemble des réseaux numériques n'est pas suffisante, à l'instar de celle que nous devons développer pour Radio France, elle perdra en actualité. L'action de France Télévisions a montré son utilité en matière de contenus et de distribution et le public en a aujourd'hui une meilleure perception.

Les usages vont par ailleurs continuer à évoluer. On a peu parlé de la télévision de rattrapage, qui se développe beaucoup, notamment auprès des jeunes. Certains genres télévisuels sont massivement consommés de cette manière. On a évoqué les réseaux sociaux, mais il faut aussi parler du nombre d'écrans. En France, chaque foyer compte aujourd'hui en moyenne plus de six écrans. La télévision, comme la radio, se regardent sur l'ensemble de ces écrans. C'est pourquoi il est souhaitable de renforcer l'universalité de la redevance.

Le cadre économique n'est pas sur le point de se simplifier. Les ressources publiques ne vont pas croître dans l'avenir. C'est cet environnement qu'il va falloir avoir bien en tête à l'horizon de 2020. France Télévisions va devoir, plus encore que par le passé, faire la preuve de sa différence. Je ne suis pas sûr que l'on puisse maintenir ce qui ne fonctionne pas. Il faudra également encourager ce qui connaît un certain succès et innover. On ne pourra pas tout faire et des choix devront être arrêtés. Radio France est exactement dans la même situation. On s'y emploie. Il ne s'agit pas d'une paupérisation des moyens, mais de définir des axes stratégiques bien clairs et bien identifiés, afin de conduire ceux qui sont intéressés par la télévision publique, ainsi que la tutelle, à faire les bons choix.

Il existe un véritable enjeu par rapport au public ; en Europe, la plupart des médias de service public doivent résoudre le problème du vieillissement de leurs audiences, qui est structurellement plus important que le vieillissement de la population.

Par ailleurs l'homogénéité des publics qui regardent ces chaînes est encore trop importante : il ne compte pas suffisamment de jeunes, ni de classes moyennes. C'est un combat quotidien qu'il faut absolument continuer. On ne peut admettre qu'une catégorie de public disparaisse du spectre de la télévision ou de la radio publiques sous prétexte qu'ils sont plus difficiles à atteindre.

Radio France a fait le choix de relancer le Mouv'. C'est un choix raisonné, qui est également en rapport avec nos missions. On ne peut accepter de ne pas toucher les jeunes de milieux défavorisés.

L'audience n'est pas tout, mais je rejoins Marc Tessier sur un point : il n'existe pas de fatalité du déclin des audiences. Sans vouloir crier victoire trop tôt, depuis que la nouvelle équipe de Radio France est arrivée, les audiences ont progressé. Celle de France Info était en baisse depuis cinq ans, elle est repartie à la hausse.

En redonnant un nouveau souffle à ce que l'on fait, on peut progresser dans ce paysage extrêmement concurrentiel, malgré une offre enrichie.

L'offre de la télévision s'est beaucoup élargie ces dernières années, mais les téléspectateurs vont s'y habituer ; il n'y a donc pas de raison que France Télévisions ne puisse pas retrouver une part de ses audiences et satisfaire son public.

S'agissant de la gouvernance, certains choix doivent être arrêtés. Je ne parlerai pas de la relation avec les pouvoirs publics ou les tutelles, qui est sans doute assez complexe, mais plutôt du management des entreprises. Il faut que les offres de télévision soient complémentaires, ainsi que leurs services numériques. Radio France travaille également beaucoup sur la complémentarité. Comment faire en sorte que le management et la gouvernance de France Télévisions soient mieux organisés pour aborder ces questions ? Plusieurs choix ont été faits, comme celui d'une forte centralisation de la programmation, lorsque Patrick de Carolis et Patrice Duhamel dirigeaient l'entreprise, ou du guichet unique. Une organisation harmonisée, plus décentralisée, correspondant mieux à la richesse des contenus, a également été retenue.

La ligne de gouvernance, pour la future direction de France Télévisions, devra absolument avoir ces éléments en tête. Les entreprises publiques, télévisuelles ou radiophoniques doivent opérer une révolution de la gouvernance et du management. C'est sur ce point qu'il conviendra de s'interroger. Cela nécessite des orientations stratégiques très claires sur la complémentarité des chaînes et de leurs services. Il s'agit d'un dossier certes technique, mais fondamental.

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