Intervention de André Trillard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 12 juin 2013 : 1ère réunion
Audition du général bertrand ract-madoux chef d'état-major de l'armée de terre

Photo de André TrillardAndré Trillard :

Dans le cadre des réductions de personnels, est posée la question des carrières courtes et derrière celle du rapport coût /temps de formation/efficience sur le terrain. Quelle est votre appréciation sur ce sujet ? Quelles conséquences en attendre en termes d'avancement et des carrières des militaires ?

Général Ract-Madoux. - Je suis le premier désolé que deux documents importants adressés au ministre de la Défense et au chef d'état-major des Armées, et à eux seuls, se soient retrouvés l'un sur le blog d'un hebdomadaire et l'autre traduit sous forme d'un article publié dans le Monde. Ce n'était, jusqu'ici, pas l'usage au ministère de la Défense.

Quant à l'article publié dans le même journal le lendemain, il faisait suite aux affabulations d'un groupuscule extrémiste qui « fantasmait », via internet, sur l'idée d'un putsch. Les généraux visés sont bien évidemment consternés d'être ainsi pris en otage. Je trouve pour ma part ce type d'attaques d'autant plus regrettable et lamentable que ces généraux sont d'une loyauté irréprochable.

S'agissant de la RGPP et du précédent Livre blanc, j'occupais, au moment de leurs lancements, un poste au sein d'une direction du ministère où il n'est pas particulièrement d'usage de s'exprimer publiquement. Quand j'ai pris mes fonctions de chef d'état-major de l'armée de Terre, j'ai pu constater l'ampleur de la réforme et à quel point elle s'était appliquée avec sévérité. Je m'en suis d'ailleurs fait l'écho auprès des commissions parlementaires dès mes premières auditions. C'est pourquoi, lorsque j'ai réalisé que la situation semblait se reproduire, j'ai tenu à rappeler combien chaque armée était fondamentalement différenciée par la nature de son personnel, par ses missions et par son milieu. Compte tenu de ces différences fondamentales, il n'est pas illogique que les chefs d'état-major expriment des priorités différentes et proposent des solutions qui leur soient propres pour atteindre les objectifs fixés, y compris ceux relatifs aux économies budgétaires. Ma préoccupation consiste donc à convaincre le chef d'état-major des Armées et le ministre de la Défense, des besoins spécifiques de l'armée de Terre et du bien-fondé des choix qu'elle formule pour remplir ses objectifs.

Concernant l'armée de Terre, la préservation d'un format minimum est essentielle pour conserver la cohérence et donc l'efficacité de l'outil. Il me semble que nous sommes arrivés à un seuil « plancher » pour un pays de plus de 65 millions d'habitants. Mon objectif consiste donc à réduire le moins possible le nombre d'unités car je crains que la recréation de régiments dans le futur ne relève de l'utopie. Au-delà des déflations d'effectifs à effectuer, qui pourraient dépasser 10 000 hommes pour l'armée de Terre, et des trajectoires contraintes sur les équipements, je redoute également des réductions drastiques sur les budgets de fonctionnement (activités, habillement, équipement individuel...). Il s'agit de domaines dans lesquels nous sommes particulièrement vulnérables compte tenu du faible volume des budgets afférents. Ma préconisation consiste donc à laisser à chaque armée la liberté de proposer les options lui permettant d'atteindre les objectifs d'économie fixés. J'ai conscience que le calendrier très serré rend cette préconisation difficile à mettre en oeuvre.

S'agissant des bases de Défense, l'expérimentation, consistant à confier à un officier général en fonction la responsabilité d'une base de Défense, donne de remarquables résultats. Elle introduit un échelon de synthèse de bon niveau entre l'opérationnel et le soutien. En outre, elle place réellement le commandant de la base de Défense en position de coordonnateur et d'arbitre. Ceci est apprécié tant par les régiments que par l'organisation du soutien. Nous allons donc profiter des restructurations pour proposer de mieux concilier le découpage géographique de certaines brigades et de certaines bases de Défense.

Concernant la judiciarisation, le gouvernement souhaite travailler dès à présent à la préparation d'une loi permettant d'offrir un cadre plus protecteur aux militaires engagés en opérations afin de ne pas les confronter à des mises en cause qui sont parfois aux limites du compréhensible. Nous suivons aussi les procédures judiciaires relatives à l'embuscade d'Uzbin avec beaucoup d'attention. Pour ma part, j'estime qu'il sera très difficile de poursuivre les responsables de la mort de nos hommes puisqu'il s'agit de talibans. Par ailleurs, cette procédure prolonge la douleur de ceux de nos soldats qui ont déjà souffert des évènements en évacuant les corps meurtris de leurs camarades.

Enfin, j'observe que le phénomène de la judiciarisation s'insinue de façon croissante dans la vie courante de nos unités. Le réflexe consistant à recourir au dépôt de plainte se généralise, dans des cas où, le plus souvent, l'application du règlement de discipline général peut s'avérer suffisant.

Au sujet des ESSD (entreprises et services de sécurité et de Défense), leur emploi dans le domaine de la logistique et strictement limité hors des zones de combat me semble possible. Inversement, j'émets de sérieuses réserves à leur engagement au coeur des opérations.

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