Intervention de Jean-Noël Cardoux

Commission mixte paritaire — Réunion du 17 juillet 2014 à 17h00
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux, sénateur :

Je rejoindrais la plupart des arguments que vient d'exprimer M. Jean-Pierre Door. Je voudrais insister sur le fait qu'au Sénat, le débat se déroulait dans une très grande sérénité. Le groupe UMP exprime plusieurs regrets. D'une part, la plupart des mesures incluses dans ce texte ne valent que pour 2015. D'autre part, on ne sait pas comment seront financées ces mesures. Nous avions donc souligné que dans ces conditions, nous ne voyions pas l'utilité de cette procédure exceptionnelle, puisque c'est la deuxième fois depuis vingt ans que nous avons affaire à un budget rectificatif de la sécurité sociale. Or il n'y avait rien d'exceptionnel dans ces mesures d'affichage qui, paraît-il, sont destinées à donner confiance aux entreprises. Je répète que les entreprises commencent à avoir confiance lorsqu'elles ont des éléments tangibles, et non des projets d'avenir.

Au Sénat, la discussion a donné lieu à des débats fort intéressants, par exemple sur la TVA anti-délocalisation, sur laquelle chacun a exprimé sa position calmement, dans la sérénité. Le Sénat a donné l'image - qu'il n'aurait normalement jamais dû perdre - de sagesse et de confrontation d'idées. Le débat a avancé : nous avons adopté un certain nombre d'amendements - très peu d'ailleurs. Parmi les trois principaux, deux émanaient de la majorité présidentielle, le troisième du groupe UMP. L'amendement relatif à l'augmentation de 0,75 euro à 1,50 euro de l'abattement pour le calcul de cotisations applicables au salaire des employés à domicile a été voté, j'insiste, à l'unanimité, toutes tendances politiques confondues, ce qui est assez exceptionnel.

Mais contre toute attente, alors que le groupe UMP était décidé, comme il l'a fait d'ailleurs sur tous les articles de la première partie, à s'abstenir sur la première partie relative aux recettes afin de poursuivre le débat, M. le Secrétaire d'Etat au budget nous a imposé une seconde délibération, sur l'ensemble des amendements qui ne lui convenaient pas. Finalement, c'est sur un problème d'habillage, un problème de cigarettes et un problème d'emploi à domicile que les oppositions se sont cristallisées, poussant le Sénat, en raison de la remise en cause de ces trois dispositions, à voter contre l'ensemble de la première partie, ce qui témoigne du peu de considération accordé par le Gouvernement au Sénat et au travail qu'il a réalisé sur ce texte.

Suite à cela, la majorité a exprimé des sentiments extrêmement amers - certains propos tenus, que nous avons approuvés, étaient d'ailleurs sans concession. Pourquoi ? N'aurions-nous pas pu trouver une solution sur cet amendement de bon sens, puisque nous avons rappelé la situation catastrophique dans laquelle se trouvaient tous les intervenants de l'emploi à domicile. Les élus locaux sont saisis en permanence par des présidents d'associations, des présidents d'entreprises du secteur marchand les alertant sur le fait qu'ils vont être contraints de déposer le bilan. Ils demandent aux conseils généraux de combler les trous, alors mêmes que ceux-ci commencent à avoir de moins en moins de financements.

Nous pensions que le montant de la réduction forfaitaire de 1,50 euro - alors que l'UMP avait proposé 2 euros - était une bouée de sauvetage immédiate pour ces associations. Le Gouvernement ne l'a pas voulu, alors que je rappelle que M. Eckert avait envisagé cette solution par voie de décret, et qu'il avait même pris devant l'Assemblée nationale un certain nombre d'engagements, évoquant le passage à 2 euros de la déduction forfaitaire. Mais subitement, en deux ou trois semaines, M. le Secrétaire d'Etat a fait volte-face, pour des raisons que nous n'avons pas comprises. Je pense que nous aurions pu faire l'effort d'accepter cet amendement, ce qui aurait d'ailleurs souligné la qualité du débat au Sénat. Cela aurait été également un signe consensuel envoyé aux parlementaires et aux associations. Nous parlons ici de 180 millions d'euros : c'est une somme importante certes, mais relativement modeste eu égard aux dispositions portées par le projet de loi. Je répète qu'il y avait une solution de financement possible, puisqu'il suffisait d'utiliser une partie de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA) qui est en application depuis deux ans - ces 0,3 % que l'on a imposés aux pensions des retraités. Je pense que sur le montant de la CASA, destinée au financement de la dépendance et notamment au maintien à domicile des personnes âgées, il aurait été facile de prélever les 180 millions d'euros pour financer cet amendement.

Alors que le Gouvernement n'a pas laissé le Sénat aller au bout du débat, et après les arguments qu'a rappelés Jean-Pierre Door, je ne vois pas comment nous pourrions trouver un accord sur ce texte, alors même qu'avec mon groupe, nous avions considéré que ces mesures, bien que n'allant pas assez loin, constituaient une ébauche de bonne solution.

Je reviens sur la question du financement, puisque la question nous est souvent retournée. Une solution existe, comme l'a rappelé M. Jean-Pierre Door : c'est la TVA anti-délocalisation. Pour conclure, je rappellerais que récemment, le conseil des ministres des finances de l'Union européenne a émis une recommandation à l'égard des Etats membres, en soulignant que dans certains Etats, trop de charges pèsent sur les entreprises. L'une des pistes que le conseil préconisait pour réduire ces charges reposait sur la création d'impôts sur la consommation, à l'image de ce que certains pays scandinaves ont fait : c'est la TVA anti-délocalisation. Nous sommes au coeur du problème ; il faudra bien en crever l'abcès un jour.

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