Que de questions ! Je vais tenter de faire la synthèse. Abandon ou remise à plat ? C'est affaire, monsieur Doligé, de vocabulaire. J'ai à gérer, au vrai, une situation de suspension, décidée par le gouvernement et non pas moi, et dont j'hérite. Il est normal que je recherche, avec votre aide et celle de la mission de l'Assemblée nationale, des solutions, et c'est bien pourquoi j'ai parlé de remise à plat - déclaration qui n'a rien de tonitruant.
Vous avez eu parfaitement raison d'évoquer le manque à gagner pour les collectivités locales. Il y a des portiques installés sur certaines routes départementales à la demande des conseils généraux, qui devaient rapporter 160 millions d'euros. C'est un vrai sujet...
Je ne polémiquerai pas avec vous, monsieur Grosdidier. Il est vrai que la loi a été votée à l'unanimité, mais on a vu d'excellents dispositifs théoriques connaître des problèmes d'application. On ne peut pas ignorer la réaction qui s'est manifestée dans le pays. La fiscalité écologique doit être comprise et acceptée par les citoyens, et servir à faire évoluer les comportements. C'est aussi là le fond du problème. Il y a eu un déséquilibre dans le dispositif, car une fiscalité écologique ne vise pas seulement à obtenir un rendement, au service des infrastructures, mais veut aussi inciter à des comportements moins polluants. Vous avez cité les Bretons ; ils ne demanderaient pas mieux que de choisir le fret, encore faudrait-il qu'ils aient le choix. Or, il n'y a pas de transport alternatif. J'ajoute qu'avec le système retenu à l'heure actuelle, la répercussion sur le producteur serait de toutes façons la même, qu'il choisisse la route ou le train. On en est arrivé à un système absurde à coups d'aménagements au gré des rapports de force. Sans polémique, reconnaissons que l'on hérite là d'une drôle de patate chaude ! La loi a été votée il y a six ans - et non pas trois ans - et c'est aujourd'hui qu'il faut trouver des solutions...Et les trouver ensemble, c'est bien pourquoi je ne veux pas entrer dans la polémique, parce que le volet mobilité des contrats de plan en dépend. A nous de travailler collectivement pour que les travaux, qui créeront des emplois, puissent être engagés.
Je ne vise pas les camions étrangers, monsieur Nègre, mais des camions venus de l'étranger. C'est d'ailleurs le dispositif qu'ont adopté le Royaume Uni et l'Allemagne : l'eurovignette aux frontières, dont le coût de prélèvement et de gestion est bien inférieur à celui d'un système de portiques sur l'ensemble du territoire. Il ne nous est pas permis, en France, parce que les autoroutes, qui ont été privatisées dans le contexte que l'on sait, sont payantes. Cela vaut la peine d'y réfléchir. Il n'est pas normal que les autoroutes fassent deux milliards de bénéfice, payés par les usagers, sans que rien n'en revienne au financement des infrastructures dans le cadre des contrats de plan. Pour ne rien vous cacher, nous sommes entrés en contact avec les actionnaires des sociétés autoroutières. Un prélèvement de moitié seulement de leur bénéfice correspond au rendement prévu pour l'écotaxe. Sans frais de recouvrement et sans passer, pour leur collecte, par le truchement d'une société privée. Cela vaut la peine de réfléchir à un partenariat intelligent, sachant que les actionnaires des sociétés autoroutières le sont aussi des entreprises de BTP qui ont intérêt à voir s'ouvrir les chantiers d'infrastructures routières, ferroviaires et de transports urbains en sites propres dont nous avons besoin. C'est une question d'intelligence collective.
Les fondements du texte, qui a été voté à l'unanimité, monsieur Dantec, sont solides. Considérer qu'il y a un droit d'usage sur les routes au même titre que sur les autoroutes est un raisonnement imparable. Sous réserve qu'existent aussi des transports alternatifs à la route, moins polluants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. S'il s'avère que l'on s'est écarté à l'excès de ces fondements, il faudra bien renégocier l'ensemble du dispositif, ou bien trouver un système à plusieurs variables. Avec une part de prélèvement sur les autoroutes, négociée à l'amiable, pour éviter les délais d'un processus législatif et pouvoir mettre en oeuvre sans tarder les volets mobilité des contrats de plan. Pour avoir signé, comme présidente de région, ce volet mobilité, je sais que les entreprises attendent les chantiers, et qu'il faut les engager sans tarder. C'est là ma priorité. Cela suppose aussi de réorienter une part du trafic de poids lourds vers les autoroutes, en veillant, ainsi que l'a souligné M. Nègre, à ne pas surcharger les axes qui le sont déjà. Avec aussi des portiques aux frontières, qui, ciblant les camions venus de l'étranger, peuvent jouer le même rôle qu'une eurovignette, et apporter une recette supplémentaire.
J'ai l'intuition que si l'on parvient, par la négociation, à ne retenir ainsi que le versant positif de chaque mesure, on peut peut-être arriver à un paquet financier global, qui, levant l'hypothèque des coûts de recouvrement et de la garantie de retour sur capitaux propres, serait équivalent au rendement attendu de l'écotaxe.
Je n'écarte pas, monsieur Capo-Canellas, toute négociation. La preuve en est que nous avons désigné les conciliateurs. C'est en inventoriant toutes les solutions possibles que l'on parviendra à s'en sortir. Je n'ai pas condamné a priori l'écotaxe, mais je constate que ses complexités et les vives réactions qu'elle a provoquées ont conduit à sa suspension. Il me semble très compliqué de créer un dispositif à géométrie variable. Sous réserve d'examen complémentaire, il me semble que renvoyer la responsabilité aux régions ne serait pas leur faire un cadeau. Imaginez-vous que l'Alsace, par exemple, puisse décider seule d'appliquer l'écotaxe, sans provoquer de réactions ?