Intervention de François Lichère

Commission d'enquête sur la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds — Réunion du 15 janvier 2014 : 1ère réunion
Audition conjointe de Mm. François Lichère professeur de droit et frédéric marty économiste

François Lichère, professeur de droit à l'Université d'Aix-en-Provence :

En effet, en décembre 2007, il s'est prononcé sur la constitutionnalité du dispositif, mais sans faire mention de cette réserve formulée par le Conseil constitutionnel, se contentant d'évaluer les modalités du contrôle par l'État de son cocontractant. L'avis de la Mapp fait état de comparaisons entre des procédés contractuels et il valide le choix de l'État. Il envisage deux possibilités : PPP ou marché public global, de même périmètre que le PPP retenu, comprenant l'exploitation du système. Pourtant, il aurait été possible de passer un marché public pour la mise en place du système puis de confier à une régie son exploitation. L'hypothèse d'une délégation de service public a été écartée au motif qu'aucune rémunération n'aurait été possible. Elle aurait pourtant pu être calculée en fonction des taxes perçues.

Les modalités de passation du contrat ont été minutieusement analysées par le Conseil d'État, qui cependant intervenait dans le cadre d'un référé précontractuel et ne menait donc pas un contrôle exhaustif. Le raisonnement se tient, même si je formule une réserve sur la question de l'impartialité des conseils privés de l'État.

Ce contrat est exceptionnel à plusieurs titres. D'abord, il a été autorisé par le législateur, en loi de finances. Il se situe dans le cadre d'un contrat de partenariat de service, ce qui n'est pas fréquent mais qui est juridiquement possible. La formule de PPP retenue est-elle adaptée à la gestion d'un service de recouvrement de taxes ? Ni plus ni moins que la formule d'un marché public global. La vraie question est le choix de l'externalisation du recouvrement, plus que la formule choisie pour mettre en oeuvre cette externalisation. Est-il pertinent pour l'État de déléguer ce recouvrement ? Certes, un préfinancement était nécessaire, mais l'État ne pouvait-il pas faire l'avance ?

Quelles sont les conséquences, pour chaque partie, de la suspension du contrat ? L'entreprise Écomouv' a-t-elle des moyens de pression sur l'État ? La situation est inédite. En droit, la suspension de contrat n'existe pas. Il y a simplement une décision de l'État de ne pas exécuter ses obligations contractuelles, qui n'annule pas la situation contractuelle elle-même. En droit privé, il existe l'exception d'inexécution : si une partie n'exécute pas ses obligations, l'autre n'est plus tenue aux siennes. Mais le législateur lui-même a qualifié ce contrat de contrat administratif : en cas d'inexécution de ses obligations par une partie, l'autre n'est pas dégagée des siennes. Écomouv' peut donc tout à fait engager une action en responsabilité de l'État pour le préjudice lié à la suspension de l'exécution de ses obligations contractuelles. Une action en reprise des relations contractuelles serait également envisageable ; ce serait une première car elle n'est admise à ce jour qu'en cas de résiliation du contrat par une personne publique, sous réserve qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose pas. Ici, il s'agit de suspension des relations contractuelles.

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