M. Jean-Pierre Michel m'interroge sur l'Observatoire de la récidive et de la désistance. Je lui répondrai, en même temps qu'à Mme Virginie Klès, en indiquant que nous travaillons depuis plusieurs mois sur les statistiques, objet, depuis des années, de contestations, fondées ou infondées, quant à leur crédibilité. Nous avons voulu un dispositif incontestable, qui ne soit entre les mains ni du ministère de l'Intérieur, ni de celui de la Justice, en engageant la réforme de l'ONDRP. Nos ministères doivent être en capacité de produire des données. Je le répète, le ministère de la Justice dispose, depuis 1973, d'un service statistique et j'ai veillé, depuis mon arrivée, que soient mises à disposition certaines statistiques jusqu'à présent très difficiles à obtenir sur l'incarcération, dans un souci de transparence et d'appropriation collective par l'opinion publique. Le ministère de l'Intérieur s'est doté, pour sa part, depuis janvier 2014, d'un outil statistique. L'ONDRP pourra ainsi travailler sur la délinquance, et mener des analyses transversales. Quant à l'Observatoire de la récidive et de la désistance, il relève, je l'ai dit, de la loi pénitentiaire, n'en déplaise à M. Frassa. Et si M. Détraigne a raison de parler de changement de philosophie, c'est un changement entamé avec la loi pénitentiaire : l'incarcération ne doit intervenir qu'en ultime recours et, si elle ne peut être évitée, des aménagements de peine doivent être envisagée dès que possible.
C'est une réalité constatée dans de nombreux pays, la peine en milieu ouvert - que l'on appelle d'ailleurs peine de probation -, qui ne désocialise pas l'auteur des faits, et le responsabilise en lui imposant une série d'obligations pour réparer le préjudice subi par la victime, se former, se soumettre éventuellement à des soins, réduit la récidive. Dans certains pays scandinaves, après vingt ans de contrainte pénale, on ferme les établissements pénitentiaires, et c'est tant mieux.
L'Observatoire de la récidive et de la désistance aura mission de contribuer à l'évaluation qui, ainsi que Mme Virginie Klès a eu raison de le souligner, ne sera pas définitive au terme de deux ans. Mais nous nous fixons ce rendez-vous à deux ans, pour voir ce que cela donne. Nous verrons comment nous avons été capables de lutter contre les sorties sèches, sans nous contenter de gérer des flux carcéraux. Car ce fut là un des défauts de la loi pénitentiaire, qui intervenait sur un système embolisé, après une quantité de textes venus modifier soit le droit pénal soit la procédure pénale. Au point qu'il n'y avait plus aucune logique, ni dans la politique pénale, ni dans la politique carcérale. Avec des mécanismes comme la procédure simplifiée d'aménagement de peine ou le suivi électronique en fin de peine prévus dans la loi pénitentiaire, on a, de fait, géré des flux carcéraux. Nous nous situons dans une autre logique, non de gestion de la population carcérale mais de prévention de la récidive. C'était d'ailleurs l'esprit de la loi pénitentiaire, même s'il en a autrement été fait usage, dans lequel nous nous situons, et la preuve en est que nous avons pris en moins de deux ans les décrets d'application qui lui manquaient encore, et dont certains furent fort difficiles à élaborer.
L'Observatoire pourra étudier les parcours de délinquance et les parcours de désistance, sur lesquels nous avons besoin d'indicateurs fiables. Nous travaillerons sur des cohortes, car nous manquons d'études telles que celle que nous avons lancée sur dix ans avec 500 000 condamnés. Cet observatoire nous sera précieux, et c'est un outil dont les parlementaires, qui y auront des représentants, pourront s'emparer.
Le terme d'amendement ne vous paraît pas, monsieur le rapporteur, assez séculier ? Ce n'est pourtant pas la rédemption... Nous déploierons cette séquence philologique - je sais que le Sénat y est versé - en séance publique.
Nous ne faisons pas plus de sociologie que de droit, monsieur le sénateur Frassa, mais nous pensons qu'il est utile que le droit se nourrisse d'autres disciplines. Nous augmentons les effectifs des conseillers d'insertion et de probation : 400 sont déjà en formation à l'école nationale de l'administration pénitentiaire, et 300 autres le seront dans chacune des deux années à venir. Ce recrutement de 1000 fonctionnaires sur trois ans représente un effort sans précédent. Mais nous ne nous contentons pas de cela, nous travaillons aussi sur les méthodes et les profils de recrutement, dans la conviction que les sciences humaines ont beaucoup à apporter. Sans remplacer le droit, la sociologie, nous l'assumons, inspire nos décisions normatives.
La contrainte pénale, monsieur Collombat, est une peine en tant que telle. Immédiatement exécutoire, elle doit être éminemment adaptée - d'où un point de désaccord avec votre rapporteur, qui veut, pour certains délits, en faire la seule peine susceptible d'être prononcée. Telle n'est pas notre démarche : dans une logique d'individualisation, il s'agit de travailler sur les personnes et les personnalités. La contrainte pénale doit être ajustée. Elle est modulable et elle est évaluée. Elle est une peine, et non un aménagement de peine.
La césure du procès, monsieur Tandonnet, ne sera pas obligatoire. Souvent, par manque d'éléments, le juge décide de renvoyer l'affaire. C'est ce que nous avons voulu éviter, en prévoyant une audience rapide pour le prononcé de culpabilité et les mesures d'indemnisation de la victime, afin de répondre au sentiment d'impunité et à la légitime impatience des victimes, tout en ménageant, à sa suite, la possibilité d'un délai, afin d'ajuster la peine.