Intervention de Vincent Mazauric

Commission d'enquête sur la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds — Réunion du 21 janvier 2014 : 1ère réunion
Audition de Mm. Vincent Mazauric secrétaire général du ministère de l'écologie du développement durable et de l'énergie jean-françois monteils ancien secrétaire général didier lallement ancien secrétaire général julien boucher directeur des affaires juridiques auprès du secrétaire général du ministère de l'écologie du développement durable et de l'énergie frédéric lénica ancien directeur des affaires juridiques Mme Isabelle de Silva ancienne directrice des affaires juridiques et M. Thierry-Xavier Girardot ancien directeur des affaires juridiques

Vincent Mazauric :

Je me propose de décrire brièvement la chronologie des principales étapes de ce dossier et d'aborder quelques éléments relatifs au fond et à l'organisation des compétences administratives relatives au traitement de ce contrat. J'ai succédé à M. Jean-François Monteils, secrétaire général du 19 juillet 2010 au 2 novembre 2012, dont le prédécesseur était M. le Préfet Didier Lallement, secrétaire général dans un premier temps du ministère des transports et du ministère de l'écologie à compter du 3 octobre 2007 puis, après la réunion de ces ministères et la réorganisation de leur administration, secrétaire général du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire jusqu'au 19 juillet 2010. Les prédécesseurs de M. Julien Boucher ont été M. Frédéric Lenica du 24 mars 2011 au 23 mai 2012, Mme Isabelle de Silva du 17 octobre 2009 au 23 mars 2011 et M. Thierry-Xavier Girardot du 21 décembre 2007 au 17 octobre 2009. Vous voyez donc que la conduite de ce dossier coïncide avec une période de réorganisation des portefeuilles ministériels et de la composition de l'administration.

Je reviens brièvement sur les grandes étapes chronologiques de ce dossier. Tout commence avec la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports qui prévoit, après l'adoption d'un amendement parlementaire, la taxe poids lourds dite « alsacienne » s'inspirant, d'une part, de l'exemple allemand et, d'autre part, de deux textes communautaires, la directive 2004/52/CE du 29 avril 2004 relative à l'interopérabilité des systèmes de télépéage routier, posant le principe que des véhicules doivent circuler sans être arrêtés par des péages et doivent pouvoir disposer de dispositifs automatiques, et la directive 2006/38/CE du 17 mai 2006 modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures, dite « Eurovignette », créant la possibilité de taxer la circulation des poids lourds en fonction de la distance parcourue. Après le vote de la taxe alsacienne, dès 2007, le Gouvernement réfléchit à son extension à l'ensemble du territoire national, ayant à l'esprit, quelle que soit la dénomination communautaire, qu'il s'agit en droit interne d'une taxe et non pas d'une redevance pour service rendu, et s'interrogeant dès ce moment sur la possibilité de faire gérer une telle organisation de nature fiscale par un délégataire, ici un groupement de nature privée, sous certaines conditions de contrôle par l'État. Au mois d'avril 2007, la direction du budget interroge respectivement la direction des affaires juridiques et la direction de la législation fiscale du ministère des finances sur ces différents éléments. Saisi par le ministre chargé de l'écologie et par la ministre des finances, le Conseil d'État rend, le 11 décembre 2007, un avis public sur l'ensemble de ces questions et confirme ces principes. C'est ce qui permet le vote de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 prévoyant, dans son article 153, à la fois la confirmation de la taxe alsacienne et son extension à un dispositif national. C'est là que commence véritablement le processus qui mène à la conclusion du contrat avec Écomouv'.

Je n'en cite que les principales étapes. Cela commence par la publication d'un appel public à la concurrence au Journal officiel de l'Union européenne le 29 avril 2009 et symétriquement, au Bulletin officiel des annonces de marchés publics le 5 mai 2009. L'égalité de traitement est respectée scrupuleusement à chaque étape. Par exemple le 29 mai 2009, l'État publie les questions pouvant présenter un intérêt pour la préparation des dossiers. Le 9 juin 2009, date limite de dépôt des candidatures, sont reçus cinq dossiers : ceux de Vinci, de Sanef, d'Autostrade per l'Italia, de France Telecom et son groupement, et de Billoo Development. La commission consultative, mise en place conformément à l'article 153 de la loi de finances pour 2009, est saisie par le ministre chargé de l'écologie et prononce le 28 juillet 2009 l'admission de ces cinq candidatures. Le 28 septembre 2009, le groupe Vinci décide d'abandonner la procédure. S'ensuit une série d'auditions constituant un dialogue compétitif, pour mener à l'élaboration d'un dossier de consultation final mis à la disposition de l'ensemble des candidats en juillet 2010. Sur cette base, sont formalisées les offres finales des candidats reçues le 29 septembre 2010. La commission consultative est à nouveau réunie et se prononce le 14 octobre 2010 sur la recevabilité des quatre offres. Elle en retient trois et exclut l'offre de Billoo Development au motif de son caractère incomplet. Après notification de ces décisions et évaluation des candidatures, l'État présente son classement pour ces offres à la commission le 13 décembre 2010. La commission délibère à cette date et établit un classement qui place en tête le groupe Autostrade per l'Italia. La ministre de l'écologie ratifie cette décision par une décision du 14 janvier 2011 valant attribution à ce candidat de ce projet. Les autres candidats prennent connaissance de cette décision par une lettre du 17 janvier 2011. Le processus de mise au point du contrat de partenariat est suspendu par la saisine du tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans le cadre d'une procédure de référé-précontractuel. Le 8 mars 2011, ce tribunal annule la procédure de passation du contrat de partenariat. L'État, le 22 mars 2011, puis la société Autostrade per l'Italia, le 24 mars 2011, se pourvoient en cassation devant le Conseil d'État. Après échange de mémoires au mois de mai, le Conseil d'État, par une décision du 24 juin 2011, annule l'ordonnance rendue par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et rejette le référé précontractuel, ce qui rend possible la mise au point et la signature de ce contrat le 20 octobre 2011.

Je souhaite vous exposer quelques éléments relatifs au fond et sur l'action du secrétariat général du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et des ministères qui l'ont précédé. En premier lieu, aucune illégalité n'a été relevée dans la procédure d'attribution de ce contrat. Ceci est clairement posé par la décision de cassation du Conseil d'État du 24 juin 2011. Au demeurant, la procédure d'attribution et de signature du contrat est aujourd'hui purgée de tout recours.

La direction des affaires juridiques, qui fait partie du secrétariat général, a été créée par le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008, de même que l'ensemble de l'administration de ces ministères désormais unifiés avec un secrétariat général intégrateur. La direction des affaires juridiques exerce une fonction d'animation, de conseil, d'expertise et d'assistance juridique. Elle se prononce sur l'ensemble des projets de textes législatifs ou réglementaires. Elle traite le contentieux de nature centrale du ministère et assure la qualité de la norme et de la réglementation. Elle n'est donc pas au premier chef le rédacteur ou l'expert de tout contrat. Ce point est important car, devant une affaire aussi complexe que le contrat Écomouv', il y a lieu d'articuler les compétences et les fonctions. Dans notre ministère, c'est la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) dont vous auditionnerez prochainement le directeur général, M. Bursaux, qui a eu la charge d'élaborer, à chaque étape, ce dossier, l'appel d'offres et le contrat. Conformément au principe de spécialité et à ses fonctions, la direction des affaires juridiques s'est principalement chargée de la défense des intérêts de l'État devant les instances saisies en mars et en juin 2011 et, en particulier, du pourvoi en cassation devant le Conseil d'État. Pour sa part, la DGITM est la meilleure experte en matière de partenariats public-privé, de montage et d'analyse en opportunité et en régularité de concessions et, d'une manière générale, est la meilleure experte, de tout temps en raison de sa fonction routière, de l'économie de tels contrats.

Je souhaite, pour conclure, préciser que le ministère, sur ce point précis, a audité sa propre organisation. Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) dans un rapport public que lui avait demandé le ministre et qui a été remis en août 2011, s'est penché en détail sur cette organisation et sur la question de savoir où devait être placée l'expertise en matière de partenariats public-privé. Même si la commande du ministre au CGEDD n'était pas spécifiquement orientée sur le dossier de l'écotaxe et du futur contrat passé à ce titre, ce point est bien sûr cité. La conclusion est que l'organisation observée, toujours en vigueur, et qui a servi dans cette affaire, est la bonne. La meilleure expertise doit être là où sont les métiers et les missions relatifs aux infrastructures. Il faut également veiller au concours d'expertises complémentaires, notamment celui de la direction des affaires juridiques, et surtout à deux points : la mutualisation des connaissances et des compétences de manière à éviter des positions différentes au regard d'entreprises qui sont parfois les mêmes, et la précaution indispensable de prendre le conseil ou l'avis d'une commission consultative tierce et distincte de l'administration comme cela a été prévu par la loi de finances pour 2009.

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