Pour la bonne compréhension des actions menées pour s'assurer de la qualité du dispositif construit par la société Écomouv' et expliquer pourquoi la mise à disposition a dû être reportée à deux reprises, il semble d'abord nécessaire de présenter le suivi par l'État de la conception et de la recette réalisées par le prestataire commissionné, puis de préciser comment s'est déroulée la VABF. Je terminerai par un point de situation sur les tests de VSR.
Partant d'un cahier des charges, le déroulé d'un projet est rythmé par un séquencement d'étapes, de conceptions et de tests. Pour l'écotaxe, ces étapes sont toutes précisément prévues dans le contrat signé entre Écomouv' et le ministère de l'écologie.
L'État a ainsi créé une équipe projet, qui a participé à la rédaction du cahier des charges, au dialogue compétitif et au choix du prestataire ; elle est composée d'une douzaine de personnes, appartenant à la mission de la tarification de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), et à la mission taxe poids lourds de la DGDDI. Elle est pilotée par un directeur de projet, Antoine Maucorps, son adjoint à la mission de la tarification, Olivier Quoy, et par moi-même.
J'insiste sur le fait que l'équipe a mis en commun des compétences diverses : ingénieurs, juristes, fiscalistes des douanes. Nous sommes accompagnés par une assistance extérieure, Capgemini, qui propose à la fois des compétences techniques et juridiques. Nous nous sommes également fait assister par la Direction des affaires juridiques et par la Direction de la législation fiscale pour certaines compétences juridiques. La Douane s'est en particulier appuyée sur ses services juridiques, comptables, et informatiques.
Nous sommes à cet effet intervenus dès la conception du projet. Dans le cadre d'un contrat public-privé, le prestataire est maître d'ouvrage et maître d'oeuvre. Il lui appartient d'établir les spécifications du dispositif, à partir du cahier des charges élaboré par l'État. Nous avons donc émis des remarques sur les spécifications générales et détaillées.
Les principaux points de désaccord ont donné lieu à des ateliers spécifiques à propos des interfaces, ou de certains aspects du guide de procédure, ce qui nous a permis d'apporter des précisions sur ce que nous attendions.
Une fois la conception effectuée, il s'agit de vérifier si le dispositif répond bien au cahier des charges de l'État. Une recette a été établie par Écomouv', avec des tests unitaires réalisés par des sous-traitants comme Thales, pour le dispositif de contrôle, Steria pour le dispositif de collecte et le système central, Magneti Marelli pour les équipements embarqués, Autostrade pour les bornes de distribution des équipements embarqués
Écomouv' a ensuite procédé aux tests d'intégration pour réunir l'ensemble des modèles dans un système global, ainsi qu'aux tests de non-régression, afin de s'assurer que la nouvelle version était au moins aussi bonne que la précédente, plusieurs versions ayant été réalisées au fur et à mesure de l'avancée des travaux.
La recette a débuté le 30 juillet 2012 ; l'assistant de l'État, Capgemini, a suivi les tests, produisant 23 rapports hebdomadaires du 7 août 2012 au 8 février 2013. Ce suivi a permis à l'État de constater que la recette d'Écomouv' laissait apparaître des défauts majeurs. Leur trop grand nombre nous a conduits à refuser d'entrer en VABF en février 2013. Un mois plus tard, nous avons reçu un rapport complet d'Écomouv', annonçant la correction des défauts identifiés. La VABF a été autorisée à partir du 5 avril 2013.
La VABF est le moment où l'on teste les fonctionnalités d'un point de vue métier. Dans le projet écotaxe, l'État s'est plus particulièrement assuré que le dispositif était conforme aux prescriptions. Écomouv' n'est pas intervenue pour réaliser les tests, mais a tenu certains rôles à notre demande. Nous lui avons ainsi demandé de jouer un opérateur du Centre de traitement des anomalies (CTA), afin de voir comment réagissait le système.
Le « défaut majeur » désigne le ou les défauts qui interdisent, par leur ampleur ou par leur nombre, l'usage en condition normale du dispositif. Le défaut mineur désigne, a contrario, le ou les défauts qui, par leur ampleur ou leur nombre, n'interdisent pas l'usage en condition normale du dispositif. La constatation de défauts majeurs a finalement conduit à réaliser trois VABF successives.
L'État a procédé à la définition du plan de tests, que nous avons partagé en différents chantiers identifiant la collecte, le contrôle, la sécurité, l'enregistrement, la formation des redevables, chaque chantier pouvant ensuite être divisé en sous-chantier. Nous avons notamment tenu compte des observations portant sur les spécifications fonctionnelles générales (SFG) et sur les spécifications fonctionnelles détaillées (SFD), dont l'exécution nous paraissait ne pas pouvoir être correcte. Un chantier comme l'enregistrement a été décliné en différents sous-chantiers -enregistrement à une borne automatique, enregistrement par Internet, ou auprès d'un point de distribution avec personnel...
Les tests de VABF se sont déroulés à Paris, chez Écomouv'. Nous avons en outre vérifié le système informatique du prestataire, qui est important pour que les forces de l'ordre puissent obtenir des informations sur les contrôles automatiques, la liquidation de la taxe, l'établissement des avis de paiement, les détails de liquidation.
Au centre de traitement d'Écomouv', à Metz, nous avons vérifié le fonctionnement du CTA sur les rapports de passages issus des tests réalisés sur le terrain lors de campagnes en Alsace.
Nous avons également mené des tests avec le centre d'appel pour simuler la procédure de secours, et des tests d'enregistrement par des agents du Service de la taxe poids lourds (STPL).
Nous nous sommes également rendus chez Thales, à Brétigny-sur-Orge, où nous avons vérifié le contrôle automatique des véhicules en fonction de différentes configurations. Nous avons fait circuler des véhicules sur le réseau taxable. Nous avons demandé aux brigades des douanes de Strasbourg, Rouen et des Ulis de réaliser des contrôles routiers.
Une fois les tests rédigés, nous les avons répartis entre une trentaine de testeurs -douanes, DGITM, Capgemini. Le testeur devait nous dire si le test était bon ou non. Si celui-ci s'avérait mauvais, nous demandions au testeur de décrire ce qui ne correspondait pas aux attentes.
Un outil dédié, HP ALM (HP Application Lifecycle Management), nous a permis d'intégrer toutes les opérations, et de réaliser un suivi des tests, afin de les qualifier, aucun testeur n'ayant émis d'avis sur la criticité des tests. Nous avons réalisé hebdomadairement une qualification provisoire avec le directeur de projet et nos adjoints.
Nous avions également une fois par semaine un échange avec Écomouv' sur les défauts majeurs identifiés lors des tests de la semaine, l'objectif étant de partager la qualification envisagée, majeure ou mineure, afin d'anticiper les corrections, et de permettre à Écomouv' de ne pas attendre la fin de la VABF pour commencer les corrections. L'objectif était de mettre la taxe poids lourds en oeuvre le plus rapidement possible. À la fin de chaque VABF la qualification définitive était réalisée, au vu de l'ampleur des défauts ou de leur nombre.
La première VABF a commencé le 8 avril 2013 et s'est terminée le 13 juin 2013. Compte tenu du nombre important de défauts majeurs détectés sur divers chantiers -enregistrement, collecte, liquidation...- nous n'avons pas estimé être en mesure de prononcer la VABF. Nous avons donc demandé à Écomouv' d'apporter les corrections nécessaires, ce qu'elle avait déjà commencé à faire, afin de nous permettre de réaliser une VABF complémentaire.
Nous avons scindé les lots en deux, le premier lot spécifique à l'enregistrement et le second sur le reste du dispositif. Le délai estimé était de trois mois minimum. .
Le premier lot de la VABF s'est étalé du 24 juin au 12 juillet 2013. N'ayant pas détecté de défauts majeurs, nous avons autorisé Écomouv' à passer en VSR concernant l'enregistrement des abonnés. Nous avons donc, dans un premier temps, pu ouvrir l'enregistrement aux abonnés, puis aux non abonnés. Nous attendions en effet plus d'abonnés que de non abonnés, ces derniers étant plutôt des occasionnels, la majorité des redevables devant passer par une société habilitée de télépéage (SHT).
La VABF du second lot a été réalisée du 2 juillet au 22 août 2013. On a pu constater qu'une grande partie des défauts majeurs avait été corrigée, mais il en restait encore un certain nombre, de nouveaux défauts majeurs étant par ailleurs apparus. En fait, lors de la première VABF, certains défauts majeurs nous avaient empêchés de dérouler les tests jusqu'au bout...
Fin août, il restait encore un certain nombre de défauts majeurs. Nous avons donc estimé ne pouvoir mettre le système en service. Le 2 septembre 2013, l'État a adressé à Écomouv' la liste des défauts majeurs et mineurs restant, en lui demandant de procéder aux corrections, afin de permettre une nouvelle VABF. Le 7 septembre 2013, le report de la mise en oeuvre de la taxe a été annoncé au 1er janvier 2014 par communiqué de presse.
La VABF finale s'est déroulée du 16 septembre au 8 novembre 2013. Elle a permis de constater la présence de défauts mineurs et d'un seul défaut majeur, lié à l'absence d'homologation des chaînes de collecte et de contrôle. Une non-conformité pouvant entraîner une contestation de masse, l'homologation sécurisait le redevable, mais aussi l'État, la preuve étant à la charge du redevable en cas de contestation.
S'agissant de la VSR elle-même, l'État n'y participe pas, sauf exceptions (CMP, Interfaces SI douane). . On peut toutefois les observer et analyser le rapport de VSR qui doit être produit par Écomouv', l'objectif étant de s'assurer que les tests ne recensent plus de défauts majeurs.
Nous avions autorisé Écomouv' à réaliser les tests de VSR dès l'été ; Écomouv' a retenu pour son rapport les tests réalisés à partir du 8 octobre, ceux-ci portant sur la version devant être mise en oeuvre à partir du 1er janvier.
Les opérations de VSR se sont déroulées du 15 au 17 juillet 2013 pour l'enregistrement des redevables abonnés. Une VSR a eu lieu pour l'enregistrement des redevables non abonnés du 22 juillet au 4 octobre 2013. La VSR définitive a finalement eu lieu du 8 octobre au 20 décembre 2013. Écomouv' a estimé avoir réalisé suffisamment de tests à cette date, ce qui lui a permis, dès que l'État a prononcé la VABF, le 16 janvier, de fournir le rapport de VSR qui nous a été remis le 20 janvier 2014.