Intervention de Christian Jacob

Réunion du 26 octobre 2004 à 9h30
Protection des inventions biotechnologiques — Article 7, amendement 13

Christian Jacob, ministre délégué :

L'amendement n° 13 tend à concilier le droit des brevets et celui des obtentions végétales, pour répondre à un enjeu économique qui appelle toute notre attention et qui concerne l'ensemble de la filière semencière.

Je rappelle que les variétés végétales font actuellement l'objet d'une protection sous la forme d'un certificat d'obtention végétale, un COV. Elles peuvent également être couvertes par un brevet lorsqu'elles incorporent un gène qui sert de support à une invention qui a été brevetée, en raison de sa nouveauté, de son caractère inventif ou de son application industrielle.

Le droit des obtentions végétales prévoit deux types d'exceptions à la protection.

D'une part, une exception permet aux agriculteurs d'utiliser sur leur exploitation et pour leurs besoins une partie de leur récolte à des fins de reproduction ou de multiplication. C'est le « privilège de l'agriculteur », qui autorise, sous certaines conditions, l'utilisation des semences de ferme.

D'autre part, une exception limite le droit de l'obtenteur pour les actes accomplis aux fins de création de nouvelles variétés. C'est le « privilège du sélectionneur », qui permet d'utiliser tout le matériel génétique des variétés végétales protégées aux fins de travaux de sélection.

Cette double exception figure à la fois dans la convention internationale pour la protection des obtentions végétales, dite convention « UPOV », et dans le règlement (CE) 2100/94 pour les certificats d'obtention végétale communautaires.

La directive que nous transposons aujourd'hui a bien prévu le privilège de l'agriculteur mais pas celui du sélectionneur. Elle ne l'a pas non plus formellement prohibé. Mais il y a là une question de cohérence entre les deux textes communautaires qui mériterait d'être clarifiée.

Cependant, je dois indiquer que, en droit des brevets, une dérogation, codifiée à l'article L. 613-5 du code de la propriété intellectuelle, est d'ores et déjà prévue pour les actes accomplis à titre expérimental. Couramment dénommée « exemption pour la recherche », elle permet d'utiliser l'invention brevetée à des fins de recherche.

Il est admis que cette exemption entre dans le cadre de l'article 30 de l'accord ADPIC qui autorise « des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que celles-ci ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet, ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet. »

Elle est reconnue par nos partenaires européens mais a une portée différente selon les Etats. A ce jour, elle n'a, en effet, pas donné lieu à une harmonisation sur le plan communautaire.

Nous devons naturellement être très attentifs à une transposition exacte de la directive. La navette nous permettra de réfléchir à sa portée exacte sur les questions dont nous débattons en ce moment pour infléchir, si nécessaire, le projet qui vous est soumis.

Mais je crois pouvoir dire que la directive n'affecte pas cette exemption pour la recherche qui, dans le cadre du droit des brevets, doit permettre de répondre, au moins en partie, aux légitimes préoccupations exprimées par votre commission.

Reste néanmoins posée la question du champ exact d'application de l'exemption pour la recherche, pour laquelle nous ne disposons que d'une jurisprudence limitée.

L'amendement de la commission peut donc permettre de lever cette interrogation dans le cas qui nous intéresse en visant sans ambiguïté les « actes accomplis en vue de créer ou de découvrir et de développer d'autres variétés végétales. »

Il aboutirait à retenir en droit français une solution identique à celle qui est envisagée dans le projet de loi allemand, lequel tend également à régler la portée juridique de l'exception pour la recherche à l'égard de la création, de la découverte et du développement d'une nouvelle variété végétale.

Avec cet amendement, il est important de le souligner, le droit qui s'attache au brevet comme au COV serait préservé pour ce qui est de la commercialisation, laquelle impliquerait l'accord du détenteur du droit de propriété intellectuelle et ne pourrait se faire que sous réserve du paiement d'une redevance.

C'est pourquoi, sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 13 et remercie la commission de sa contribution.

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